L’utilisation des pesticides dans les départements et régions d’Outre-mer est désormais scrutée à la loupe grâce à la mise à jour de la carte Adonis, développée par l’association Solagro. Pour la première fois, cet outil de référence intègre les spécificités des cultures ultramarines, offrant une vision précise des pratiques agricoles sur des territoires où les enjeux environnementaux et sanitaires sont cruciaux. Cette avancée marque une étape essentielle pour évaluer l’impact des pesticides et encourager une transition agricole durable.
État des pesticides dans les départements et régions d’Outre-mer
La carte Adonis, qui cartographie l’intensité d’usage des pesticides en France par commune, vient d’être mise à jour. En plus des données actualisées sur l’ensemble du territoire métropolitain, elle s’étend désormais aux départements et régions d’Outre-mer.
Le travail des équipes d’ingénieurs de Solagro a permis d’intégrer les données sur les cultures de Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte.
Ces cartographies et outils permettent de mesurer l’empreinte des pesticides. Ce préalable est indispensable à la mise en place de politiques de réduction efficaces, pour encourager la transition agricole vers des modes de cultures plus durables et aborder l’agroécologie comme solution.
Zoom sur la canne à sucre
La carte Adonis dans les territoires ultramarins montre que la culture de la canne-à-sucre à un fort impact, notamment sur l’usage d’herbicides. Avec une fréquence totale de traitement de la canne-à-sucre de 88 000 ha (IFT moyen x surface cultivée), cette graminée représente 53% de tous les traitements pesticides réalisés dans les territoires d’Outre-mer étudiés. La canne-à-sucre occupe 36 000 ha en France, soit 30% de la surface agricole cultivée des territoires ultramarins, dont plus de la moitié sur l’île de La Réunion et plus d’un tiers en Guadeloupe.
L’utilisation d’herbicides est particulièrement élevée sur une grande partie des zones littorales de La Réunion. Les molécules utilisées pour désherber et leurs métabolites contaminent l’environnement (eau) et les autorisations d’usage sont progressivement retirées (comme le S-métolachlore dont l’usage est interdit depuis avril 2024). L’enjeu est donc de taille pour la filière canne-à-sucre qui doit poursuivre la mise en œuvre de pratiques alternatives au désherbage chimique pour diminuer la pression globale des pesticides.
Zoom sur la banane
La Martinique et la Guadeloupe ont subi pendant 20 ans l’usage du chlordécone, insecticide utilisé pour lutter contre le charançon du bananier de 1972 à 1993 aux Antilles. Pendant ces vingt années d’utilisation, cet insecticide a entraîné une pollution des sols, des eaux douces et du milieu marin. Depuis, de nombreux progrès ont été faits sur les pratiques d’usage des pesticides sur la banane, notamment avec la mise en place du Plan Banane Durable. Ces améliorations de pratiques sont visibles en Guadeloupe avec une baisse de plus de 50% des IFT depuis 2012 (passant de 6,74 à 3,2), à la différence de la Martinique où l’IFT total de la banane est resté élevé, autour de 7,3 en moyenne depuis 2012. Malgré des progrès notables depuis le début des années 2000, la banane reste une des cultures les plus traitées dans les départements et régions d’outre-mer, avec seulement 4% de bananeraies en bio en France en 2022.
Les systèmes agricoles dominants agroforestiers et vivriers de Mayotte et de Guyane permettent à ces deux départements d’enregistrer un usage réduit des pesticides.
Voir la présentation des résultats – cf. paragraphe 3 – Départements et Régions d’Outre-Mer
L’agroécologie comme alternative
Un exemple de culture de vanille à La Réunion
L’agroécologie apparaît comme une solution éprouvée comme alternative aux pesticides. Les solutions fondées sur la nature, pour la nature, concourent non seulement à la protection de la biodiversité, des sols et des paysages mais aussi à une meilleure résilience et adaptation aux phénomènes de dérèglement climatique. De nombreux témoignages d’agriculteurs et agricultrices engagé·es en faveur de ces transitions attestent de la pérennité de ces solutions. Sur la plateforme OSAÉ – osez-agroecologie.org, développée par Solagro, Quentin Donnay, qui cultive la vanille en sous-bois, et Arthur Herbreteau, chargé de mission agro-environnement pour le Parc national de La Réunion apportent leur témoignage.
À l’Île de la Réunion, 40% du territoire est classé en cœur de Parc national. La marque « Esprit Parc national » portée collectivement par les Parcs Nationaux de France et l’Office Français de la Biodiversité contribue à la protection de ce patrimoine.
Quentin Donnay s’inscrit dans cette démarche collective et produit une vanille de qualité sans aucun produit de synthèse. Elle implique une gestion du sous-bois avec la forêt comme premier outil de travail dans son système de production. Le choix d’arbres-tuteurs pour la vanille, est essentiel, celui d’espèces résistantes aux cyclones, permettant une alternance d’ombre et lumière, pourvoyeurs de paillage naturel pour alimenter les racines nourricières des pieds de vanille. Quentin Donnay explique : « Mon métier consiste à observer la nature, comprendre ses cycles. Il est essentiel de se mettre au niveau physiologique de la vanille, ne pas l’affaiblir, pour pérenniser les cultures. Nous favorisons la qualité plutôt que la quantité. Nous avons dû nous adapter et adapter les gestes techniques pour produire des produits haut de gamme, qui soient à la fois respectueux de notre santé et notre environnement ».
Arthur Herbreteau, chargé de mission agro-environnement pour le Parc national de La Réunion ajoute : « La pratique de l’agroforesterie permet la diversité végétale au sein de la parcelle, l’absence de recours aux intrants chimiques mais aussi une gestion de l’espace boisé sur du long terme contribuant à la restauration biologique de ces parcelles. »
Mises à jour de la carte Adonis
Conçue par l’association Solagro en 2022, la carte Adonis permet d’accéder à une information précise et localisée sur l’utilisation des pesticides. Elle permet de zoomer commune par commune et d’obtenir des informations sur l’utilisation moyenne de pesticides (Indice de Fréquence de Traitement – cf le guide méthodologique) par type de traitement (herbicides, insecticides, fongicides, traitements de semences) et par culture.
Le monde de la recherche et de nombreuses collectivités locales s’en sont emparées (plus de 400 demandes de réutilisation des données brutes). Cette carte de France des pesticides constitue un outil de référence pour de nombreuses collectivités territoriales pour piloter des actions de réductions efficacescontre les pesticides et pour les scientifiques, pour ouvrir de nouveaux champs de recherche ou croiser ces informations avec des données sur la santé humaine et les écosystèmes (présence d’oiseaux, nombre de cancers…)
Pour la troisième mise à jour de cette carte, les équipes de Solagro viennent d’intégrer les données des départements et régions d’Outre-mer et les résultats de l’année 2022 (les données de 2023 et 2024 n’étant pas encore accessibles).
À propos de l’association Solagro
Solagro est une entreprise associative qui met son expertise au service des transitions agroécologique, climatique, énergétique et alimentaire. Son équipe pluridisciplinaire d’ingénieurs, énergéticiens, agronomes… aborde de manière systémique les défis qui pèsent sur le vivant et sur l’environnement, dans une vision d’ensemble et de long terme. Forte d’une expérience de 40 années, Solagro intègre des compétences d’ingénierie, de recherche appliquée et de formation qui se complètent et s’enrichissent mutuellement. Elle développe notamment des plateformes d’échanges sur les pratiques agroécologiques (OSAE) de lutte biologique par conservation des habitats (HERBEA), d’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique (Climadiag Agriculture) et propose un travail d’analyse et traitement de bases de données comme pour le Calculateur Empreinte Pesticides, en lien avec la cartographie comme la carte Adonis des pesticides.
Pour en savoir plus : solagro.org / afterres2050.solagro.org