Paris, le 9 avril 2025 – Le Sénat a été le théâtre d’une scène politique inhabituelle lorsque le sénateur guadeloupéen Dominique Théophile a retiré sa propre proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone. Ce retrait, survenu en pleine séance, a été motivé par l’adoption d’un amendement gouvernemental réduisant la portée du texte initial.
Une proposition de loi vidée de sa substance
La proposition de loi de Dominique Théophile visait à reconnaître la responsabilité de l’État dans les préjudices moraux et sanitaires subis par les populations de Guadeloupe et de Martinique en raison de l’utilisation prolongée du chlordécone, un pesticide hautement toxique. Cependant, un amendement adopté par la majorité sénatoriale a limité cette reconnaissance aux seuls dommages sanitaires, excluant ainsi les préjudices moraux et le préjudice d’anxiété. Face à cette modification substantielle, Théophile a estimé que le texte ne répondait plus aux attentes des victimes et a décidé de le retirer.
Réactions et dénonciations
Le retrait de la proposition de loi a suscité de vives réactions au sein de l’hémicycle. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer, a salué le “courage” de son collègue tout en dénonçant une “mascarade” orchestrée par la majorité présidentielle.
Il a critiqué le refus du gouvernement de créer une autorité administrative indépendante pour gérer les indemnisations et de reconnaître le préjudice d’anxiété, malgré une jurisprudence favorable.
D’autres sénateurs ont également exprimé leur déception. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), a déclaré : “Ce que nous venons de vivre est désespérant pour les populations de Martinique et de Guadeloupe.”
Une contradiction gouvernementale pointée du doigt
La controverse a été amplifiée par la présentation simultanée d’un autre texte gouvernemental visant à réautoriser l’épandage aérien de pesticides dans les bananeraies, une mesure jugée incohérente avec les enjeux de santé publique liés au chlordécone. Cette contradiction a renforcé les critiques à l’encontre du gouvernement, accusé de manquer de cohérence dans sa politique environnementale et sanitaire.
Un combat qui continue
Malgré ce revers, Victorin Lurel a affirmé sa détermination à poursuivre le combat pour une réparation globale des préjudices subis par les populations antillaises. Il a annoncé son intention de demander l’inscription, dans l’espace réservé de son groupe, de la proposition de loi d’Élie Califer, adoptée l’année précédente à l’Assemblée nationale mais non encore examinée au Sénat. Cette nouvelle initiative vise à relancer le débat sur la reconnaissance de la responsabilité de l’État et l’indemnisation des victimes du chlordécone.