Les PFAS vont-elles enfin être interdites ? Dénoncées dans le film Dark Waters en 2019, ces substances également appelées “polluants éternels” pour leur persistance dans l’environnement, continuent d’inonder notre quotidien. Mais l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) vient de présenter une proposition d’interdiction qui va faire l’objet d’une évaluation et qui pourrait être adoptée en 2025. Une première avancée majeure malgré des échéances lointaines. Photo de une : Les PFAS sont notamment utilisés dans les poêles anti-adhésives. @iStock

L’Union européenne fait un premier pas vers l’interdiction des PFAS, ces substances également appelés “polluants éternels” en raison de leur persistance dans l’environnement, et néfastes pour la santé. Interpellée par les autorités sanitaires de cinq pays – Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Norvège et Suède – l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié mardi 7 février sa proposition d’interdiction. Un processus d’évaluation va être lancé fin mars pour six mois. L’objectif est d’aboutir à une règlementation soumise par la Commission européenne aux États membres en 2025 pour une éventuelle mise en œuvre après 2026.

“Nous saluons la proposition des cinq États Membres qui est sûrement la plus ambitieuse et large proposition de restriction jamais proposée en Europe. Le fait que l’UE s’engage dans une volonté de restreindre largement les types et usages de PFAS est un acte fort”, réagit Pauline Cervan, toxicologue et chargée de mission de mission scientifique et règlementaire chez Générations Futures, dans un communiqué. L’association avait publié un mois plus tôt un rapport révélant que la pollution aux PFAS dans les eaux françaises était “généralisée” et “largement sous-estimée”.

Deux scénarios sur la table avec des échéances parfois très lointaines

La proposition d’interdiction des PFAS décrit deux scénarios. Le premier accorderait aux entreprises un délai de 18 mois pour se passer des PFAS. Le second prévoit une durée de transition variable selon les usages et la disponibilité de substances alternatives, d’un an et demi en général (pour les cosmétiques, emballages alimentaires…) mais pouvant aller jusqu’à 12 ans (pour les dispositifs médicaux, par exemple).

“Dans de nombreux cas, il n’existe pas encore d’alternative, et dans certains cas, il n’y en aura peut-être jamais”, reconnaissent les cinq pays. Des dérogations illimitées sont envisagées pour certains secteurs soumis à des réglementations spécifiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments). La seconde option serait celle privilégiée par les cinq États Membres ayant soumis le dossier, laissant plus de temps aux industriels pour se préparer.

La proposition cible 14 secteurs d’activité potentiellement impactés par une interdiction. L’organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime qu’il sera difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité…) et leur rôle central dans les chaînes d’approvisionnement de secteurs tels que la pharmacie ou l’automobile. Mais l’industrie chimique se prépare déjà. Le conglomérat américain 3M a par exemple annoncé en décembre qu’il arrêterait d’ici fin 2025 la production des PFAS et cesserait d’en intégrer dans ses produits.

4,4 millions de tonnes de PFAS sur trente ans

Les PFAS ont été développés depuis les années 1940 pour résister à l’eau et à la chaleur. Dotés de propriétés anti-adhésives et imperméables, ils sont utilisés dans l’industrie et sont présents dans des objets de la vie courante (produits en téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles…). Quasi-indestructibles, les PFAS s’accumulent avec le temps dans l’air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu’au corps humain, d’où leur surnom de polluants “éternels”.

Entre 140 000 et 310 000 tonnes de PFAS ont été introduites en 2020 sur le marché européen. Si aucune restriction n’est adoptée, les initiateurs du projet estiment qu’au moins 4,4 millions de tonnes de PFAS s’échapperont dans l’environnement au cours des 30 prochaines années dans l’UE. Affaiblissement du système immunitaire et hormonal, cancers, diabètes, obésité, retard de développement du fœtus, les impacts des PFAS sur la santé sont nombreux. Le coût annuel de l’exposition aux PFAS pour la santé publique européenne est ainsi estimé entre 52 et 84 milliards d’euros.

La France, qui a d’ores et déjà annoncé son soutien à cette proposition, a récemment présenté un plan d’actionsur les PFAS. Il vise par exemple à établir des normes sur les rejets et les milieux, à améliorer la connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux ou encore à réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative en identifiant les plus gros pollueurs. Le site Arkema de Pierre-Bénite, dans la Vallée de la Chimie, récemment épinglé, sera “préfigurateur de cette démarche d’identification et de diminution des rejets de PFAS”, précise le ministère de la Transition écologique.

Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP in novethic.fr

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