Au-delà des regrettables dégâts matériels causés par les récentes mobilisations contre la vie chère, un phénomène bien plus alarmant mérite d’être dénoncé : *la médiocratisation du débat politique en Martinique.*
Quand des clowns investissent l’agora, ils ne deviennent pas pour autant des orateurs : c’est l’agora elle-même qui se transforme en cirque. Nous avons assisté, médusés, à une succession de discours décousus, contradictoires, portés par des figures autoproclamées leaders d’un soi-disant « mouvement populaire », davantage motivés par la quête de notoriété que par la volonté de construire une vision politique cohérente.
Et pourtant, nombreux sont ceux — et j’en fais partie — qui, tout en critiquant leurs objectifs assimilationnistes, ont salué à l’origine cette forme de contestation de l’ordre établi. Nous y avons vu l’expression légitime d’un ras-le-bol, d’un désir de rupture. *Quelle déception,* *face à la tournure prise par ce mouvement, vidé de toute ambition collective sérieuse et englouti dans les logiques d’ego et de confusion idéologique.*
Ce qu’on a vu et entendu sur la Martinique — son autonomie, son indépendance, son développement économique — frôle parfois le grotesque.
Le traitement judiciaire de certains événements, loin d’apaiser ou de clarifier le débat, a été instrumentalisé pour alimenter une mise en scène victimaire soigneusement orchestrée.
Le système qu’on prétend combattre devient alors, paradoxalement, le théâtre d’une farce tragique.
Mais le plus affligeant reste sans doute l’écho complaisant que certains médias locaux — et autres apprentis journalistes ou influenceurs sans influence — offrent à ces figures tapageuses, au détriment d’une parole politique sérieuse, réfléchie et structurée. *Cela relève d’une véritable entreprise de manipulation de masse, ciblant en priorité les plus vulnérables.*
Pire encore : sur les réseaux sociaux, ce vacarme devient viral, nourri par une armée de trolls semblant trouver dans ces inepties une forme d’addiction collective.
Oui, la Martinique est en souffrance quand l’essentiel des débats sur son avenir est capté — voire confisqué — par des saltimbanques.
Elle est en péril lorsqu’on préfère les gesticulations creuses aux vrais chantiers de gouvernance, de développement et d’émancipation.
Il est temps que ce cirque plie bagage.
Que l’on rende à l’agora sa noblesse. *Que le débat retrouve rigueur, cohérence et vision*. Car il en va de l’essentiel : l’avenir d’un peuple mérite mieux que des numéros de clowns.
Jeff Lafontaine