La liberté de la presse, pilier des démocraties, vacille sous le poids des intérêts économiques. Dans cette tribune, Patrick Chesneau, ancien rédacteur en chef adjoint à ATV Martinique, dénonce une dérive alarmante : le rachat de l’École Supérieure de Journalisme de Paris par un consortium de milliardaires. Cette prise de contrôle symbolise, selon lui, l’assujettissement progressif des médias à des forces financières prêtes à broyer l’éthique journalistique pour imposer leur vision du monde. Une mise en garde contre l’émergence d’une information domestiquée, formatée, et à terme, d’un peuple privé de son droit fondamental à une information libre et honnête.
Alerte sur l’info
Les médias avaient l’éthique fragile.
Ils risquent la suppression de toute déontologie.
Les travailleurs de l’information vont-ils devenir les soutiers de la désinformation? L’ESP Ecole Supérieure de Journalisme de Paris, rachetée par un consortium de milliardaires. Parmi ces investisseurs, Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Rodolphe Saadé et la famille Dassault.
La fine fleur du grand patronat français habitué aux acquisitions à tour de bras.
Mon métier, celui que j’ai exercé avec passion pendant 40 ans avant de me ranger des voitures mais pas du stylo numérique, est en grand danger.
Avalé, broyé, concassé par le grand capital.
Les forces de l’argent veulent sa mise au pas pleine, entière et définitive.
Ce système de coercition existe déjà. Dans les dictatures. Dans une version politique. En Russie, en Chine, en Corée du Nord, en Iran, au Belarus, en Turquie, au Myanmar, au Soudan, en Érythrée, en Azerbaïdjan…. liste non limitative, c’est l’état et donc le régime totalitaire qui dicte la plume des ” journalistes “. Ils sont, par contrainte, des affidés affectés à la propagande. Là-bas, la propagande tient lieu d’information.
Dans ces régimes totalitaires, liberticides, n’est autorisé aucun média indépendant ou alternatif. Journaliste…profession inconnue.
En Occident, le vernis de la liberté commence à craquer. Ici, c’est le CAC 40 qui impose le ” la “. Les rédactions seront muselées et tenues en laisse.
Légitimement, elles sont aux abois. Demain elles devront aboyer pour défendre leur nonosse, en clair la ligne éditoriale décidée jusqu’au dernier entrefilet par le maître. Un fortuné de la caste des puissants et des nantis en symbiose avec le néo-libéralisme le plus débridé prévalant en toute impunité au sommet du pouvoir politique.
Le capitalisme à tout crin, ça craint.
La censure, le filtrage, le bannissement, l’interdiction viendront du pouvoir économique. Le vrai rédacteur en chef sera l’argent. Celui qui achète est celui qui ordonne le silence complice et prévoit la mise en place d’équipes disposées en rang d’oignons. Interchangeables et manipulables à volonté. Aux ordres.
Aujourd’hui nombre de journaux et les journalistes qui vont avec sont policés. Peu dérangeants dans l’ensemble. Ils seront gavés de servilité. Cette école sous tutelle financière sera la fabrique attitrée de carpettes à satiété.
Les canards laqués vont devenir des canards laquais.
On risque le contenu livré sous forme de bouillie au service unique de l’idéologie dominante. On aura à se mettre sous la dent du magret de canard indigeste. Certainement pas des enquêteurs de terrain influencés par un Maigret traquant inlassablement la vérité des faits.
Une forte proportion de journalistes était déjà formatée. Demain, si la troïka des milliardaires parachève sa razzia, ils seront tous clônés. Et passeront, au surplus, sous les fourches caudines de l’IA.
Tristement ce n’est pas trop robot pour être vrai.
Le scénario se dessine. A vrai dire, déjà enclenché.
Énonciation sur commande.
Ces plans machiavéliques en liaison avec le projet ourdi sciemment par l’état néo-libéral de détruire l’école aboutira à un peuple inhibé par l’info biaisée, tronquée, falsifiée. Un peuple inculte. Semi-analphabète. . peuple indigent qui servira de piétaille des temps modernes à la classe dirigeante.
Le journalisme menacé dans sa nature et ses fondements, c’est le libre arbitre des citoyens qui sera de ce fait éradiqué.
Le rachat de l’ESJ Paris par des ultra-riches, c’est la garantie de la disparition d’une certaine conception des métiers de l’information. Conséquence mortifère, passeront à la trappe les reporters et présentateurs qui perpétuaient vaille que vaille les valeurs fondatrices et cardinales du journalisme professionnel tel que je l’ai connu et voulu le pratiquer.
The Times They Are A-Changin’ chantait Bob Dylan….
Patrick Chesneau
Journaliste
Ancien rédacteur en chef adjoint à ATV Martinique