Nous commençons aujourd’hui la publication de plusieurs textes poétiques confiés par Laurent Cypria, extraits de son recueil intitulé « Rivages croisés : de la Côte d’Azur à la Riviera ». Ce recueil est une traversée sensible, à la fois intime et universelle, dans laquelle, venu des rivages caribéens, il explore les échos méditerranéens à travers la lumière, les senteurs et les silences des lieux.
Chaque ville devient sous sa plume un miroir, chaque paysage un fragment de mémoire.
Un voyage entre deux mers, entre deux mondes, entre deux respirations.
Aujourd’hui, place au tout premier texte de cette série, intitulé « Incipit : Le sel des origines ». Une entrée en matière, où la mémoire du corps se confronte aux paysages étrangers, et où le sel d’un autre rivage réveille les racines profondes.
Ce recueil est une invitation. Une invitation à ralentir, à écouter les pierres, les vents et les ports. Une invitation à croiser nos rivages, et peut-être, à mieux entendre notre propre voix dans le silence des autres.
Incipit :
Le sel des origines
Lorsque mon avion se posa sur le tarmac de Nice, je crus d’abord avoir été victime d’une illusion de mon sang, provoqué par ce rude atterrissage à Avallon. Une mer qui ressemblait à la mienne, dans un bleu plus timide, plus apprêté, sans les colères atlantiques. Ici, l’eau s’étalait semblable à une promesse bien élevée, des vaguelettes léchant le rivage avec cette retenue bourgeoise qui contraste avec l’élan brutal des côtes martiniquaises.
Sur la promenade, le soleil tentait de mordre ma peau avec des dents de lait. Je marchais lentement, cherchant des repères, fouillant l’air pour y retrouver un peu de mon enfance, ce salpêtre d’alizé qui s’accroche aux narines. Mais le vent ici sentait autre chose : une chaleur sèche, un souffle d’olivier et de lavande, une langueur méditerranéenne qui n’a pas la même cadence que le balancement des flamboyants de mon île.
Je portais dans mes semelles le poids de mes racines, et pourtant, en sentant la première écume effleurer mes orteils, quelque chose me fit comprendre que j’étais en train de muter. Il y avait ici un autre sel, une autre mémoire.
Par Laurent CYPRIA – Président du Martinique Ambassador Club