« Le Monde Afrique » restitue, à travers neuf sites emblématiques, la tragédie qui fit 800 000 morts en cent jours parmi les Tutsi et les Hutu modérés.
La réconciliation est un lent processus »
Lorsque la « saison des machettes », comme l’a écrit le journaliste Jean Hatzfeld, s’est achevée en juillet 1994, le Rwanda était en lambeaux. Il n’y avait plus d’administration, plus d’école, aucune structure de soin, et il fallait enjamber les corps sur les trottoirs. Le « pays des mille collines » n’a pas chômé pendant ce quart de siècle. A marche forcée, il s’est reconstruit, au point de se présenter maintenant comme l’une des meilleures réussites économiques du continent, même s’il reste dépendant de l’aide internationale. Il montre l’exemple en matière de lutte contre la corruption, de technologie, d’accès à l’éducation, de santé, et se veut leader pour la défense de l’environnement ou la parité hommes-femmes dans le gouvernement et la haute administration.
Le Rwanda a aussi retrouvé la paix. Misant sur un tourisme haut de gamme pour accélérer son développement, il est devenu l’un des pays les plus sûrs d’Afrique. Mais est-il pour autant réconcilié ? « La réconciliation est un lent processus, des efforts ont été faits mais nous ne sommes pas encore arrivés au bout », répond Jean Damascène Bizimana, secrétaire général de la Commission nationale de lutte contre le génocide. « Je ne dirais pas que le pays est pacifié mais qu’il est sécurisé, grâce notamment à un pouvoir fort », analyse Assumpta Mugiraneza, historienne et sociologue.
Les années passent, un homme reste. En août 2017, Paul Kagame, qui a libéré le pays en 1994 à la tête du Front patriotique rwandais (FPR), a été réélu avec 98 % des suffrages pour un troisième mandat. Il incarne ce pouvoir fort qui est pointé du doigt par plusieurs ONG telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch.
Des espaces sanctuarisés ou réaménagés
Si les hommes ont une mémoire, les lieux aussi. Le Monde Afriques’est intéressé aux sites qui ont marqué le génocide des Tutsi. En rencontrant les témoins d’hier et d’aujourd’hui, nous sommes retournés au camp Kigali, à l’église Saint-Jean de Kibuye, dans les locaux de la Radio des Mille Collines, dans la résidence du président Habyarimana… Même s’il reste des zones d’ombre, que sont devenus ces lieux où l’histoire s’est écrite il y a vingt-cinq ans ? Si certains espaces ont été sanctuarisés, d’autres ont disparu ou ont été réaménagés. Ensemble, ils racontent le génocide au Rwanda.