L’organisation développe des programmes de reboisement, d’agroforesterie et de biocharbon, dans un pays qui a perdu la moitié de ses forêts en soixante ans.

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Publié le 02 avril 2021 à 18h00 – Mis à jour le 02 avril 2021 à 19h11

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Tout commence avec un arbre, le moringa oleifera, qui ne veut pas mourir : « Never die » ou « Nébéday » en wolof. Originaire d’Inde et du Sri Lanka, on le trouve aujourd’hui tout le long de la zone tropicale et subtropicale. Il peut croître aussi bien sur sol riche que pauvre et n’est que peu affecté par des conditions climatiques difficiles telles que la sécheresse. Il pousse rapidement et se régénère même après une coupe sévère.

« On œuvre à cela surtout avec les femmes, car c’est le maillon fort de la société. Elles sont sérieuses, solidaires et travailleuses. Et on doit accompagner leurs enfants à être des adultes plus aimants envers la nature. », poursuit le directeur de Nébéday.

La structure basée à Toubacouta, dans la région du Sine Saloum, emploie 36 personnes et possède 4 bureaux, en plus de son siège (Dakar, Palmarin, Popenguine et Richard-Toll), autour du même objectif : le reboisement. Il s’agit de répondre à la baisse très rapide des ressources naturelles dans le pays, et notamment celle des forêts.

En cinquante ans, la population du Sénégal est en effet passée de 4 à 16 millions d’habitants. Et pour les populations vivant en brousse, la coupe des arbres est le moyen le plus simple – et gratuit – de se procurer du combustible pour la cuisine. Résultat : le Sénégal a perdu la moitié de ses forêts en soixante ans et 40 000 hectares disparaissent chaque année.

« Pour le bien commun »

Nébéday offre ses conseils et son expertise pour protéger deux forêts classées, propriétés de l’Etat : celle de Djilor (1 000 hectares) et celle de Sangako (2 140 hectares). La cogestion se fait entre la direction des eaux et forêts et les populations riveraines. Dans ces lieux, il était interdit de prélever du bois vivant. Grâce à l’association, on peut le faire désormais de manière raisonnée selon un cycle de coupes de huit ans, par parcelle, en choisissant les essences et la taille des arbres.

L’objectif est de reboiser, mais également de gérer et d’exploiter la ressource de façon durable. « En renforçant les capacités des comités villageois, nous souhaitons une appropriation des lieux par les communautés locales », précise Mariama Diallo, coordinatrice des projets et relais auprès des bailleurs de fonds, dont l’Union européenne et l’Organisation internationale de la francophonie.

Il faut pour cela mener un important travail de pédagogie. L’intérêt de planter un manguier dans son jardin pour obtenir des fruits est clair pour tout le monde. Mettre en terre un caïlcédrat en pleine brousse l’est beaucoup moins. « Pour les “vieux” notamment, c’est le travail de Dieu, la régénération naturelle : la graine tombe et germe par elle-même. Du coup, peu d’adultes sont engagés dans la protection de la nature pour le bien commun. Quand tu plantes chez toi, tout va bien. Quand on plante dans une forêt qui appartient à tout le monde, ça devient beaucoup plus compliqué », reconnaît Jean Goepp.

Et les résultats sont là. En 2020, l’association a planté 1 150 000 arbres et a le même objectif pour cette année. Les essences les plus utilisées sont le palétuvier dans les mangroves et le rônier, un palmier surnommé « la sentinelle de la savane » : des arbres faciles à planter et qui poussent sans difficulté.

Depuis 2016, toutes les plantations sont répertoriées par essences, zones, dates et géolocalisées (www.reboisonslesenegal.org). On y retrouve une cinquantaine d’espèces : fruitiers (anacardiers, manguiers, jujubiers…), forestiers (baobabs, vachellias seyals…) et ombragés (acacias, caïlcédrats, moringas…).

Maraîchage et arbres fertilitaires

Ce travail s’accompagne d’une sensibilisation auprès de la jeunesse : Nébéday est présente dans plus de 120 villages à travers le pays. « On forme les enfants en leur apprenant toute la vie de l’arbre, ce qui est essentiel pour leur donner l’amour de la nature. Puis ils en emportent trois à planter chez eux. Nous sommes présents dans une centaine d’écoles, ce qui représente environ 10 000 élèves », détaille le cofondateur.

<img class=”loaded” src=”data:;base64,” sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” srcset=”https://img.lemde.fr/2021/03/25/0/0/5472/3648/1328/0/45/0/1c0bfe4_863476317-img-0783.JPG 1328w, https://img.lemde.fr/2021/03/25/0/0/5472/3648/664/0/75/0/1c0bfe4_863476317-img-0783.JPG 664w” alt=”Projection d’un film de sensibilisation à la nature dans une classe de l’école du village de Djilasse, animée par Ndiawar Faye (debout, à gauche) de Nébéday, dans le Sine Saloum, au Sénégal, en mars 2021.” width=”5472″ height=”3648″ data-srcset=”https://img.lemde.fr/2021/03/25/0/0/5472/3648/1328/0/45/0/1c0bfe4_863476317-img-0783.JPG 1328w, https://img.lemde.fr/2021/03/25/0/0/5472/3648/664/0/75/0/1c0bfe4_863476317-img-0783.JPG 664w” data-sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” data-was-processed=”true” />

Le développement de l’agroforesterie, qui consiste à exploiter des terres en y associant arbres et cultures, permet aussi d’améliorer les revenus des populations et leur alimentation. Dix périmètres d’un hectare à un hectare et demi existent aujourd’hui. Ces jardins, confiés à des femmes, allient le maraîchage et les arbres fertilitaires qui puisent l’azote de l’air pour le restituer dans la terre.

On y cultive fruits et légumes entourés de haies vives plantées d’acacia mellifera, dont les branches épineuses forment des fourrés impénétrables pour la protection des espaces, et avec des brise-vent. On peut alors compter jusqu’à 2 500 arbres sur un seul hectare : de véritables poumons verts près des villages.

Toutes les vertus du moringa

Parmi eux, le fameux moringa qui possède de nombreuses vertus. Ses feuilles permettent de lutter contre la malnutrition grâce à leur grande teneur en protéines, cuivre et vitamines A, C et E, calcium, potassium, magnésium, manganèse, sélénium, fer et les neuf acides aminés essentiels. Elles ont également des propriétés antitumorales, anti-inflammatoires et antibactériennes.

L’objectif aujourd’hui est d’obtenir le label AB (agriculture biologique) géré par le ministère français de l’agriculture et de l’alimentation et des organismes de contrôle indépendants comme Ecocert. Nébéday espère bientôt décrocher le logo vert connu des consommateurs pour l’apposer sur les produits dérivés du moringa.

A Toubacouta, on les retrouve à la boutique Maam Nature grâce à la coopérative des femmes de la forêt de Sangako : feuilles pour infusion, poudre de feuilles pour accompagner des sauces, graines décortiquées, huile issue des graines, gélules, chips, bonbons, barres nutritives, pâtes de fruit… Et des miels de forêt, de mangrove, de fleurs de baobab et autres confitures de mangue et papaye.

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Enfin, Nébéday a développé le biocharbon : combustible issu de biomasse telle que la paille de brousse, de mil, de résidus agricoles ou de coques d’arachide. Une façon de lutter contre les coupes sauvages de bois, principale raison de la disparition de la forêt car 80 % des ménages sénégalais utilisent du bois au moins une fois par jour pour cuisiner.

« C’est un défi important, car les habitudes sont tenaces. Il faut sans cesse expliquer les qualités de ce biocharbon : moins cher en vrac que le charbon de bois, ne fume pas, n’explose pas et sa combustion est plus longue. Certes, il est un peu moins puissant que le charbon de bois », précise Jean Goepp.

« Le biocharbon permet aussi de lutter contre les feux de brousse, un véritable fléau dans le pays », ajoute Mariama Diallo, car la paille sauvage est alors ramassée. Sans compter qu’il peut procurer des revenus aux populations villageoises au moment où il n’y a pas d’autres activités, notamment en période de soudure, à la fin de la saison sèche.

Pour l’organisation, la prochaine étape, actuellement en test, sera de développer l’usage des foyers améliorés. Fabriqués à base de terre argileuse, de paille hachée et de bouse séchée, ils permettent d’économiser 50 % du bois de chauffe car ils concentrent la chaleur. « Ça marche ! », s’enthousiasme le cofondateur de Nébéday, qui en a déjà diffusés 500 en un an et demi. Il s’agira ensuite d’apprendre aux femmes à les construire pour qu’elles soient totalement autonomes, et à les faire fonctionner au biocharbon.

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