Par Keryn Nelson
Je me tiens devant le portail épais qui sécurise le Boys Training Centre (BTC), un établissement dédié à la réhabilitation de garçons âgés de 10 ans et plus. L’entrée se fait strictement sur rendez-vous, et ce n’est qu’à l’arrivée de la directrice, Leanna Wallace, que je suis autorisée à pénétrer dans l’enceinte.
Le petit hall d’accueil, où je signe le registre et reçois un badge de visiteur, sert également d’espace sécurisé pour les visites familiales. Habituellement, les visiteurs doivent suivre un chemin balisé, mais pour cette visite, j’ai un accès spécial : je suis guidée à travers les ateliers de menuiserie, de mécanique automobile et de soudure où les garçons reçoivent une formation pratique.
Partout dans l’établissement sont exposés des objets réalisés par les élèves : rampes, barreaux de sécurité, ornements et éléments de décoration. Wallace et son équipe les montrent avec fierté.
Le site est vaste et bien entretenu. Nous passons devant une grande cuisine où sont préparés trois repas par jour, une buanderie et un espace intitulé « House Mother », dédié à la femme chargée de veiller à ce que les garçons soient habillés et prêts pour l’école. Sous la direction de Wallace, un rôle de « House Father » a également été introduit, figure paternelle qu’elle considère comme essentielle.
Au loin, séparée par une clôture, une pancarte indique l’Unité de soins et de protection. Des garçons y résident pour diverses raisons : certains ont subi des abus, d’autres sont sans soutien familial ou leurs familles ne peuvent pas ou ne veulent pas s’occuper d’eux, notamment en cas de handicap suspecté. Certains y sont admis pour des comportements troublants, tels que l’absentéisme scolaire chronique ou des actes qui ne relèvent pas d’infractions criminelles.
« Bonjour », nous lancent quelques garçons en passant. Comme tous les enfants saint-luciens, ils sont en vacances de Pâques. Wallace, enseignante de formation, échange avec eux sur un ton à la fois chaleureux et ferme, à l’image d’une directrice d’école ou d’un parent strict. Tout au long de la visite, elle parle d’eux comme de « ses garçons ».
Ils se dirigent vers l’Unité de soins et de protection, mais les visiteurs n’ont pas l’autorisation d’y pénétrer.
J’apprends que les garçons classés comme « jeunes délinquants » — minoritaires au sein de l’établissement — vivent dans un bâtiment séparé. Cependant, lors des loisirs, des formations et des cours, les deux groupes interagissent. Lorsque j’interroge Wallace sur cette intégration, qui suscite des inquiétudes chez certains, elle répond fermement :
« C’est une idée fausse répandue à Sainte-Lucie : croire qu’ils restent ensemble et deviennent semblables. Ce n’est pas vrai. »
« Dans votre communauté, si votre mère vous a bien élevé et que votre voisin n’a pas eu cette chance, en tant qu’enfants, vous ne jugez pas, vous jouez ensemble. Ce n’est qu’en grandissant que les parents essaient d’inculquer que ‘l’un est mauvais’, mais les enfants jouent ensemble », explique-t-elle.
Elle fait un parallèle avec l’école :
« Au lycée, vous vous asseyez à côté d’un enfant dont les parents peuvent être délinquants, mais vous êtes tous camarades de classe. Est-ce que vous vivez ensemble pour autant ? Non. »
Plus tard, Wallace développe les défis de la réhabilitation, expliquant comment des incidents isolés ont déformé la perception publique, créant un stigmate qui poursuit injustement les garçons réinsérés avec succès dans la société. Elle évoque aussi les conditions sociales qui entravent souvent leur réintégration, et les cas rares où certains sont transférés au centre correctionnel de Bordelais.
Poursuivant la visite, nous découvrons l’infirmerie et les salles de conseil situées au fond de la propriété. En chemin, nous passons devant un petit champ de bananes, des poulaillers et des clapiers à lapins. Wallace évoque son projet d’élargir les activités agricoles, bien qu’une serre hydroponique délabrée — vestige d’une initiative passée — reste inutilisée.
Les salles de conseil sont spacieuses et accueillantes, équipées de canapés et d’espaces privés. Une conseillère explique que des séances sont organisées régulièrement, incluant des consultations familiales pour ceux qui ont des proches impliqués. C’est également là que les garçons passent des appels téléphoniques sous supervision.
Alors que nous traversons la pelouse en direction du bureau de Wallace pour l’entretien, nous passons devant le chantier du nouveau siège de la police de Gros Islet, en construction à côté du centre. Wallace se réjouit de ce développement, espérant qu’il renforcera les liens avec les forces de l’ordre.
Elle montre aussi l’état délabré du terrain de sport, qu’elle espère rénover, ainsi que la clôture périmétrique qu’elle souhaite remplacer pour renforcer la sécurité. Ces améliorations seront financées par l’allocation de 167 000 dollars prévue pour le BTC dans le budget 2025–2026.
Si le soutien gouvernemental couvre l’achat de matériel de réhabilitation, Wallace souligne que les besoins sont bien plus vastes. Des dons supplémentaires et des partenariats extérieurs seraient précieux.
« Le gouvernement est toujours prêt à fournir des ressources matérielles pour ce genre de choses », dit-elle. « Ce qu’il nous faut, ce sont des ressources humaines : des enseignants pour former, des espaces pour enseigner. Et je pense que si les agences gouvernementales collaboraient davantage, nous ferions mieux. »
À travers la visite et les échanges avec le personnel, je comprends mieux les défis du centre : naviguer dans les complexités de la réhabilitation et aider les garçons à se réinsérer dans la société saint-lucienne, soudée mais parfois peu clémente.
La Partie 2 sera publiée dans le e-paper de la semaine prochaine.