Le site, installé sur la commune de Puurs, s’est adapté pour honorer des commandes titanesques auxquelles il faut répondre le plus rapidement possible. A force d’optimisation, les délais de fabrication ont été réduits de moitié : de 110 à 60 jours.
« Il y a un an, personne ou presque n’avait entendu parler de Puurs ; maintenant tout le monde nous connaît », plaisante Luc Van Steenwinkel, directeur de l’usine Pfizer, implantée dans la localité belge depuis plusieurs décennies. Cette commune de près de 25 000 âmes, à mi-chemin entre Anvers et Bruxelles, réputée pour sa bière blonde – la ville est le fief depuis cent cinquante ans de la brasserie Duvel Moortgat –, abrite également, sur 200 000 mètres carrés, l’une des plus importantes usines du groupe pharmaceutique américain, d’où sortent, depuis le 23 décembre 2020, des millions de doses de vaccins Pfizer-BioNTech contre le Covid-19. Des vaccins qui alimentent l’Europe, mais aussi le reste du monde. En un peu plus de trois mois, des flacons ont été expédiés au Canada, au Japon, en Israël, en Australie, à Singapour, au Liban, au Mexique…
Environ 70 % des vaccins Pfizer-BioNTech produits le sont sur le continent européen, sur les sites de Pfizer à Puurs et de BioNTech à Marbourg en Allemagne. Des commandes titanesques, auxquelles il faut répondre le plus rapidement possible. « Notre plus grand défi, c’est le temps », confie Luc Van Steenwinkel. Et depuis un an, le Belge court après les minutes.
Il a ainsi fallu ouvrir en quelques semaines une nouvelle salle pour la formulation. Il s’agit d’une étape cruciale consistant à mélanger la substance pharmaceutique à base d’ARN messager – produite et exportée par le site américain de Pfizer installé à Chesterfield dans le Missouri (Etats-Unis) – à des lipides afin de stabiliser le vaccin. Cette nouvelle salle a permis de tripler la cadence de production. Il a aussi été nécessaire d’installer de gigantesques congélateurs ou d’ajouter des lignes de remplissage à grande vitesse pour le conditionnement des produits. Chaque échelon de la chaîne de fabrication a été minutieusement étudié et calibré en permanence par les équipes d’ingénierie pour gonfler les volumes quotidiens de confection.
Accélération brutale
Une prouesse industrielle : avant la pandémie de Covid-19, l’usine de Puurs produisait 400 millions d’unités de vaccins et d’injectables stériles, des médicaments administrés par perfusion. Pour débuter au plus vite la fabrication du vaccin Pfizer-BioNTech, certaines lignes dévolues à ces produits ont été réaffectées en attendant la mise en place de nouvelles. Sans pour autant en perturber les volumes annuels de production, assure le directeur du site.
Cette accélération brutale ne s’est pas faite sans difficulté. Les vaccins à ARN messager, comme celui développé par l’allemand BioNTech en partenariat avec Pfizer, n’avaient jusqu’en 2020 jamais été produits en masse, et étaient restés cantonnés à des essais en très petites séries dans les laboratoires de recherche. Il a donc fallu repenser tout le procédé pour passer à une échelle industrielle adaptée à cette nouvelle technologie de vaccin. Faire face aux « goulots d’étranglement »,qui surgissent à chaque montée en puissance.
280 matières premières dans une dose
Et pas seulement sur le site de production, à Puurs. Mais aussi en amont. Environ 280 matières premières sont nécessaires pour donner vie à une dose de vaccin. Et pour certains de ces composants très spécifiques, les fournisseurs ont dû gérer, au pied levé, des pics de commandes hors normes auxquels ils n’étaient pas toujours en mesure de répondre. Des pénuries ponctuelles, qu’il a fallu gérer en recrutant de nouveaux fournisseurs. Pfizer en compte actuellement 86, répartis dans 19 pays à travers le monde.
Autre étape critique, la distribution des vaccins, à la sortie de l’usine, a occasionné quelques maux de tête au sein des équipes de logisticiens du groupe pharmaceutique. Comment livrer, dans des endroits parfois reculés, des flacons qui requièrent d’être conservés à – 70 °C sans rompre la chaîne du froid ?
En urgence, un conteneur étanche – qui permet, une fois rempli de 19 kg de glace carbonique, de maintenir la température nécessaire pendant dix jours – est mis sur pied. Muni de capteurs thermiques et d’un GPS, « il permet de suivre en temps réel la température et la localisation du carton et d’être alerté en cas d’incident »,explique Danny Hendrikse, vice-président de l’approvisionnement mondial de Pfizer.
Au total, 76 000 de ces conteneurs remplis de vaccins ont été acheminés à leurs destinataires. Pfizer et BioNTech ont livré quelque 232 millions de vaccins dans 84 pays depuis décembre 2020, dont 67,2 millions à l’Union européenne au cours du premier trimestre. Les vingt-sept Etats membres en attendent près de trois fois plus (200 millions) ces trois prochains mois. « Nous sommes confiants dans le fait de pouvoir respecter les engagements que nous avons pris. », assure M. Hendrikse.