Le Martinique Rallye Tour a démarré à Fort-de-France ce vendredi 26 juillet.

L’évènement s’étale sur trois jours : les 26, 27 et 28 juillet et motive conjointement les passionnés et les curieux.

 

Une voiture de rallye est un véhicule de tourisme, un véhicule du quotidien, équipé pour la vitesse, destiné à aller très vite.

Cette année est particulièrement remarquable : sur le circuit, le record de participation d’une cinquantaine d’engagés, deux Porsche et une belle diversité de véhicules de tourisme.

Le vendredi est consacré au Show de Fort-de-France, essentiellement évènementiel, non chronométré.

 

Nous sommes vendredi soir, au rooftop de l’Hôtel l’Impératrice, l’évènement est co-organisé par le Rotary Club Fort-de-France Sud. Se succèdent les institutionnels, les capitaines d’industrie, les entreprises et leurs partenaires, les sponsors, les passionnés de rallye..

 

La Super Spéciale de Fort-de-France du 26 juillet se déroulent dans d’autres restaurants foyalais dont O’Pub et le Boa Rosa. Les VIP se promènent aussi de roof top en roof top, pour admirer la course. Pour ma part, sans être VIP, je ne sais quoi ne pas admirer dans l’organisation évènementielle du Martinique Rallye Tour.

 

Des passionnés de rallye échangent et témoignent à l’Impératrice : Quand Simon roulait une voiture 309 GTI, tout le monde la voulait, tout le monde en rêvait. Nous voulons toujours les voitures de Simon. Avant il y avait beaucoup de fanatiques de rallyes, désormais beaucoup moins.

Le martiniquais Simon Jean-Joseph est un précurseur du rallye. Nous le connaissons tous, nous vieillissons et lui reste jeune. J’en conclus que Monsieur Jean-Joseph est au monde du rallye ce qu’Anna Wintour est à l’univers de la Mode ; j’en déduis aussi que, pour un sport qui est de moins en moins à la mode, le rallye  continue de susciter un vif intérêt en Martinique.

 

Un Pack Vip a été créé à l’occasion de la Super Spéciale. Le flyer posté sur les réseaux détaille la « Formule / Fort-de-France – Rooftop”, le pack est valorisé au tarif de 125 €, à savoir :

              Suivre la Spéciale Fort-de-France d’un rooftop ou d’une terrasse idéalement placée

              La formule permet de bénéficier de l’accès au site, des boissons (hors champagne), des les petits-fours

              La formule comprend en outre une casquette MRT, un tee-shirt, un gobelet MRT VIP

              L’After au Boa Rosa

 

J’adore les packages bien ficelés et assortis de goodies (produits dérivés) : l’abord est toujours simple, lisible, attrayant, rentable.

Les Samedi et Dimanche de la spéciale, un bus est mis à disposition pour celles et ceux qui souhaitent suivre le rallye d’emplacements stratégiques.

 

Le marketing et la commercialisation en amont, les tours avec les officiels en amont à Trinité, la veille pointilleuse dans le cadre des essais, la sécurité mise en place par la Ville de Fort-de-France : des commissaires de voiture efficaces, dédiés à la surveillance de la route pour éviter tout péril. Tout est assez bluffant.

 

Ce show foyalais du Vendredi rend le MRT absolument unique en Martinique. 900 barrières Vauban sont consacrées à la fermeture du Centre-Ville, un blocage absolu et hermétique de la ville se met en place la matinée et débute vers 13 heures pour assurer la sécurité de tous les spectateurs.

 

La logistique de la Ville de Fort de France au service du MRT est soutenue dans le temps, avec une persévérance et une logistique peu critiquables, à la hauteur d’une logistique très sensible.

Il se dit aussi qu’après le Carnaval, la Spéciale Fort-de-France du MRT ne fut pas moins le 2ème plus gros évènement de la Martinique, en accueillant plus de 30 000 personnes. Cette année, les arrivées auraient été plus tardives.

 

Le reste du week-end est scandé par les deux autres Spéciales : l’étape de samedi 27 juillet traverse la Trinité et le Lamentin ; l’étape de dimanche 28 juillet, se détermine par un parcours du Gros-Morne au Robert.

Derrière tout cela : un homme, Monsieur Willy Nallamoutou-Sancho et ses équipes.

Willy est passionné par le sport automobile, organisateur du “Martinique Rallye Tour” depuis 2016, avec son association “WNS Racing. Depuis plus de vingt ans, Willy participe en tant que concurrent aux courses de rallye.

 

Son propos insiste sur l’envergure déjà locale de l’évènement : À titre d’exemple, lors de l’arrivée du Tour des Yoles 2023 à Fort-de-France, la préfecture a enregistré une affluence de 24 000 spectateurs. En revanche, pour l’arrivée du Rallye, ce chiffre a grimpé à 32 000 spectateurs

 

Le “Martinique Rallye Tour” est une compétition automobile internationale qui fait partie intégrante du championnat automobile de France. Son circuit est l’un des deux seuls, en dehors de l’hexagone et avec la Réunion, à compter pour le Championnat de France des rallyes Deuxième division, ainsi que pour la Coupe de France de la discipline.

Outre la cruciale reconnaissance métier, l’organisateur est plus que conscient des enjeux du tourisme en témoignant dans ses articles que non seulement les équipages permettent régulièrement d’accueillir 300 personnes à loger, mais favorisent l’attraction de spectateurs du monde entier.

 

Une équipe de bénévoles extraordinairement investis est d’abord dynamisée par une tête d’affiche mondiale, Simon Jean-Joseph, des sponsors d’envergure, et une reconnaissance relative au parcours de la Coupe de France, tout cela en Martinique par un martiniquais qui a eu la foi dans son projet et l’a déployée sans sourciller, depuis bientôt 10 ans.

Le rallye est logistiquement appuyé par les opérations et la volonté des communes et de la capitale. La recette d’une vraie rencontre opérationnelle et d’une vision d’excellence entre tous les acteurs de terrain : associatifs, privés, publics, s’éprouve année après année.

 

Un organisateur du MRT m’éclaire : « Quand tu as Simon, tu collabores avec le Champion de France et d’Europe des Rallyes, tu as une Marque, et lors d’un rallye ce sont 10 000 personnes supplémentaires qui se déplacent. Et nous avons ce joyau. Pour les Barbadiens, Simon est une référence, en France, en Europe et dans le Monde, il est une référence ». Le pilote de pointe épaule le MRT dans ses premières démarches et à ce jour.

 

Dans la Caraïbe, cette catégorie de manifestation d’envergure est portée soit par un État, soit par un sponsor privé conséquent, aux ressources financières solides. Il en est ainsi de la plupart des concerts et des festivals populaires de la Caraïbe. Le Festival de Jazz à Sainte Lucie, par exemple, reste pleinement soutenu par son État depuis des décennies.

En se produisant en Martinique, certains musiciens jamaïquains peuvent repartir surpris de l’évènement martiniquais Reggae on the Beach. Ce n’est pas votre État qui paye ? s’interrogent-ils. Nous répondons : Non, c’est un ou plusieurs particuliers, sur un élan d’initiative personnelle qui ont assuré cette organisation optimale.  

Un organisateur poursuit : « Ça c’est la Martinique, on est fort pour ça, on va travailler dans l’urgence mais le public verra quelque chose de bien.

Beaucoup de Caribéens ont du mal à comprendre que nos évènements soient aussi bien tenus en Martinique. Il nous faut investir beaucoup d’argent, très souvent de notre propre poche et solliciter de nombreux sponsors. »

 

À Barbade le même Rallye est organisé par SOL qui investit des millions et s’entoure d’une armée de contributeurs qui sont salariés, non bénévoles.

En Martinique, tous les organisateurs et les aidants sont des bénévoles et les spectateurs repartent des étoiles dans les yeux.

Bien sûr, des sponsors épaulent le MRT ; l’organisation pourrait disposer d’un sponsoring plus important et des investisseurs étrangers pour un évènement d’envergure.

 

J’interprète que nous sommes sur une problématique similaire à celle de la Yole et de ses associations volontaires mais bénévoles. Solliciter et développer plus de sponsoring en Martinique et à l’étranger est un travail à temps plein, une charge financière conséquente et un investissement en temps. Est-ce bien réaliste ?

 

Poursuivons sur la Barbade, dont le BRC (Barbados Rally Club) est une tête de classe en termes de rallye caribéen. La Barbade est à raison considérée comme la destination de choix et de prestige pour le sport automobile, ainsi que rapportent avec éloquence leurs sites touristiques promotionnels :

 

« Depuis ses débuts modestes en tant que rallye international toutes étapes en 1990, l’événement phare du BRC est devenu le plus grand événement international annuel de sport automobile des Caraïbes et une pierre angulaire du calendrier sportif et touristique de l’île ;

 Avant la pandémie de coronavirus, il contribuait chaque année à hauteur de 4 millions de dollars barbadiens à l’économie et représentait plus de 4 000 nuitées de visiteurs.

 

Le Rally Barbados et son événement « shakedown » King of the Hill sont organisés par le Barbados Rally Club, qui célèbre son 67e anniversaire en 2024. RB24 est la 34e édition de l’événement.

 

Voilà 31 ans que le Sol Rally Barbados fait venir des touristes du monde entier au pays. L’économie est en émoi durant 3 jours de course intensive ! Les hôtels sont pleins, et les restaurateurs sont aux anges ! »

 

L’économie du tourisme m’obsède, je l’assume totalement. Les devises étrangères que le tourisme rapporte à l’économie locale sont, à mon sens, la bonne voie pour le développement de la Martinique. Nos voisins caribéens l’ont si bien compris. Pourquoi pas nous.

 

4 000 000 de dollars barbadiens correspondent à 1 825 764 €, 4000 visiteurs supplémentaires à la Barbade à la faveur d’un rallye automobile ?

Notre MRT serait-il une Poule aux Œufs d’Or en puissance ? Attrapez-le !

 

Je poursuis ma lecture de la promotion touristique de l’île voisine :

 

Sol Rally Barbados est l’évènement phare du calendrier rallye à la Barbade, en général vers fin mai / début juin. Il attire des équipes de partout, notamment du Royaume Uni, des Pays Bas, des États-Unis, d’Irlande, d’Ecosse, du Pays de Galles, de Nouvelle Zélande, d’autres pays caribéens et même… de France »

Que faisons-nous en Martinique pour ne pas promouvoir plus puissamment le MRT, et pardonnez mon parallèle : la Yole, au vu des retombées financières engendrées chez nos voisins ?

 

Willy Nallamoutou-Sancho et son association n’ont pas attendu pour développer leurs considérations touristiques, saisir les enjeux et agir en conséquence :

 

« Nous avons développé nos relations avec le championnat de la Barbade et les organisateurs du SOL Rally Barbados, l’épreuve majeure du pays. Il y a même un championnat barbadien qui a intégré le MRT à son calendrier. Nous continuons à travailler et à discuter avec eux, dans l’optique de développer un véritable championnat caribéen à l’avenir. »

 

Dans un communiqué de presse conjoint des organisations spécialisées BimmaCup, une association de pilotes qui concourent sur des BMW Tropical Shipping et Committed to Island Life, il est notamment précisé que 8 voitures barbadiennes (6 voitures BimmaCup et 2 voitures R5) participent au MRT 2024.

 

L’historique des rallyes caribéens m’intrigue. Généralement, les idées ont déjà pris forme, il suffit de rechercher un peu l’histoire, et elle ne manque pas d’apparaître dans le communiqué de BimmaCup :

 

“Les fans de rallye plus âgés se souviendront du Caribbean Rally Championship (CRC) au milieu des années 90, organisé par René McDaniel de la Jamaïque, Luke Petreluzi de la Guadeloupe et moi-même, pour inclure des rallyes en Jamaïque, en Guadeloupe, à Trinidad et à la Barbade.

 

Le Championnat des rallyes des Caraïbes a été le principal élan qui a suivi pour les rallyes en Guadeloupe, le CRC a exigé l’adoption régionale des règlements de la FIA pour les meilleures classes de voitures et l’augmentation consécutive du nombre de concurrents de haut niveau des îles des Caraïbes a créé une vive concurrence ainsi qu’une publicité accrue pour les rallyes.

 

Pour conclure sur ce communiqué aux allures de chronique antillo-touristique contemporaine :

La raison pour laquelle nous avons arrêté les rallyes en Guadeloupe et en Martinique est que les liaisons maritimes et aériennes sont devenues très difficiles.

Les deux îles françaises ont de meilleures routes, des étapes plus longues, un plus grand kilométrage en rallye et une meilleure organisation internationale de la FIA que ce que nous pourrions espérer.

Nous avions très envie de revenir et le coup de pouce dont nous avions besoin est venu sous la forme d’un ferry affrété roulier organisé par MRT pour récupérer et restituer nos voitures de rallye et nos fourgons de service en 2023. »

 

Synthétisons : grâce aux rallyes, nous démarrions un authentique tourisme fédérateur et caribéen. Un sponsor à l’époque assurait les connections des véhicules avec un transporteur maritime, comme aujourd’hui.

Néanmoins les connexions de plaisance, tant maritimes qu’aériennes, ont une énième fois noirci le tableau pour la Guadeloupe et la Martinique.

Ces connexions erratiques ont morcelé l’initiative par leur organisation chaotique, et quelques îles promeuvent aujourd’hui leur rallye, de leur côté, chacune comme elles le peuvent.

 

À titre d’exemple, la Guadeloupe et son Rallye des Grands Fonds sont parvenus à attirer les très fameux Sébastien Laub et Simon Jean-Joseph sur leurs circuits en 2024, le SOL, le MRT, d’autres initiatives voisines… et une coordination inter-îles toujours logistiquement ardue et, j’ose le dire, pénible, parfois inexistante.

Un positionnement convenu et coordonné par île participante assorti d’un calendrier cohérent et synchronisé permettraient des millions de recettes et un appel aux visiteurs de la Caraïbe du monde entier. Barbade l’a prouvé.

 

Pour conclure, l’association de pilotes Bimmacup habitué aux plus hauts rallyes d’excellence, poursuit en ces termes au sujet du MRT :

 

« Les routes de Martinique et de Guadeloupe sont tout simplement incroyables, aussi bonnes que celles d’Europe. Les deux rallyes comportent des étapes très longues et une distance totale suffisante pour que la conduite nécessite une réflexion tactique. 

La concurrence est toujours sérieuse, les voitures de classe mondiale et le rythme est effréné. L’hospitalité est formidable en Martinique et même si c’est un territoire français, la communication avec les officiels et les commissaires est assez aisée. »

 

Une dimension supplémentaire et non des moindres pour l’exemplarité paritaire : l’arrivée des femmes. Natya SOODEN, associée au Bimmacup, est une pilote barbadienne présente sur le MRT. Elle revient pour la deuxième année en Martinique.

Cette femme de challenges,  promue par L’Oréal Caribe pour ses valeurs humaines et entrepreneuriales, a structuré un équipage féminin dont la mécano est aussi une femme. En 2023, elles étaient toutes les trois présentes au MRT. Dans son association, on retrouve essentiellement des hommes. Natya a relevé le défi d’être une pionnière et ce défi est une dimension supplémentaire d’attractivité pour nous, femmes, pour les caribéens, pour le monde entier.

Natya SOODEN, associée au Bimmacup, est une pilote barbadienne présente sur le MRT

 Pour conclure, en 2025, une vingtaine d’équipage barbadien est attendue.

Je soupçonne fortement le Martinique Rallye Tour de s’inscrire dans la continuité collaborative caribéenne, dans son temps, de persévérer dans le projet déjà concrétisé à l’époque du Championnat des rallyes des Caraïbes.

Le Championnat ne demande qu’à renaître, pour nous prouver notre valeur caribéenne, culturelle et financière, et susciter une fierté touristique bien méritée.

 

À mon sens, nous faut militer pour une coordination aérienne et maritime inter-îles qui fonctionne pour nous permettre un tourisme caribéen qui fonctionne et des devises étrangères qui nous rapportent.

Il nous faut aussi militer pour que les organisateurs de tous ces grands potentiels touristiques se voient rémunérés, et ne s’organise pas uniquement sur les forces de leur bénévolat pour pérenniser leurs formidables actions.

Par qui ? Par l’organisme privé ou public qui aura enfin compris les avantages de valorisation sociale et financiers du tourisme martiniquais authentique. Ce n’est pas gagné, je le sais. Mais ça viendra.

 

Frédérique DISPAGNE

Récente Apprentie du tourisme de rallye

 

 

 

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version