Francis Carole, membre du “Gran Sanblé”, se penche ici sur une partie de la stratégie “Letchimy” et concernant les relations entre les deux institutions politiques de Martinique, Région et Département.

YL Momthieux, proche de Yan Monplaisir, a répondu à cette analyse, en l’approuvant partiellement.

Ceci dit, ce qui frappe dans les échanges  d’arguments, entre membres du Gran Sanblé et amis du camp Letchimy, c’est surtout, arguments à l’appui,  les qualificatifs réciproques “d’incapacité” qu’ils se renvoient les uns les autres, persuadés alors d’avoir fragilisé les arguments de l’adversaire, alors que “l’opinion” risque de cumuler les dénonciations, en les mettant au début de nos debaters„ (Henri PIED)

VOICI LE TEXTE DE FRANCIS CAROLE

Le lundi 5 octobre, sous l’impulsion de la CGTM/FSM, les agents du conseil général sont entrés en grève contre ce qu’ils appellent la « ghettoïsation » de leur institution et « l’absence de positionnement » de leurs dirigeants. Les faits leur donnent mille fois raison. Le mouvement déclenché traduit le profond malaise des employés du département quant à leur devenir dans la nouvelle collectivité.

Le constat s’impose de lui-même : Serge Létchimy et Josette Manin, en dépit de déclarations lénifiantes depuis quatre ans, se sont manifestement montrés incapables d’organiser la fusion de la région et du département dans les conditions de transparence, d’équilibre entre les deux collectivités et de sérénité, que les travailleurs des deux institutions ainsi que l’ensemble des Martiniquais étaient en droit d’attendre.

C’est là le résultat, évidemment catastrophique, d’une stratégie de mise sous tutelle du conseil général par le président du conseil régional, mise en tutelle qui a commencé au lendemain de la prise du conseil régional par le néo-PPM.

La manœuvre était simple, dans l’esprit du rentier du césairisme : apparaître comme le « president of Martinique », le maître incontesté du pays, avant même la tenue des élections de la Collectivité Territoriale, ceci afin d’éviter toute surprise des urnes.

Ce plan machiavélique s’articulait autour de plusieurs objectifs :

-D’abord, s’emparer, en 2011, de la présidence du conseil général à n’importe quel prix et y installer une femme ou un homme lige qui n’oserait pas s’opposer à lui. Madame Manin, complètement dépendante du néo-PPM pour sa majorité politique, faisait parfaitement l’affaire. Une présidence faible du département était le gage de réussite de ce plan.

-Dans un second temps, désorganiser l’administration départementale en commençant par éliminer Madame Frédérique Fanon et en marginalisant d’autres cadres. Il est à noter que l’acharnement judiciaire de Madame Manin contre l’ancienne directrice générale des services ne l’a pas grandie et a révélé qu’elle n’était pas simplement victime mais complice de ce qui se tramait. Par contre, Madame Fanon a été lavée de toute suspicions et ce sont ses bourreaux qui, aujourd’hui, se retrouvent sur le banc des accusés.

-Ensuite, renvoyer le plus loin possible la tenue des élections de la CTM, avec la complicité de Sarkozy puis de Hollande, pour asseoir , durablement pensait-il, son pouvoir et espérer écarter son adversaire le plus redouté, Alfred Marie-Jeanne.

-Enfin, réduire le conseil général, pourtant doté d’un budget plus important et d’un personnel plus nombreux que la région, en annexe de Plateau Roy.

Ce qu’il faut bien appeler l’absorption du conseil général avait, jusqu’à la grève de ce lundi, parfaitement réussi. Ainsi, le département a cessé de jouer le rôle politique qui sied à une institution de son importance et sa présidente n’apparait plus que comme une personnalité de second ordre, incapable de défendre et de faire respecter la collectivité qu’elle dirige.

Elle laissa même au président de région, qui n’avait aucune compétence en la matière, prendre en charge la demande d’habilitation des transports qui constitue pourtant une compétence forte du département. On se souvient d’ailleurs que, sous la direction de Claude Lise, le conseil général avait, en 2007 et en 2008, voté, à l’unanimité, une motion demandant l’habilitation transports qui avait été finalement obtenue au Sénat français le 28 septembre 2009 avant d’être torpillée par Serge Letchimy à l’Assemblee Nationale.

L’amendement promu par Serge Letchimy, en juillet 2015, dans le cadre du récent vote de la loi de modernisation de l’Outre-Mer, établissant, de fait, une hiérarchie entre les collectivités départementale et régionale, a achevé de convaincre les employés du département que leur collectivité avait bien été mise sous tutelle par le président de région.

Raphaël Vaugirard, conseiller général EPMN, coordinateur pour le département de la commission ad hoc responsable de préparer la fusion des deux collectivités, et, en même temps, chargé de mission au conseil régional, a confirmé et théorisé, dans « Décryptage »du mercredi 7 octobre, ce qu’il considère comme la subordination des employés du département à ceux de la région :

« Autant à la région on a du personnel d’encadrement, autant au conseil général on a du personnel d’exécution, de catégorie B et C, surtout C… »

Nous sommes évidemment totalement opposés à cette vision manichéenne, réductrice et volontairement caricaturale. Nous considérons, au contraire, que nous avons la chance d’avoir, dans les deux institutions, des femmes et des hommes de qualité dont les compétences et l’engagement sont indispensables pour faire réussir la Martinique.Les opposer comme le font l’actuel président de région et ses comparses, c’est prendre le risque d’hypothéquer l’avenir de la nouvelle collectivité.

Nous le répétons : le futur de notre pays ne saurait être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles et des calculs dérisoires d’un homme.

Le mouvement de grève qui s’est déroulé cette semaine est salutaire, en ce sens qu’il peut contribuer à rétablir l’équilibre entre les deux collectivités et à créer de meilleures conditions pour une fusion qui ne serait pas l’entreprise en cours de phagocytage du département par la région.

La vigilance des agents du conseil général s’impose pour continuer à mettre en échec la stratégie du néo-PPM, mais une réponse politique globale doit aussi être apportée dès le 6 décembre, en donnant leur exéat aux auteurs des déchirures entre travailleurs martiniquais et en mettant activement en œuvre une politique plus respectueuse de tous et plus soucieuse de l’intérêt général.

Francis CAROLE

Président du PALIMA

Conseiller régional

Le 9 octobre 2015

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