Records de chaleur, canicule, sécheresse, incendies… Ces mots reviennent souvent lorsque l’été arrive. Le Canada est au coeur des débats liés aux conséquences du réchauffement climatique après avoir obtenu des records de températures allant jusqu’à 49.6°C à Lytton, un village de la Colombie-Britannique. Le changement climatique anthropique est-il à l’origine de l’intensité et de la fréquence de ces phénomènes météorologiques extrêmes ?
Difficile d’oublier les températures historiques des derniers jours du mois de juin 2021 dans les régions du Nord-Ouest du Pacifique des Etats-Unis et du Canada… De nombreuses villes des Etats américains de l’Oregon et Washington mais aussi des provinces situées à l’Ouest du Canada ont enregistré des températures bien au-dessus de la barre des 40°C. Cette vague de chaleur a atteint des niveaux jamais enregistrés auparavant. Le village de Lytton, dans la Colombie-Britannique, au Canada, en est un parfait exemple avec un pic de chaleur s’élevant à 49.6°C. Face à ces températures extrêmes, le village a été ravagé par les flammes.
Pour qualifier cet évènement climatique extrême, on parle de “dôme de chaleur”. Cela correspond à un système anticyclonique fort et lent qui apporte un courant descendant chaud et sec – transportant de l’air verticalement vers le bas au sein de l’atmosphère – réchauffant davantage l’air proche de la surface. Ce système à haute pression a également atteint des niveaux records en termes de résistance, mesurée comme “l’épaisseur” de la partie inférieure de l’atmosphère : la troposphère.
Pour rappel, cet évènement climatique exceptionnel a eu lieu suite à un printemps particulièrement sec. Les conditions antérieures très sèches peuvent avoir contribué aux températures extrêmes observées en raison d’un refroidissement latent réduit, en raison des faibles taux d’évapotranspiration. Les conditions d’une faible humidité des sols peuvent conduire à une forte amplification des températures pendant les vagues de chaleur. De plus, des conditions de faible niveau de neige au printemps peuvent également amplifier davantage cette rétroaction.
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Dans l’ensemble, il est difficile à ce stade d’évaluer dans quelle mesure ces facteurs isolés ou combinés fournissent une bonne explication de l’origine de telles températures. C’est pourquoi, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le processus et l’influence potentielle du changement climatique causé par l’homme.
Le changement climatique anthropique, grand responsable de cette vague de chaleur sur le Canada ?
Dans une étude réalisée par le World Weather Attribution – collaboration internationale qui analyse et communique l’influence possible du changement climatique sur les évènements météorologiques extrêmes, tels que les tempêtes, les précipitations extrêmes, les vagues de chaleur, les vagues de froid et les sécheresses -, en se basant sur les observations et les modélisations, le groupe de scientifiques internationaux s’interroge sur le rôle du changement climatique, lié aux activités humaines, dans la modification de la probabilité et de l’intensité de l’évènement climatique analysé.
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Pour ce faire, les chercheurs ont analysé la zone 45°N-52°N, 119°W-123°W, fortement touchée par la vague de chaleur et couvrant la région la plus peuplée autour de Portland, Seattle et Vancouver avec une population totale d’environ 9,4 millions d’habitants. La forêt tropicale à l’ouest et les zones arides de l’est n’ont pas été prises en compte. L’analyse est, par conséquent, concentrée sur les impacts humains attendus et rapportés plutôt que sur l’évènement extrême en tant que tel.
La vague de chaleur du mois de juin a surpris les habitants avec des températures si extrêmes qu’elles ont complètement dépassé les niveaux observés historiquement. D’après les chercheurs, il y a deux hypothèses possibles dont une d’entre elles difficilement exploitable, selon laquelle il s’agirait d’un évènement très peu probable, même avec le climat que nous connaissons actuellement (+ 1,2°C de réchauffement). La deuxième explication est celle que les scientifiques souhaitent privilégier qui indique que les interactions non linéaires du climat ont fortement augmenté la probabilité d’une telle chaleur extrême, bien au-delà de l’augmentation progressive des extrêmes de chaleur observés jusqu’à présent. Cependant, en observant les chiffres, ceux-ci supposent que la canicule était un évènement à très faible probabilité n’ayant pas été causé par de nouvelles non-linéarités.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=mh3bjkbIHdY]L’instrument AIRS à bord du satellite Aqua de la NASA a recueilli des relevés de température dans l’atmosphère et à la surface lors d’une vague de chaleur sans précédent dans le nord-ouest du Pacifique et l’ouest du Canada qui a commencé vers le 26 juin.
Crédits : NASA/JPL-Caltech
Bien qu’il soit difficile de quantifier avec certitude la rareté de cet évènement climatique, sa période de retour est estimée à environ 1 000 ans, en considérant le climat actuel. Or, d’après les statistiques indiqués par les scientifiques, celui-ci aurait été au moins 150 fois plus rare sans le changement climatique induit par l’homme.
De plus, les chercheurs assurent que ce phénomène climatique était environ 2°C plus chaud qu’il ne l’aurait été s’il s’était produit au début de la révolution industrielle, lorsque la moyenne mondiale des températures étaient de 1,2°C plus fraîches qu’à l’heure actuelle.
Pis encore, en s’intéressant au futur climatique de notre planète et en imaginant un réchauffement climatique atteignant les 2°C, c’est-à-dire + 0,8°C de plus qu’aujourd’hui, la vague de chaleur aurait été encore plus chaude d’environ un degré supplémentaire. Et cet évènement ne se produirait donc plus qu’une seule fois tous les 1 000 ans mais tous les 5 à 10 ans…
Ces chiffres font réfléchir et prendre conscience que le réchauffement climatique s’accélère à grande vitesse et les conséquences sur la santé, le bien-être et les moyens de subsistance sont de plus en plus lourds. Rappelons que l’Accord de Paris a pour objectif de limiter le réchauffement “nettement en-dessous de 2°C” et pourtant nous allons tout droit vers les 3°C…
“Cet événement devrait être un avertissement important. Nous ne comprenons pas bien les mécanismes qui ont conduit à ces records de température. Il se peut que nous ayons franchi un seuil dans le système climatique où une petite quantité de réchauffement supplémentaire fait augmenter de manière importante les températures extrêmes”, a expliqué Dim Coumou, chercheur à l’Institut d’études environnementales (Université libre d’Amsterdam) et à l’Institut météorologique royal des Pays-Bas.
Des températures qui battent des records…
Comme expliqué précédemment, les chercheurs ont basé leurs recherches sur une zone particulièrement touchée par les fortes chaleurs, comprenant les grandes villes de Portland, Seattle et Vancouver.
Pour analyser les températures dans la ville de Portland, les scientifiques se sont appuyés sur les données enregistrées à l’Aéroport International, situé à la périphérie nord de la ville. Il possède des informations depuis l’année 1938, permettant ainsi d’identifier qu’avant les 46,7°C enregistrés en juin 2021, le record de température était de 41,7°C en 1964 et en 1981, soit 5°C degrés de moins.
Quant à Seattle, la seule station ayant une série temporelle suffisamment longue et prenant en compte l’année en cours est celle de l’Aéroport International Seattle-Tacoma, situé à 15 km au sud de la ville. En 2009, la ville a déjà connu de fortes chaleur avec des températures maximales allant jusqu’à 39,4°C. Cette année le pic de chaleur est de 42,2°C, soit 2,8°C supplémentaires.
Et enfin, dans la région de Vancouver, les chercheurs ont observé les données de la station de New Westminster à partir de 1875 jusqu’à nos jours. En 2009, la ville avait enregistré des températures maximales s’élevant à 37,6°C, alors qu’en 2021, les températures ont battu des records avec un pic à 41.4°C, soit 4°C de plus.
“On n’est pas censé battre des records de température de quatre ou cinq degrés Celsius. Il s’agit d’un événement tellement exceptionnel que nous ne pouvons pas exclure la possibilité que nous connaissions déjà aujourd’hui des extrêmes de chaleur qu’on avait prévu uniquement pour des étapes plus avancées du réchauffement climatique”, a expliqué Friederike Otto de l’Institut pour les changements environnementaux (Université d’Oxford).
… et une population qui doit s’adapter à ce type de phénomènes climatiques extrêmes
D’après le groupe de chercheurs, les vagues de chaleur représentent l’un des risques naturels les plus meurtriers. A l’heure actuelle, il n’est pas encore possible de connaître l’ampleur de l’impact sur la santé de la population de ce phénomène exceptionnel. Les estimations de mortalité disponibles à ce jour comptent plusieurs centaines de décès supplémentaires mais il va falloir attendre quelques mois avant d’obtenir un véritable bilan. Ce qui est certain, les températures élevées ont provoqué des pics de morts subites et une forte augmentation des visites à l’hôpital.
Ce genre d’évènements climatiques étant encore rares, voire extrêmement rares, dans la région du Nord-Ouest du Pacifique, la vague de chaleur a surpris une population peu habituée et non préparée à des températures aussi élevées et extrêmes.
C’est pourquoi, des mesures d’adaptation doivent se mettre en place urgemment afin de préparer la population au risque croissant de vagues de chaleur. D’après les scientifiques, il est tout à fait possible de réduire le nombre de décès liés aux chaleurs extrêmes à travers des actions de préparation adéquates. Il est nécessaire de modifier nos environnements et de les adapter au climat plus chaud que nous connaissons aujourd’hui mais aussi au réchauffement progressif.
Sans nul doute, l’avenir climatique sera marqué par des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, intenses et longues, d’où l’importance de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique.
“Le changement climatique rend des événements extrêmement rares plus fréquents. Nous entrons dans un territoire inexploré”, a conclu Sonia Seneviratne de l’Institut des sciences atmosphériques et climatiques (ETH Zurich)