Les Guadeloupéens sont-ils en train de nous distancer la Martinique? À la Foire de Paris l’impression fut nette. L’interview suivante révèle, sinon une intention délibérée, une stratégie résolue. Deux hautes figures guadeloupéennes, Monsieur Barnier l’ancien maire de Saint François et Madame Lucette Michaux-Chevry m’avaient, il y a quelques années de cela, martelé leur intention de faire en sorte que la Guadeloupe ne soit pas à la traîne de la Martinique. Ce qui à l’époque était le cas. Leurs successeurs semblent avoir continué l’œuvre commencée.

Monsieur le Président, après février 2009, après avoir dit de façon pédagogique, voire scientifique, nos besoins et notre réalité au gouvernement, comment va la Guadeloupe en 2011?

Victorin LUREL: Mieux. Je l’espère en tout cas, mais la conjoncture économique n’est pas bonne. La conjoncture sociale se dégrade. Le chômage et les prix continuent à augmenter. Il y a deux manières de lutter contre la hausse des prix: celle du L.K.P qui tous les trois mois appelle à de grands défilés pour lutter contre les profitations et médiatise ce qui ne va pas, ce remède est pire que le mal lui-même. Ma méthode est d’introduire la concurrence entre les opérateurs de l’import distribution du commerce en insufflant un nouvel état d’esprit. Bien entendu, je me fais des ennemis car la concurrence n’est pas une conception de la gauche. Nous devons créer une S.E.M du Patrimoine avec des capitalistes professionnels du commerce et de la grande distribution. Aujourd’hui, nous sommes en discussion, en ce qui concerne l’ex-Cora de Basse-Terre. Le groupe Ho Yo Hen, veut reprendre cette enseigne, notre exigence est qu’il faut sauvegarder les emplois, nous tentons donc de vaincre la malédiction des exclusivités. En effet, il y a deux sociétés qui ont ce monopole et qui prélèvent leur dîme et leur tribut. Il faut augmenter l’effectif de la Concurrence et de la répression des fraudes, il n’y en aura jamais assez, car il ne s’agit pas de faire du capitalisme classique, nous n’arriverons à rien. Nous devons changer l’appropriation du capital, mettre les salariés dans ce capital, même symboliquement afin qu’ils aient un droit de regard autour de la table, définir une politique tarifaire et commerciale, établir une chartre privilégiant l’interprofession guadeloupéenne qui redistribuerait une part de son profit en faveur de la production viande, fleurs, canne, légumes etc.

Ces propositions ont-elles été énoncées lors des Assises?

Victorin LUREL: Non, c’est de l’innovation récente et j’ai six grandes priorités pour la Guadeloupe. Il y a une appropriation du capital par les mêmes familles depuis toujours. J’ai le souci de ne pas confondre capital et couleur et sombrer dans je ne sais quelle pigmentocratie. Nous avons de l’argent en Guadeloupe, nous devons le mobiliser avec une nouvelle éthique, rassembler tous les lolos, acheter des grandes surfaces, discuter avec le groupe Parfaite (et des pourparlers sont en cours), discuter avec Monsieur Hayot et avec les groupes de la métropole. Tout cela c’est nouveau. L’origine des capitaux, je m’en fiche. L’essentiel est que notre politique, réfléchie en fonction des intérêts des salariés et de la Guadeloupe, soit globalement, respectée.

Vous êtes également preneur de capitaux étrangers, entendons des capitaux étrangers des Antilles françaises ou de l’Europe, bref des capitaux américains, Brésiliens, Chinois?

Victorin LUREL: Nous souhaitons un capitalisme se substituant aux importations. Je suis né en Guadeloupe et je mourrai en Guadeloupe. Bien entendu, j’agirai dans le respect des textes de la République et des intérêts guadeloupéens et si ceux qui ne sont pas nés à la Guadeloupe viennent habiter chez moi, amènent leurs capitaux en le risquant dans mon pays, ils seront aussi guadeloupéens que moi, et je dois les respecter. Mon objectif est la création d’emplois et que la création des valeurs se fasse chez moi.

Nous semblons être convaincus que l’un de nos atouts, sinon notre atout, est le tourisme. Quelles sont nos chances face à une Caraïbe déjà rodée et dont les charges sociales ne sont pas aussi contraignantes?

Victorin LUREL: C’est un vrai problème. Vous savez, c’est un homme de gauche qui vous dit: économie d’abord. Production d’abord. J’ai eu l’occasion de le dire pendant les grands mouvements sociaux alors, si on saccage l’entreprise, il n’y aura pas de production et de valeur ajoutée. Nous avons, c’est vrai, une vocation touristique et nous avons des atouts: un paysage, une gastronomie, un sens de l’accueil, etc. Après avoir établi un schéma directeur, nous affirmons une ambition touristique pour la Guadeloupe. Vous avez raison nous aurons du mal à lutter contre nos concurrents de la Caraïbe mais, il n’est pas question d’un nivellement par le bas, la réponse est un tourisme haut de gamme de haute qualité.

Propos recueillis par Tony Delsham.

 

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version