La récente décision de la Cour administrative de Paris reconnaissant un « préjudice moral d’anxiété » lié à l’exposition au chlordécone relance le débat sur les conséquences sanitaires de ce pesticide aux Antilles. Si la responsabilité de l’État est actée, les indemnisations restent limitées, et les conclusions sur l’impact sanitaire interrogent. Maurice Laouchez revient sur les faits et les implications de cette décision.
CHLORDÉCONE: LA JUSTICE ADMET L’INDEMNISATiION D’UN PRÉJUDICE MORAL
L’utilisation du chlordécone en France aurait dû être interdite sur l’ensemble du territoire national dès que les autorités américaines en ont reconnu les dangers, c’est-à-dire dès 1977.
L’utilisation aux Antilles, deux ans de plus que dans l’Hexagone, jusqu’en 1993 au lieu de 1991, est grave, mais ne constitue pas le cœur du problème, car la prolongation répondait alors à une demande locale unanime.
La responsabilité de l’Etat dans cette affaire a été officiellement reconnue par le président de la République.
Un Fonds d’indemnisation des victimes de traitements phytosanitaires a été mis en place au niveau national depuis quatre ans.
Les dirigeants de l’Association en charge d’accompagner les victimes devant ce Fonds étaient récemment de passage en Martinique.
Ils ont déclaré que sur les 259 dossiers déposés, sur les 75 dossiers retenus, il n’y avait pas un seul cas de cancer, de la prostate ou autre organe.
Cette information est d’une importance capitale, car elle réduit quasiment à néant ce qui nous est claironné sur le sujet depuis plus de 25 ans.
A fortiori quand nous écoutons les avis d’obsèques, qui signalent des durées de vie en Martinique bien supérieures à la moyenne nationale.
Sur le plan judiciaire, la Cour Administrative de Paris a examiné 1286 plaintes de personnes qui s’estiment, à tort ou à raison, victimes du chlordécone.
Dans une décision du 11 mars dernier, cette Cour a retenu seulement 9 dossiers.
Elle a estimé que l’Etat devait être condamné non pour un préjudice physique avéré, mais pour réparation du « préjudice moral d’anxiété lié au risque de développer un cancer ».
Nous savons désormais que l’anxiété peut être indemnisée par l’Etat-Providence, mais pas nécessairement les faits avérés de racisme, par exemple.
L’indemnisation de ces 9 personnes est fixée par le tribunal à des montants s’étalant de 5 à 10.000 €.
Rappelons que la plainte pour empoisonnement a fait l’objet d’un non-lieu en janvier 2023.
Au total, il nous faut prendre acte que si, dans cette affaire, il y a incontestablement faute grave de l’Etat, des importateurs, des planteurs et des élus locaux, les conséquences de l’utilisation du chlordécone ne sont pas à la hauteur de la place médiatique qui leur est accordée depuis des décennies.
Maurice Laouchez