Le cinéma pour réinventer le monde, réinventer le rêve
Comme un retour à la normale, le Festival de Cannes revient cette année pour sa 75ème édition. Et dans son créneau habituel pour ne pas dire historique. Après une année de césure, pandémie mondiale oblige, le choc passé, il s’est agi de revenir coute que coute, la 74ème édition s’est donc tenue en juillet, au pic de l’été. Un détail, puisque l’essentiel était ailleurs, et s’est dignement célébré : c’était la fête du cinéma, la marque de retrouvailles festives, cinématographiques de haute volée, avec des films comme s’il en pleuvait. Aujourd’hui, nouvelle année, 2022 marque le retour à la normalité. Ainsi, du 17 au 28 mai, le cinéma mondial se retrouve à Cannes à l’occasion de ce si beau festival.
Retrouvailles ? pas seulement. Cette année, de nouveaux et nombreux enjeux s’ajoutent à la longue liste des préoccupations du cinéma ébranlé par de nouvelles considérations politiques et sociétales et bien entendu économiques. Représentation des femmes, plateformes qui bousculent le modèle économique établi, nouveaux modes de consommations, les productions se doivent de refléter le monde, mais de le devancer pourquoi pas, voire d’y apporter des réponses.
La sélection 2022 est riche. Avec plus de 2000 propositions, vingt-et-un longs métrages se retrouvent en compétition officielle. Ils se composent d’un savant mélange de pointures connues et reconnues, plusieurs récipiendaires y figurent – Kore-Eda Hirokazu, Cristian Mungiu, parfois multi-primés comme les frères Dardenne – et d’autres noms de renom parmi lesquels se sont glissés des petits nouveaux en légitime quête de gloire. Tous seront sous les feux des projecteurs et le regard acéré des milliers de festivaliers avides de nouvelles aventures cinématographiques. Les appétits peuvent bien entendu se délecter chemin faisant de l’intégralité de la sélection avec les autres sections. En effet, pour rappel, le Festival se compose de plusieurs sections qui l’enrichissent d’autant. Parmi ces sections, « Un certain regard », sélection qui, comme son nom l’indique, ouvre un autre regard sur le cinéma mondial. Considérée comme plus ouverte que la sélection officielle concourant pour la Palme d’or, avec son jury dédié, elle promet, avec ses dix-neuf long-métrages sélectionnés dont huit premiers films – qui concourent donc pour la Caméra d’or – une belle aventure d’une réalité réinventée, d’un cinéma résolument novateur, paré pour nous emporter vers de nouveaux horizons.
La sélection « hors compétition » est la sélection des possibles, du rêve absolu, détaché de tout esprit de compétition, de quête de gloire.
C’est la sélection du prestige, celle qui offre au monde, et aux festivaliers au passage, en avant-première, les productions qui excitent la planète cinéma du moment. On y retrouve ainsi pêle-mêle le fameux « Top gun, Maverick » emmené par l’inoxydable Tom Cruise qui signe un retour triomphal sur la Croisette, mais encore, le flamboyant « Elvis » de Baz Luhrmann, sans oublier « Trois mille ans à t’attendre » de George Miller ou « L’innocent » de Louis Garrel qui revient tout juste un an après sa sélection dans la nouvelle section du festival dédiée aux films sur l’environnement. Cette attrayante sélection se trouve complétée par une autre nouvelle section, née également seulement à l’édition 2021, « Cannes première » qui rappelle le rôle de porte-voix, le formidable écho que constitue le festival. Les sections « Séances de minuit » et « Séances spéciales » viennent ajouter au menu des délices inédites.
Une sélection officielle fournie donc, plus équilibrée dans les genres avec de nombreuses femmes à la réalisation, de tous les horizons, avec sa juste dose de politique – avec la sélection de Kirill Serebrennikov, le Festival, fidèle à son histoire, rappelle son engagement contre la situation en Ukraine et son soutien aux artistes qui protestent, luttent et s’opposent au gouvernement russe. Engagement fortement réaffirmé, puisque le film d’ouverture de Michel Azanavicius « Coupez ! » se trouve purement et simplement rebaptisé. En effet, à l’origine, son titre était « Z (comme Z) » en hommage au film de genre auquel il se réfère. Le contexte actuel conférant à la lettre Z une résonnance belliciste, cette décision radicale est prise par le festival et ses participants pour éviter toute confusion et autre ambiguïté.
À l’image de l’affiche de sa 75ème édition, le Festival de Cannes, plus que jamais ancré dans la dure réalité contemporaine et ferme quant à son objet premier, se présente comme un rêve, une parenthèse enchantée, un moment suspendu entre rêve et réalité. Il promet en glamour, strass, poésie et évasion. Le 75ème Festival de Cannes se résume d’ores et déjà en une volée de marches, une ascension vers tous les possibles, à toucher l’horizon…
Et si seulement…
Nadia Celcal