Ce vendredi 28 mars 2025, à l’Habitation Fonds Rousseau à Schœlcher, la 3e édition de la Semaine des Métiers du Tourisme de la Martinique a été officiellement lancée en présence de la ministre déléguée au Tourisme, Madame Nathalie Delattre. Une cérémonie riche en interventions, en engagements, et en reconnaissance, marquée par la remise de la médaille du Tourisme à deux figures majeures du secteur : Françoise Riveti et Hector Elisabeth.
Un lieu chargé d’histoire pour accueillir une vision tournée vers l’avenir

C’est dans le cadre patrimonial de l’Habitation Fonds Rousseau, fondée en 1660, que s’est tenue cette cérémonie symbolique. Pierre Sainte-Luce, propriétaire du site, a exprimé avec émotion sa gratitude envers les institutions pour avoir choisi ce lieu emblématique, témoin de 355 ans d’histoire martiniquaise. Il a rappelé la valeur mémorielle du domaine, qui a vu défiler des générations de travailleurs, notamment esclavisés, et a plaidé pour l’inscription de l’habitation au sein des Sites de Conscience reconnus par l’UNESCO. Pour lui, l’accueil de cette manifestation sur ces terres est une manière d’allier mémoire, développement et transmission.
Schœlcher, ville pilote d’un tourisme accessible, durable et connecté
Représentant le maire de Schœlcher et le président de la CACEM, Émile Gonier, adjoint au maire, a rappelé combien la ville hôte de la cérémonie s’inscrivait pleinement dans une dynamique de transformation touristique. Il a structuré son intervention autour de trois piliers :
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Le développement des infrastructures (parcours santé de Terreville, Plan Lumière, marché polyvalent en construction, mobilité douce) ;
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Un tourisme inclusif et accessible à tous, avec notamment le dispositif « La mer pour tous », permettant aux personnes à mobilité réduite de profiter des plaisirs nautiques ;
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Et l’innovation numérique, avec la volonté de tirer parti de la couverture 100 % fibre optique (obtenue dès 2021) pour développer une application interactive, des visites immersives en réalité augmentée, et faciliter les réservations.
Il a salué la présence de la ministre comme un signal fort du soutien de l’État, et a invité à faire de Schœlcher un modèle du tourisme martiniquais de demain : inclusif, responsable et innovant.
La Ministre Nathalie Delattre :
« Le tourisme est un levier de croissance que nous devons assumer pleinement »

Le moment fort de la matinée fut sans conteste l’intervention dense et passionnée de Madame Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme. Elle a tout d’abord salué l’émotion ressentie à l’Habitation Fonds Rousseau, rappelant combien l’histoire du territoire est intimement liée au tourisme qu’on veut durable, responsable et enraciné.
Elle a ensuite dressé un tableau précis et argumenté de la situation du tourisme en France et en Martinique :
« Le tourisme représente 8% de notre PIB national, soit plus de 200 milliards d’euros et près de 2 millions d’emplois directs et indirects. »
La Martinique, avec près de 10 000 emplois et près d’un million de visiteurs, s’inscrit dans cette dynamique. Malgré les crises récentes, notamment les émeutes, elle a noté que la fréquentation touristique a non seulement tenu, mais même progressé :
« En 2024, nous avons battu des records : 100 millions de visiteurs étrangers et 71 milliards d’euros de recettes supplémentaires. »
Mais la ministre n’a pas éludé les défis : manque de personnel qualifié, méconnaissance des métiers, nécessité de renouveler l’offre touristique. Elle a évoqué le frein que constitue la pénurie de main-d’œuvre, citant une étude de 2022 selon laquelle 60 % des entreprises du secteur avaient dû freiner leur activité par manque de personnel.
« Nous devons préparer les jeunes et les moins jeunes à intégrer ces métiers. Le tourisme n’est pas une rente, c’est une destination à sans cesse renouveler. »
Elle a insisté sur l’importance de cette semaine nationale, et particulièrement sur la force mobilisatrice des rencontres humaines :
« On ne choisit pas ces métiers sur un site internet, on les choisit souvent grâce à une rencontre qui suscite une passion. »
Enfin, elle a annoncé vouloir aller encore plus loin pour la 4e édition en valorisant les témoignages vidéo de jeunes engagés dans les métiers du tourisme, et en s’appuyant sur les réseaux sociaux pour amplifier le message.
Une mobilisation martiniquaise forte et structurée
Laure Lebon, sous-préfète de Trinité, a insisté sur le fait que la Martinique, bien que confrontée à des défis spécifiques (coût, insularité, concurrence caribéenne), est aujourd’hui un territoire qui assume pleinement son ambition touristique. Elle a appelé à une formation solide, connue, et orientée vers la réalité du terrain, pour permettre à la jeunesse locale de s’approprier les opportunités du secteur.
Elle a salué la mobilisation locale, soulignant que « le tourisme représente 9 500 emplois en Martinique, et que ce chiffre est appelé à croître », tout en insistant sur les enjeux de compétitivité hors prix et la nécessité d’une montée en gamme.
Madame Catherine Vatblé, de la DEETS, a rappelé l’ampleur de l’édition 2025, avec 48 événements labellisés sur l’île, en lien avec la Mer, la Culture, les Savoirs-Faire, et les Jeunes. Elle a salué le travail collectif mené avec les partenaires : Cariculture, Tambou Bo Kannal, France Travail, la CTM, le Medef, la CCI, le CMT, le RSMA, l’AFDAS, et d’autres, sans financement dédié mais avec une énergie collective remarquable.
Les acteurs économiques engagés, les chiffres au cœur du débat

Catherine Rodap, présidente du Medef Martinique, a salué la capacité de la ministre à « voir la Martinique au-delà de la carte postale », évoquant les excursions, les rencontres avec les professionnels, et le dialogue engagé.
Elle a rappelé que le tourisme est un levier d’inclusion et de rayonnement, mais surtout une filière de carrière à part entière :
« Il nous faut renforcer l’attractivité de ces métiers, déconstruire les idées reçues, et créer des ponts entre l’éducation et l’entreprise. »
Fabrice Di Géronimo, directeur délégué de France Travail, a livré des chiffres saisissants : 4 600 personnes inscrites chez France Travail dans des métiers du tourisme, dont 70 % de femmes, souvent en chômage de longue durée. Il a mis en avant la nécessité d’actions concrètes comme les immersions, les conférences, les job-datings, et a annoncé la reconduction du restaurant éphémère, succès de l’édition précédente.
Deux figures décorées, deux visions complémentaires du tourisme
Françoise Riveti, l’excellence hôtelière incarnée
Directrice de l’Hôtel Bambou, Françoise Riveti a reçu la médaille du tourisme pour avoir su transformer un petit hôtel familial en un complexe touristique de référence, tout en conservant l’esprit antillais, l’âme de l’accueil, et en intégrant les exigences contemporaines : qualité, durabilité, inclusion.
Labellisé Qualité Tourisme, Clé Verte, Biorismo, et Tourisme & Handicap, l’Hôtel Bambou emploie aujourd’hui une centaine de personnes et représente une réussite martiniquaise exemplaire.
« Se sentir bien, c’est penser bien, agir bien, manger bien », telle est la devise de l’établissement, portée haut par une femme entrepreneure ayant suivi un parcours remarquable jusqu’à l’université Cornell de New York.
Madame Riveti a dédié sa médaille à son équipe, à sa famille, à ses partenaires et à tous ceux qui œuvrent dans l’ombre.
Hector Elisabeth, pionnier du tourisme martiniquais

Sociologue, chercheur, penseur et bâtisseur, Hector Elisabeth a dirigé l’Agence Régionale de Développement Touristique de la Martinique (ARDTM) de 1985 à 2004. Il a vu le tourisme martiniquais tripler en fréquentation, et a théorisé les concepts de tourisme interne intégré et de partir chez soi, pour impliquer les Martiniquais dans le développement local.
Visionnaire, il a soutenu très tôt le développement durable, a structuré la professionnalisation par la formation (notamment à l’université), et contribué à l’émergence du Comité Martiniquais du Tourisme.
« Le tourisme n’est pas qu’un secteur économique, c’est un levier identitaire, culturel, éducatif et social. »
Sa médaille d’or vient reconnaître plus de 60 ans d’engagement au service de la Martinique.
Le rendez-vous est pris : le 10 avril, tous au Pavillon des Métiers du Tourisme et de la Mer
Point d’orgue de cette Semaine, le Pavillon des Métiers du Tourisme et de la Mer se tiendra le 10 avril à l’espace Aéroservice de la SAMAC, co-construit avec les établissements scolaires et les associations. Il réunira jeunes, professionnels, organismes de formation et recruteurs, autour des métiers liés au tourisme, à la culture, à la mer, à la mobilité, et à la valorisation du territoire.
Un tourisme à visage humain
À travers cette cérémonie, les discours et les hommages rendus, une ambition se dessine : celle d’un tourisme martiniquais plus humain, plus durable, plus ancré dans sa culture, et surtout tourné vers sa jeunesse.
Comme l’a dit la ministre :
« Nous devons continuer à faire aimer ces métiers, car ils changent des vies. »
La Martinique l’a bien compris. Et elle avance, unie.
Philippe PIED
NOS DEUX MÉDAILLÉS
🏅 Françoise Riveti : l’élégance discrète d’une dirigeante visionnaire au service du tourisme durable
Issue d’une famille investie dans l’hôtellerie, Françoise Riveti débute comme comptable à l’Hôtel Bambou, établissement emblématique fondé dans les années 1960 par ses beaux-parents. Très vite, elle monte en responsabilité : directrice adjointe en 2006, puis directrice générale en 2011, en binôme avec son mari Raymond Riveti, propriétaire et gérant.
Avec ténacité, elle conduit l’établissement dans une montée en gamme ambitieuse et profondément martiniquaise. Aujourd’hui, l’Hôtel Bambou est un complexe 3 étoiles incontournable du sud de l’île :
→ Près de 200 chambres,
→ Trois restaurants,
→ Deux piscines,
→ Un spa,
→ Et plus de 100 salariés.
Mais c’est surtout par ses choix stratégiques que Françoise Riveti se distingue :
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Labellisation Qualité Tourisme,
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Certification Clé Verte pour ses engagements environnementaux,
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Label Tourisme & Handicap, avec plusieurs chambres accessibles,
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Et le label Biorismo, attestant d’une gestion respectueuse de la biodiversité — une première dans l’hôtellerie martiniquaise.
Son établissement prône une philosophie du “feel good” alliant bien-être, identité culturelle et immersion environnementale. Ce concept, porté par son équipe, irrigue chaque décision, chaque innovation.
Côté formation, Françoise Riveti ne laisse rien au hasard. Diplômée en gestion, elle se perfectionne avec un master en tourisme et management hôtelier à l’université Savoie Mont Blanc, avant de suivre une formation de haut niveau à l’université Cornell de New York, référence mondiale en direction hôtelière.
Sa médaille du tourisme récompense une femme d’action, de terrain, discrète et déterminée, dont le parcours incarne l’excellence martiniquaise dans l’hospitalité, et montre que les femmes ont pleinement leur place dans le pilotage stratégique du tourisme outre-mer.
🏅 Hector Elisabeth : bâtisseur d’un tourisme martiniquais pensé pour et par les Martiniquais
Sociologue de formation, enseignant-chercheur, visionnaire, Hector Elisabeth est sans doute l’un des architectes les plus influents du développement touristique martiniquais. De 1985 à 2004, il a dirigé l’Agence Régionale de Développement Touristique de la Martinique (ARDTM), à la demande d’Aimé Césaire et de Camille Darsières. Sous sa direction, la Martinique passe d’un tourisme marginalisé à une destination structurée, dont la fréquentation est multipliée par trois en une décennie.
Au cœur de son action : une conviction forte. Le tourisme ne doit pas être réservé aux visiteurs, les Martiniquais doivent être au centre de son développement. De cette idée naissent deux concepts fondateurs :
→ Le tourisme interne intégré, pour inclure la population dans les retombées économiques.
→ Le “partir chez soi”, pour stimuler la demande locale en période creuse.
Il soutient la création de petites structures familiales (gîtes, tables d’hôtes, restauration créole), milite pour un tourisme durable, et pose les bases d’un schéma d’aménagement touristique global, approuvé dès 1999. Ce document de référence aboutira notamment à la création du Comité Martiniquais du Tourisme.
Formateur passionné, il participe à la montée en compétences des Martiniquais via des programmes de formation à l’AFPA, à l’université et dans les écoles hôtelières, notamment sur les métiers de guides touristiques, management hôtelier, ou encore développement durable.
Pionnier du tourisme mémoriel et culturel, cofondateur de l’association Carré Culture, il œuvre aussi à la promotion de l’artisanat d’art, de l’histoire précolombienne et des savoir-faire industriels.
En recevant la médaille d’or du Tourisme, Hector Elisabeth voit salué plus de 60 ans d’engagement discret mais déterminant au service d’un tourisme martiniquais inclusif, structuré et profondément humaniste.