Vu sur 20minutes.fr – CHANGEMENT CLIMATIQUE Selon des projections provisoires du Global Carbon Project, les émissions mondiales de CO2 devraient atteindre 40,6 milliards de tonnes en 2022
- Les émissions mondiales de CO2 devraient s’élever à 40,6 milliards de tonnes en 2022, un record, dit une étude du Global Carbon Project publiée ce vendredi.
- Les chercheurs alertent sur l’urgence d’agir rapidement. Car si les émissions persistent au niveau de 2022, le réchauffement climatique pourrait dépasser 1,5 °C d’ici à neuf ans, et 2 °C d’ici à trente ans.
- Pour espérer atteindre la neutralité carbone, les émissions doivent diminuer d’environ 1,4 milliard de tonnes de CO2 chaque année, soit la baisse observée pendant l’épidémie de coronavirus.
Est-il déjà trop tard ? Alors que la Terre a les yeux tournés vers Charm el-Cheikh, en Egypte, où se tient la COP27, les émissions mondiales de CO2 devraient s’élever en 2022 à 40,6 milliards de tonnes (GtCO2), un record jamais atteint, selon les projections partielles réalisées par les scientifiques du Global Carbon Project et publiées ce vendredi.
Pire encore, il n’y a aucun signe perceptible de diminution, estiment les chercheurs, qui alertent sur l’urgence de les réduire pour avoir une chance de lutter contre le changement climatique. « C’est le plus grand défi que l’humanité va devoir affronter dans le siècle prochain. Et la première cause de ce réchauffement, c’est l’augmentation des émissions de CO2 », alerte Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (CEA-CNRS-UVSQ).
Le pétrole, grand responsable des émissions
Ce sont évidemment les énergies fossiles – le charbon, le pétrole et le gaz – qui inquiètent le plus. Les émissions de CO2 qui y sont liées devraient augmenter de 1 % en 2022 par rapport à 2021, pour atteindre 36,6 milliards de tonnes, un niveau supérieur à avant l’épidémie de coronavirus. Elles avaient diminué de 5,4 % en 2020, lors des confinements.
Sans surprise, le charbon et le pétrole font office de derniers de la classe. Responsable de 41 % des émissions, le charbon pourrait les voir augmenter de 1 % en 2022. Quant au pétrole – 33 % –, c’est la hausse la plus importante attendue cette année (+ 2,2 %). Une croissance qui s’explique notamment par le rebond de l’aviation internationale, après plusieurs mois d’arrêt en raison de la crise sanitaire. A l’inverse, les émissions liées au gaz naturel et au secteur du ciment, respectivement responsables de 22 % et 5 % des émissions mondiales, devraient chuter de 0,6 % et 1,6 %.
Faut-il pointer du doigt un pays en particulier ? Non, car le bilan des principaux émetteurs est mitigé. « Championne » traditionnelle avec 32 % des émissions totales, la Chine devrait observer une baisse de 0,9 % cette année. Ce n’est pas grâce au pétrole mais plutôt au ciment, moins utilisé avec le ralentissement du secteur de la construction immobilière. Une tendance à la baisse qui s’observe également en Europe (- 0,8 %), responsable de 8 % des émissions mondiales. Aux Etats-Unis, qui concentrent 14 % des émissions, les scientifiques prévoient une hausse de 1,5 %. L’Inde, elle, va atteindre un record avec une augmentation de 6 % attendue en 2022.
La déforestation, « potentiellement réversible »
Parmi les pratiques qui émettent le plus d’émissions, on retrouve celles liées au changement d’usage des terres. A l’instar de la déforestation et ses 3,9 milliards de tonnes de CO2 en 2022, dix fois moins que les émissions fossiles. A eux seuls, l’Indonésie, le Brésil et la République démocratique du Congo contribuent à plus de la moitié (58 %) de ces émissions.
La solution est pourtant là, selon les chercheurs : arrêter la déforestation et étendre les forêts : « Si les gouvernements réagissent en stimulant les investissements dans les énergies propres et en plantant – et non en coupant – des arbres, les émissions mondiales pourraient rapidement commencer à diminuer », selon Philippe Ciais, qui estime que « la déforestation est potentiellement réversible ».
D’autant que la Terre et les océans, qui absorbent normalement la moitié des émissions de CO2, sont moins efficaces qu’avant, notamment en raison des sécheresses des dernières années. Entre 2012 et 2021, le changement climatique a ainsi réduit le stockage des puits océaniques et terrestres de respectivement 4 % et 17 %.
« On a seulement trente-quatre ans devant nous »
Face à ce bilan, les scientifiques tirent – une nouvelle fois – le signal d’alarme. Selon les prévisions, le budget carbone – c’est-à-dire le plafond maximal d’émissions de CO2 permettant de ne pas faire bouger la température – n’est plus aujourd’hui que de 380 milliards de tonnes. Donc mathématiquement, si les émissions persistent au niveau de 2022, le réchauffement climatique a une chance sur deux de dépasser 1,5 °C d’ici à neuf ans, et même d’atteindre 2 °C d’ici à trente ans. « On a seulement trente-quatre ans devant nous, avec les émissions actuelles, avant d’atteindre + 2 °C. Autrement dit, rien », précise Philippe Ciais.
Pour atteindre la neutralité carbone, il faut donc changer, et vite. « Nous avons absolument besoin d’une baisse rapide », poursuit le chercheur. Pour inverser la courbe, il faudrait diminuer les émissions d’environ 1,4 milliard de tonnes CO2 chaque année. L’équivalent de la baisse observée pendant l’épidémie de coronavirus.