Rédaction.
Depuis janvier 2025, la Croatie est le théâtre d’un mouvement social sans précédent, marqué par des boycotts massifs des commerces en réponse à une inflation galopante. Face à une hausse spectaculaire des prix alimentaires, la contestation s’étend désormais aux pays voisins des Balkans.
Un boycott d’ampleur nationale
Les associations de consommateurs croates ont organisé deux journées de boycott national les 24 et 31 janvier, entraînant une chute de 50 % des ventes dès la première mobilisation. Les consignes étaient claires :
– Ne rien acheter en magasin ni en ligne,
– Boycotter restaurants, livraisons et stations-service,
– Éviter trois enseignes ciblées (Lidl, Eurospin, DM) pendant une semaine.
Cette réaction massive s’explique par une inflation alimentaire de 30 % en trois ans, avec des augmentations records : +58 % pour les œufs, +44 % pour le pain. Paradoxalement, certains produits locaux comme le célèbre mélange d’épices Vegeta coûtent 20 % plus cher en Croatie qu’en Suède.
Les causes de la crise : un modèle économique sous tension
Les économistes identifient plusieurs facteurs structurels derrière cette flambée des prix :
– Une dépendance aux importations : la Croatie importe chaque année 6 milliards d’euros de produits alimentaires, faute d’une production agricole locale suffisante.
– Une économie ultra-dépendante du tourisme, entraînant des distorsions saisonnières sur les prix.
– Une fiscalité écrasante : la TVA à 25 %, la plus élevée de l’Union européenne, pèse directement sur le panier des ménages.
Face à la contestation, le Premier ministre Andrej Plenković a plafonné les prix de 70 produits de base et appelé les distributeurs à modérer leurs marges. Une réponse jugée insuffisante, alors que les salaires stagnent et que le pouvoir d’achat continue de s’éroder.
Une mobilisation qui gagne les Balkans
Le succès du boycott croate a inspiré des initiatives similaires dans la région :
En Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Macédoine du Nord : des journées sans achats ont été organisées dès fin janvier. En Serbie, une grève générale massive a paralysé le pays le 24 janvier, entraînant la démission du Premier ministre Miloš Vučević quatre jours plus tard. En Slovénie, une une mobilisation croissante, avec des comparaisons de prix largement relayées sur les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans la coordination transnationale des actions, avec des hashtags comme #bojkot mettant en lumière des écarts de prix choquants. Un shampoing vendu 3,35 € en Croatie coûte par exemple seulement 1,45 € en Allemagne (+130 %).
Une crise économique et politique profonde
Au-delà des boycotts, cette contestation révèle les failles du modèle économique des Balkans. Inflation importée, dépendance au tourisme et inefficacité du secteur public (40 % du PIB croate) forment un cercle vicieux.
Le contexte politique ajoute à la tension. Réélu en janvier 2025, le président Zoran Milanović, surnommé le “Trump croate” pour son populisme, divise l’opinion avec ses positions nationalistes et sa gestion économique contestée.
La question désormais est de savoir si ces boycotts sporadiques peuvent se transformer en véritables réformes structurelles. Entre protectionnisme impossible au sein de l’UE et libéralisation accélérée, les Balkans se retrouvent à un tournant décisif.