Un des meilleurs rhums de Martinique est distillé ici, au nord de l’île. La canne à sucre pousse généreusement dans la terre fertile, sous l’œil bienveillant de la montagne Pelée. Nulle nécessité toutefois d’avaler plusieurs ti-punch pour ressentir une atmosphère fantasmagorique sur les crêtes du volcan. Il suffit d’entreprendre son ascension un jour où la brume nimbe le sommet, ce qui est assez fréquent entre août et mars. Depuis le parking de l’Aileron, à 824 mètres, la montée est tout de suite sérieuse. Elle emprunte un escalier sculpté dans la roche qui semble flotter sur une mer de fougères luisantes, piquée d’orchidées fuchsia. On n’y voit pas à dix mètres mais lorsque la nuée blanchâtre se dissipe, l’espace de quelques instants, l’impétueuse montagne surgit du néant. Au bout d’une heure, un vent frais saisit le marcheur. Il signale son arrivée sur un étrange plateau suspendu entre ciel et terre, autrefois planté de palmistes. Le tronçon le plus spectaculaire de la randonnée débute ici. Une volée de marches glissantes plonge abruptement dans la caldeira, immense abîme végétal d’un vert foudroyant dans lequel on peine à se figurer les entrailles du volcan. Les personnes sensibles au vertige ou au rhum s’abstiendront. Au milieu des arbustes couverts d’épiphytes : des lycopodes, plantes semblables à du corail jade électrique. Une vision qui achève de troubler les sens. Difficile de distinguer le chemin qui s’échappe de la caldeira, sur le versant opposé. C’est en fait une griffure de pierre, à escalader sur quatre-cents mètres pour rejoindre le sommet de 1902, date de l’éruption qui dévasta la ville côtière de Saint-Pierre. Des rochers volcaniques replets, semés sur un sol tapissé de mousses et de lichens gorgés d’eau, cisèlent un décor onirique. L’arrivée d’un elfe ne détonnerait pas dans le va-et-vient du brouillard. Dans un parfum d’herbe humide, on baguenaude ensuite vers une petite terrasse, mosaïque de dalles mouchetées entre lesquelles on évitera de glisser les pieds. Un coup de vent et les nuages dévoilent les côtes dentelées de la Martinique et ses mornes rebondis, le bleu de la mer des Caraïbes et de l’océan Atlantique. Il est temps de rejoindre le Chinois, le sommet actuel, perché à 1 397 m. On crapahute entre les blocs de pierre et les broméliacées, dégustant la fraîcheur mystérieuse distillée par la brume. Le point culminant est une simple roche allongée. Elle invite à la contemplation avant de redescendre à Grande-Rivière, face à la Dominique. Au-delà, s’étend le Nord de l’arc des Petites Antilles et ses autres volcans, la Soufrière de la Guadeloupe en point d’orgue. Pour les amateurs de sommets. Florence Donnarel.
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