Délivré à la suite d’un questionnaire de compétences, ce permis serait retiré en cas de maltraitance, au risque de porter atteinte aux libertés individuelles. Il peine à convaincre les associations.

En France, 100.000 chiens et chats sont abandonnés chaque année. | Tatiana Rodriguez via Unsplash

En décembre dernier, la famille Jouanneau se rend dans une animalerie près d’Orléans. C’est bientôt Noël et la petite dernière est subjuguée par une petite boule de poils: un chiot épagneul breton, sitôt nommé Philou. Pour 800 euros complétés par quelques croquettes et petits jeux au passage, la famille repart avec l’animal, ravie d’avoir trouvé le cadeau adéquat. Six mois plus tard, c’est le désenchantement. Philou a pris plusieurs kilos. Il avale les paquets de croquettes à la chaîne, fait pipi dans le salon, refuse de se laisser caresser par la petite dernière et aboie sur les voisin·es qui n’arrêtent pas de se plaindre. Cet été, Philou viendra grossir les rangs des 100.000 chiens et chats abandonnés chaque année en France.

C’est pour éviter ce genre de situation que sept députées LREM ont déposé le 1er juillet une proposition de loi portant sur le bien-être animal.

 

 

Parmi les mesures envisagées: la mise en place d’un permis autorisant la détention d’un animal, qui serait retiré en cas de mauvais traitement ou de négligence. «Nous voulons montrer que posséder un animal n’est pas anodin», explique l’une des signataires, Laëtitia Romeiro Dias sur RMC. Le permis serait délivré automatiquement pour un premier achat, mais la ou le propriétaire se verrait refuser la vente d’un chat ou d’un chien si son permis lui était retiré, un peu comme le système du permis de conduire. Le projet prévoit en outre un meilleur encadrement de la vente d’animaux dans les animaleries, et le renforcement des amendes pour mauvais traitement.

 

Une formation obligatoire

Depuis le 1er janvier 2019, un permis du même type existe déjà en Wallonie: la loi impose une attestation pour toute personne souhaitant devenir propriétaire d’un animal précisant que l’abandon, la négligence et la maltraitance sont prohibées. Une législation dont s’est directement inspiré Bruno Bilde, député RN du Pas-de-Calais, auteur d’une précédente proposition de loi qui va dans ce sens, déposée à l’Assemblée nationale en septembre 2019. «Le permis sanctionnerait une formation portant sur l’éducation et le comportement animal et les soins à leur prodiguer. Les frais afférents à cette formation, à la charge du propriétaire et du futur détenteur de l’animal de compagnie permettront d’alimenter un fonds de protection contre les abandons et la maltraitance animal», décrit le député dans sa proposition.

L’idée ne convainc pourtant pas les associations et spécialistes du bien-être animal. «Cela a déjà été testé dans certains cantons en Suisse, indique Caroline Gilbert, de l’École nationale vétérinaire d’Alfort. Mais elle a rapidement été abandonnée pour des questions de lourdeur administrative. Il faut une grosse infrastructure pour délivrer les permis, vérifier leur validité ou organiser les stages de formation», souligne-t-elle. Jacques-Charles Fombonne, président de la société de protection des animaux (SPA) n’est pas très chaud lui non plus. «Qui va faire passer l’examen d’évaluation? Et si votre permis est retiré, qu’est-ce qui empêche votre frère ou votre mère d’acheter l’animal à votre place?, questionne-t-il. Dès lors qu’une règlementation est trop restrictive, elle n’est pas respectée.»

 

«L’animal devient souvent le premier maillon faible»

Des propriétaires irresponsables, cela existe pourtant, même si elles et ils ne sont pas majoritaires. Il y a d’abord les cas de pur sadisme, à l’instar de cet homme qui a mis son chat au micro-ondes pour pouvoir poster la scène sur Instagram. Mais il y a surtout la négligence quotidienne. L’animal n’est plus nourri correctement (les croquettes sont trop chères), on le laisse en plein soleil toute la journée avec un simple verre d’eau, on oublie son traitement antiparasites, il n’est plus sorti régulièrement…Anne-Marie Choquet, la responsable du refuge de Poulainville, dans la Somme, se rappelle ainsi un couple qui, après avoir eu un bébé, refusait à son chien l’entrée dans la maison. «L’animal était attaché toute la journée dehors à sa niche, quelles que soient les conditions météo.»

«Dès que la famille a des problèmes, l’animal devient souvent le premier maillon faible», soupire Jacques-Charles Fombonne. «ll y a un vrai problème de méconnaissance de ce que recouvre la possession d’un animal», confirme Loïc Dombreval, député LREM qui a lui aussi remis une liste de propositions en juin dernier pour lutter contre l’abandon des animaux. «L’animal est souvent extrêmement séduisant, on a un rapport affectif avec lui, mais il y a trop d’achats d’impulsion et de mauvais conseils», déplore-il dans les colonnes du Monde.

«Il y a trop d’achats d’impulsion et de mauvais conseils.»

Loïc Dombreval, député LREM

Plutôt qu’un permis, l’élu des Alpes-Maritimes prône un quiz lors de l’achat avec une vingtaine de questions, portant notamment sur le coût de revient d’un animal, le nombre de sorties nécessaires par jour ou le puçage électronique. De la «prévention et de la pédagogie» déjà largement mises en œuvre.

Dans les animaleries, une personne qui vient acheter un animal de compagnie a l’obligation de rencontrer celle qui le vend et qui peut lui prodiguer des conseils. À la SPA, «il existe déjà un questionnaire à remplir et on exige que toute la famille viennent avec les autres animaux éventuels lors de l’adoption, revendique Jacques-Charles Fombonne. Dès qu’on a un doute ou qu’une personne insiste pour adopter un malinois [un gros chien de garde sportif] alors qu’elle vit dans un petit appartement, on préfère ne pas lui céder le chien.» Une visite est effectuée par un bénévole au moins une fois dans l’année après l’adoption. «Grâce à cela, on a moins de 4% de retours», assure-t-il.

Interdire la vente des chiens et chats dans les animaleries

Comme Loïc Dombreval, le président de la SPA prône l’interdiction de vente d’animaux de compagnie dans les animaleries, les foires et sur internet. Il suffit de faire un tour sur Leboncoin pour trouver de multiples annonces de chiots de toutes races: Husky à 650 euros à Montauban, petit mâle bouledogue français à 1.100 euros à Dieppe ou encore chaton de type siamois à Paris. «Des animaux dont on ignore la plupart du temps l’origine et qui n’ont pas forcement eu des conditions de développement favorables», s’inquiète Caroline Gilbert. Or, «la principale cause d’abandon, ce sont les problèmes comportementaux, quand l’animal est malpropre, destructeur, fugueur ou agressif. Des comportements souvent liés à des problèmes lors de la naissance ou au moment du sevrage. Il faut que l’animal ait été sevré au bon âge, et qu’il ait été tôt en contact d’êtres humains», tranche Loïc Dombreval. En Californie, une loi oblige désormais les animaleries à vendre uniquement des chiens, chats et lapins issus de refuges ou d’associations.

 

Une autre solution serait peut-être d’instaurer une période d’essai, à l’instar de celle qui existe lors d’un recrutement. Une mesure déjà en vigueur à la SPA dans certains cas, par exemple lorsque la famille possède déjà un animal. «Même si on demande aux gens de venir avec leur chat ou leur chien pour faire les présentations, il arrive que la cohabitation se passe mal, reconnaît Anne-Marie Choquet. Mais dans 90% des cas, l’essai se traduit par une adoption définitive.»

Sur les réseaux sociaux, la question du permis divise. Il y a celles et ceux qui sont à fond pour. «Avec tous ces propriétaires irresponsables, ça limiterait la souffrance des animaux», jure une internaute sur Facebook. D’autres considèrent à l’inverse qu’un tel permis porterait une atteinte grave à leur liberté. «Et pourquoi pas un permis pour avoir des enfants?»,ironise l’un d’eux. Certain·es y voient aussi un prétexte pour imposer une taxe supplémentaire et un «moyen pour l’État de nous faire les poches». Il y a encore les gens qui, comme Caroline Gilbert, pensent que cette loi est tout simplement inapplicable. «La France est toujours aussi forte quand il s’agit de créer de la bureaucratie», s’insurge un internaute sur le compte Twitter de Corinne Vignon, une des députées LREM autrice de la proposition de loi du 1er juillet. Toujours la même histoire du fossé entre la théorie et la pratique.

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