Le bracelet anti-rapprochement au service de la lutte contre les violences faites aux femmes

Dans la continuité des propositions du Grenelle des violences conjugales, la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 a inscrit dans le dispositif répressif la possibilité de contraindre l’auteur de tels actes à porter un bracelet anti-rapprochement pour garantir le respect de l’interdiction d’entrer en relation avec la victime, à condition que celle-ci consente expressément à bénéficier de cette mesure.

Ainsi, afin d’assurer l’effectivité de ces nouvelles dispositions, le législateur a prévu que l’officier ou l’agent de police judiciaire informe la victime au moment où il reçoit sa plainte (art. 15-3-2 C. proc. pén.).

S’agissant du bracelet anti-rapprochement, il intègre un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance la localisation du condamné sur l’ensemble du territoire national et de vérifier s’il s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également de déterminer sa localisation. Le recours au bracelet anti-rapprochement est possible non seulement en cas de violences commises au sein du couple mais aussi en l’absence de toute cohabitation, la loi ayant tenu compte des circonstances de l’union libre.

À vrai dire, l’adoption de ce dispositif ne constitue pas une innovation, car le législateur, s’inspirant du droit espagnol,  avait autorisé, par les lois n° 2010-769 du 9 juillet 2010 et n° 2017-258 du 28 février 2017, l’expérimentation de ce bracelet. Cette dernière n’a toutefois pas pu avoir lieu en raison du caractère élevé du seuil de condamnation de cinq ans qui conditionnait la mise en œuvre de cette mesure.

Prenant en considération ces difficultés, la loi du 28 décembre 2019 a prévu la possibilité de recourir à ce dispositif en cas d’infraction punie d’une peine égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Ce seuil couvre l’ensemble des violences commises au sein du couple, y compris les menaces visées à l’article 222-18-3 du Code pénal qui, depuis la loi précitée, sont sanctionnées d’une peine de trois (au lieu de deux) ans  d’emprisonnement.

La mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement est autorisée, en dehors de l’hypothèse de  l’ordonnance de protection (art. 515-11-1, I, C. civil), dans le cadre de la nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique (art. 131-4-1 C. pénal ; loi n° 2019-222 du 23 mars 2019) et des obligations du sursis avec mise à l’épreuve (« sursis probatoire » à compter du 24 mars 2020 ; art. 132-45, 18° bis C. pénal), auquel renvoient les autres dispositifs d’exécution de la peine (suivi socio-judiciaire, libération conditionnelle, surveillance judiciaire …).

Il en résulte donc que cette mesure peut être ordonnée aussi bien par les juridictions de jugement que par celles de l’application des peines, qui peuvent interdire au condamné de s’approcher de la victime à moins d’une certaine distance fixée par la décision. Le législateur a, par ailleurs, étendu cette obligation au cas du contrôle judiciaire (art. 138, 17° bis C. proc. pén.), donc dans la phase préalable au jugement.

Dans toutes les hypothèses précédentes, l’intéressé est avisé que la pose du bracelet ne peut être effectuée sans son consentement mais que le fait de la refuser constitue une violation des obligations qui lui incombent et peut donner lieu à la révocation de la mesure.

Ces dispositions se trouvent complétées par celles sur le « téléphone grave danger ». Si la loi continue à confier au seul procureur de la République le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’attribuer un « téléphone grave danger », elle prend soin de souligner qu’une telle attribution peut être sollicitée par tout moyen. C’est qu’en effet, la tendance des parquets à utiliser les associations locales comme filtre des demandes lui parvenant s’était développée en pratique. Il convenait donc que cette attribution puisse être sollicitée par toutes les voies possibles, y compris directement par la victime ou par son avocat. Par ailleurs, la loi a comblé une lacune dénoncée par les victimes et les praticiens du droit, en élargissant les conditions d’attribution du téléphone grave danger lorsque l’auteur des violences est en fuite ou que l’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime n’a pas encore été prononcée.

Par Haritini Matsopoulou, Professeur de droit privé à l’Université Paris-Saclay, Experte du Club des juristes.

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version