Alors que la clôture des fonds européens alloués à la Martinique pour la période 2014-2020 approche, deux visions radicalement opposées s’affrontent sur l’état de leur consommation. D’un côté, Max Orville, ancien député européen et président du MoDem Martinique, dénonce une gestion défaillante qui aurait conduit à la perte de 238 millions d’euros. De l’autre, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) défend son bilan et assure que les chiffres sont largement surestimés et sortis de leur contexte. Dans les jours qui suivent Antilla prévoit une interview des personnes concernées..
Vous retrouverez en bas d’article les deux communiqués
Le signal d’alarme du MoDem : 238 millions d’euros repartis à Bruxelles ?
Dans un communiqué daté du 7 mai 2025, Max Orville affirme que la Martinique a été la région ultrapériphérique française la moins performante en matière d’utilisation des fonds européens. Il avance un total de 238,33 millions d’euros non utilisés — une somme qui, selon lui, repartira directement vers l’Union européenne. Le détail donné est le suivant :
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FEDER : 163,8 millions non utilisés (sur 604,2 M€ alloués)
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FSE : 13,23 millions non utilisés (sur 69,55 M€ alloués)
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FEADER : 61,3 millions non utilisés (sur 178,5 M€ alloués)
S’il reconnaît que les chiffres du FEAMPA (fonds dédié à la pêche) ne sont pas encore disponibles, l’ancien député pointe une responsabilité locale et appelle à des réformes structurelles pour l’avenir : renforcement de l’ingénierie, guichet unique, observatoire budgétaire, meilleure communication… Autant de propositions pour éviter, selon lui, que de telles pertes ne se reproduisent.
La riposte de la CTM : des chiffres “erronés et prématurés”
La Collectivité Territoriale de Martinique réagit avec fermeté. Dans un communiqué publié le même jour, elle affirme que les chiffres diffusés par Max Orville sont faux ou incomplets, et rappelle surtout que la période de programmation n’est pas encore officiellement close :
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FEDER/FSE : clôture prévue au 30 juin 2025
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FEADER : clôture au 31 décembre 2025
La CTM met en avant une consommation bien plus satisfaisante :
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FSE : 96 % certifiés au 5 mai 2025, avec une cible de 100 % atteignable
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FEDER (hors REACT-EU) : 100,3 % certifiés sur l’enveloppe initiale
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REACT-EU : 62 % certifiés, mais 61,8 M€ de dépenses déjà déposées et en cours de certification
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FEADER : 64 % payés, avec 58 M€ encore à verser d’ici la fin de l’année, malgré un dégagement d’office limité à 2,84 M€ (1,6 % de l’enveloppe)
La collectivité reconnaît les difficultés d’exécution, notamment dans le secteur agricole, mais souligne les efforts réalisés : commissions ad’hoc, publication en ligne des chiffres, transparence sur les projets en difficulté. Elle insiste aussi sur un point essentiel : les fonds européens ne peuvent être versés que si les porteurs de projets fournissent les justificatifs nécessaires et que le cofinancement national est assuré.
Deux lectures, deux temporalités
Le cœur de la controverse repose peut-être moins sur les chiffres eux-mêmes que sur leur temporalité et leur interprétation. Là où Max Orville présente un état des lieux quasi définitif, la CTM défend une lecture dynamique et en cours d’évolution. À quelques semaines de la date limite pour le FEDER/FSE, et avec huit mois encore pour le FEADER, la vérité semble se situer dans une zone grise.
Le débat met en lumière la complexité de la gestion des fonds européens et la nécessité d’une meilleure coordination entre acteurs politiques, techniciens et porteurs de projets.
Communiqué du Modem
“238 millions d’euros repartent à l’Europe !”