Intervention du Premier ministre sur les mesures nécessaires au respect strict des objectifs de déficits publics, le mercredi 24 août 2011, à Matignon.
Mesdames et Messieurs,
La crise que traversent les pays industrialisés depuis 2008 est une crise de l’endettement ; un endettement excessif c’est moins de croissance, ce sont des taux d’intérêt plus élevés, c’est une charge indue qui est laissée aux générations futures et au bout du compte, c’est l’enlisement économique.
Eh bien le seuil de tolérance à l’endettement est désormais dépassé.
Dans ce contexte, la situation de l’économie américaine et les tensions sur les dettes souveraines entraîne un ralentissement très sensible de la croissance, notamment en Europe au second trimestre ; ralentissement dont chacun doit tenir compte.
C’était justement l’objet de la réunion présidée par le Président de la République cet après-midi, à laquelle participaient les ministres de l’Economie, du Budget, du Travail et des Solidarités. Depuis 2007 notre pays a conduit une politique de réformes structurelles et une politique de maîtrise des dépenses publiques et c’est cette politique qui nous permet aujourd’hui de ne pas être contraints comme beaucoup d’autres pays européens à prendre dans l’urgence des mesures d’austérité pour préserver la confiance des investisseurs et des marchés.
Les mesures que je vais dans un instant présenter devant vous ont peu de chose à voir avec celles qui sont prises aujourd’hui par l’Italie, par l’Espagne, par le Portugal, par l’Irlande sans parler évidemment de la Grèce. La réforme des universités, le triplement du crédit impôt recherche, dont nous avons d’ailleurs vu ce matin au Conseil des Ministres, qu’il avait donné des résultats extrêmement vertueux sur l’économie française ; Le programme d’investissements d’avenir ont permis de préserver notre potentiel de croissance à moyen terme.
La réforme des retraites dont on ne dira jamais assez l’importance qu’elle a eue dans la confiance qui est celle des investisseurs aujourd’hui dans l’économie française ; la réforme des retraites a permis d’adapter notre système à l’évolution démographique tout en consolidant les comptes sociaux à long terme.
La révision générale des politiques publiques a déjà permis de générer 15milliards d’économie et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, a permis de supprimer un peu plus de cent trente mille emplois publics et surtout d’inverser pour la première fois depuis au moins quarante ans le mouvement inéluctable d’augmentation des emplois publics.
Alors naturellement la crise économique et financière mondiale nous a conduits en 2008 à creuser les déficits. Je veux rappeler qu’avant la faillite de la banque Lehman Brothers, nous avions préparé un projet de budget 2009 avec un déficit de 1,7% du Produit Intérieur Brut. Ce qui signifie que sans cette crise économique et financière mondiale, nous serions sans doute aujourd’hui à l’équilibre. Nous sommes passés du fait de la crise, de cette prévision de 1,7 à un déficit en 2009 de 7,5% ; en raison des mesures de relance de l’économie que nous avons prises, en raison des mesures de protection du pouvoir d’achat des plus défavorisés, et en raison des rentrées fiscales moindres entraînées par la récession. Je veux dire que nous n’avons pas à regretter ces choix, parce que ce sont ces choix, c’est cette stratégie, qui nous a permis de connaître une récession moins sévère que beaucoup d’autres pays industrialisés. Je veux d’ailleurs dire que les propositions de l’opposition en 2008, qui suggéraient la nationalisation des banques et une baisse importante de la TVA, auraient eu pour effet un accroissement bien plus élevé de la dépense publique.
Je veux d’ailleurs dire à ce sujet que pour être crédibles, les dirigeants de l’opposition devraient faire preuve de plus de rigueur intellectuelle. Ignorer les conséquences de la plus grave crise économique mondiale depuis un demi-siècle sur les finances publiques ; refuser d’admettre la responsabilité partagée des gouvernements de droite comme de gauche sur le creusement des déficits depuis trente cinq ans, cela n’est pas une preuve de sérieux et cela augure mal des capacités de l’opposition à affronter les réalités économiques du monde d’aujourd’hui.
D’ailleurs les faits parlent d’eux-mêmes. La confiance dont jouit notre dette qui détient la notation la plus élevée confirme la pertinence de notre stratégie et de nos choix. Cette confiance c’est un bien précieux, c’est un bien précieux pour notre indépendance, c’est donc un bien qu’il convient de préserver. La réduction de nos déficits – j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – c’est un objectif intangible. C’est une obligation économique mais c’est aussi une obligation sociale parce que notre pays ne peut pas vivre éternellement au-dessus de ses moyens, au risque de briser son pacte républicain.
Nous nous sommes fixés une trajectoire. Un déficit maximum à 5,7% de la richesse nationale cette année ; à 4,6% en 2012. A 3% en 2013. A 2% en 2014 avec naturellement pour objectif final l’équilibre. Cette trajectoire, elle nous engage et en particulier elle nous engage vis-à-vis de nos partenaires européens dans le cadre du programme de stabilité. Pour respecter cette trajectoire nous nous sommes fixés des règles de maîtrise de l’évolution des dépenses publiques qui sont des règles que nous respectons déjà depuis plusieurs années et que nous allons continuer à respecter en 2012 et par la suite. C’est le gel des dépenses de l’Etat et des dotations aux collectivités locales. C’est la poursuite de la révision générale des politiques publiques. C’est le réexamen systématique de l’ensemble des dépenses d’intervention et de fonctionnement des ministères. C’est le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite dans la Fonction publique et c’est enfin une progression strictement limitée des dépenses de santé. Je veux dire que ces mesures ont déjà porté leurs fruits.
En 2010, les dépenses publiques n’ont progressé que de 0,6% alors qu’elles progressaient en moyenne sur les trente dernières années d’un peu plus de 2,6%. Et pour la première fois, les dépenses de l’Etat ont baissé, les dépenses strictement de l’Etat ont baissé de 0,3% en proportion de la richesse nationale entre 2008 et 2012. Mais évidemment le ralentissement de l’économie nous conduit à prendre des mesures pour consolider cette stratégie, pour l’adapter à une situation exceptionnelle.
Il ne faut pas sur réagir aux variations quotidiennes des marchés. Il ne faut pas non plus sombrer dans un pessimisme excessif alors que les fondamentaux économiques de la France sont solides comme l’atteste d’ailleurs le dynamisme de l’investissement des entreprises.
Les effets négatifs de la hausse des prix du pétrole au début de l’année sur le pouvoir d’achat des ménages vont progressivement s’estomper et le commerce international qui a beaucoup souffert de la catastrophe au Japon devrait repartir avec le redémarrage plus rapide que celui qui avait été anticipé de l’économie japonaise. Pour autant il serait irresponsable de ne pas tenir compte de cette situation et de faire reposer notre stratégie de réduction des déficits sur des hypothèses en matière de croissance qui seraient à juste titre considérées comme exagérément optimistes. Le réalisme nous conduit donc à ajuster aujourd’hui ces hypothèses de croissance.
Pour cette année, nous anticipons désormais une croissance de 1,75 % au lieu des 2 % qui était notre prévision initiale, qui était d’ailleurs une prévision qui était en ligne avec la plupart des experts, certains organismes – je pense à l’OCDE – nous donnant encore, il y a quelques mois, 2,2 %.
Pour 2012, la prudence est encore davantage de rigueur, et nous tablons sur une croissance de 0,5 % de moins qu’initialement prévu, soit 1,75 % ; donc nos hypothèses de croissance sont identiques pour 2011 et pour 2012, autour de 1,75 %.
Evidemment, du fait de ces nouvelles hypothèses, nous devons faire face à un nouveau défi ; une moindre croissance, c’est évidemment moins de recettes fiscales pour l’Etat et nous devons en tenir compte pour l’équilibre des finances publiques. Pour compenser la révision à la baisse de ces hypothèses de croissance, nous allons prendre les mesures nécessaires au respect strict de nos objectifs de déficits publics.
Avec le Président de la République, nous avons retenu un certain nombre de mesures nouvelles qui vont procurer 11 milliards d’euros d’économies supplémentaires, enfin 11 milliards d’euros supplémentaires en 2012. Ceci nous permettra de respecter notre objectif de déficit et même de nous fixer un objectif un peu plus ambitieux, à 4,5 % en 2012, cette marge permettant de sécuriser notre trajectoire contre tout aléa supplémentaire de croissance.
En sélectionnant ces mesures, nous avons veillé à ne pas casser le moteur de la croissance. Et donc l’effort supplémentaire proposé va passer pour l’essentiel, par de nouvelles réductions ou par la suppression de dispositifs fiscaux dérogatoires dont l’efficacité ou la pertinence ne justifie plus le maintien dans une période de contrainte budgétaire.
Nous avons donc retenu les principales suppressions ou réductions de niches fiscales ou sociales suivantes.
D’abord sans remettre en cause l’exonération dont bénéficie la résidence principale, nous modifierons la taxation des plus-values immobilières en remplaçant l’abattement forfaitaire pour durée de détention qui s’applique à compter de la 5ème année de détention, par la seule prise en compte de l’inflation. Nous nous proposons ensuite de relever de 3,5 % à 7 % le taux de taxe spéciale sur les conventions d’assurances applicables aux contrats solidaires et responsables, tout en maintenant un différentiel favorable à ces derniers en relevant à 9 % le taux applicable aux autres contrats de complémentaires santé. Nous proposons d’intégrer les heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux de charges de façon à préserver les avantages sociaux et fiscaux des heures supplémentaires tout en limitant les effets d’aubaine et d’optimisation pour les entreprises. Il s’agit donc de prolonger l’annualisation décidée l’année dernière et – je veux insister sur ce point – nullement de remettre en cause la loi TEPA qui a fait des heures supplémentaires un instrument pour la flexibilité en entreprise et pour le pouvoir d’achat des salariés. Les salariés continueront de bénéficier exactement des mêmes avantages que ceux prévus par cette loi.
Nous proposons de fixer à 2 % le taux de l’abattement pour frais professionnels applicables aux revenus d’activité pour le calcul de la CSG et de restreindre son champ d’application pour les salariés aux seuls revenus ayant la nature de salaire. Nous augmenterons le forfait social de 6 % à 8 % avec un objectif qui est de réduire la discordance entre le niveau des prélèvements sociaux sur les différentes rémunérations, sans atteindre l’avantage dont bénéficient l’intéressement et la participation dans son principe. Enfin, nous prévoirons également dans le projet de loi de finances pour 2012 une nouvelle étape de réduction générale des niches fiscales en ajoutant un 2ème coup de rabot de 10 % à celui qui a été voté l’année dernière.
Une seconde préoccupation nous a également guidés, c’est celle de l’équité. Nous avons veillé à retenir des mesures qui renforcent la justice fiscale et sociale. L’effort sera donc équitablement réparti entre ménages et entreprises, mais je veux dire qu’il sera plus demandé aux grands groupes qu’aux PME ; de même qu’il sera plus demandé aux ménages aisés et aux détenteurs de patrimoine qu’aux ménages modestes. Ainsi notamment, nous proposons d’une part l’harmonisation de nos règles de report des déficits en matière d’impôts sur les sociétés avec les règles applicables en Allemagne, dans un souci de convergence rapide et concrète, et dans le même esprit, nous relèverons de 5 à 10 % la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values de long terme.
De la même façon, il sera plus demandé aux détenteurs de hauts revenus qu’aux ménages modestes. Comme nous l’avons déjà annoncé, une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sera mise en place. Le projet que nous allons présenter s’inspire largement des propositions qui ont été faites, notamment par Gilles CARREZ. Ce sera donc une contribution de 3 % sur le revenu fiscal de référence, dont je rappelle qu’il concerne à la fois les revenus du travail et les revenus du capital, à partir de 500.000 euros. Cette mesure sera complétée d’un relèvement de 12,3 % à 13,5 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, toujours dans un souci de rapprochement de la taxation des revenus du travail et de ceux du capital.
Enfin, nous cherchons à infléchir la progression des dépenses d’assurance-maladie par le renforcement de nos outils de santé publique. Nous prévoyons ainsi de freiner la consommation de produits dont une consommation excessive est fortement facteur de risques pour la santé, de majorer, via la fiscalité, le coût du tabac, de l’alcool et des boissons contenant des sucres ajoutés.
Dès la semaine prochaine, nous allons présenter plusieurs de ces mesures au Conseil des ministres, afin de les intégrer dans le collectif budgétaire qui sera discuté au Parlement au début de septembre pour permettre leur mise en œuvre dès l’automne. Ces mesures permettront un rendement d’un peu plus de 1 milliard d’euros dès l’année 2011, et de 11 milliards d’euros en 2012.
Sur les dépenses, comme vous vous en êtes déjà fait l’écho, j’ai prescrit aux ministres une annulation de crédits en 2011 pour un total de 500 millions d’euros, et j’ai décidé de travailler avec la majorité parlementaire, dans le cadre de la préparation du budget 2012, sur une diminution supplémentaire de 1 milliard d’euros sur les dépenses de l’année 2012.
Enfin, je majorerai le gel traditionnel imposé à titre de précaution en début d’année 2012 de 1 milliard ; il sera donc porté de 5 à 6 milliards d’euros.
Enfin en dernier lieu et en accord avec Madame BACHELOT, nous avons choisi de continuer à travailler sur le dossier de la dépendance. La concertation nationale, menée depuis le début de l’année, a montré l’ampleur des changements que nous devons assumer pour faire face à la nécessaire solidarité envers les personnes les plus âgées, mais je veux dire que traiter ce dossier dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd’hui et dans l’urgence ne serait pas responsable. L’adaptation de notre modèle social, c’est une nécessité de long terme. Il nous faudra tenir compte des recommandations du Haut conseil de l’assurance-maladie, il nous faudra trouver des ressources adaptées, nous devons y travailler encore d’ici le début de l’année 2012 avec tous les acteurs de ce secteur.
Voilà, mesdames et messieurs, ce que le gouvernement proposera au Parlement. C’est une politique rigoureuse pour permettre à la France de rester souveraine sur le plan économique et sur le plan social.
Grâce aux efforts de modernisation que nous avons entrepris depuis 2007, notre pays est en mesure d’assumer, dans l’ordre et la justice, cette discipline budgétaire qui ménage la croissance et qui permet de soutenir l’emploi. Les efforts nécessaires et les réformes structurelles devront être menés dans la durée. Avec le Président de la République, nous les assumons et nous continuerons de le faire parce que notre pays doit tenir ses engagements ; il y va de l’intérêt de tous les Français.
Je veux redire enfin, pour conclure, à quel point ma conviction est que la France a besoin de vérité et qu’elle a besoin d’unité nationale. Et c’est dans cet esprit que je continuerai à défendre le principe de la règle d’or dont je veux dire qu’elle n’est ni de droite ni de gauche. Au-delà des clivages partisans, cette règle de bon sens marquera la volonté infaillible de notre pays de se libérer du poids de ses déficits.
Voilà, je suis maintenant à votre disposition pour répondre à quelques-unes de vos questions, en sachant naturellement que les ministres seront, dans les heures qui viennent, à votre disposition pour répondre complètement sur des sujets dont vous avez noté qu’ils sont, pour certains, complexes.