Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, c’est devenu une « tradition » pour nombre d’automobilistes : les fortes pluies de ces derniers jours ont imposé une fois de plus la rivière Salée dans notre actualité. L’occasion de faire le point sur les travaux de curage entrepris par les services du Conseil régional, avec le maire de la commune éponyme : André Lesueur.

André Lesueur : Il est tout à fait normal et naturel que ce problème d’inondations interpelle non seulement les citoyens de Rivière-Salée, mais aussi les Martiniquais en général, qui sont régulièrement coupés du ‘reste du monde’ en quelque sorte, pour rentrer chez eux ou aller à leur travail. Evidemment à chaque pluie, comme celle que nous avons connu ces temps derniers, il y a une inquiétude, une angoisse qu’on voit réapparaître chez les gens. Je vais faire une petite rétrospective. Depuis 1989, mon prédécesseur, Mr Georges Elisabeth, avait commandé une étude hydraulique, afin qu’on puisse envisager – ça fait déjà vingt-trois ans – les moyens de mise hors d’eau de Rivière-Salée. A mon arrivée j’ai complété le travail. C’était son initiative, il faut que je le dise. A Petit-Bourg on a une culture de l’eau. Après s’être concerté avec les habitants de la localité – chez nous on marque le niveau de l’eau, on met un trait et la date –, ils ont conclu qu’il faudrait ouvrir un chenal sur deux kilomètres, à hauteur du pont Bac, vers la station d’épuration, pour aller jusqu’à la mer. Deux kilomètres de chenal ; largeur, trente mètres. A l’évidence c’est une solution, parce que les eaux venant de l’amont, c’est-à-dire depuis Saint-Esprit, iraient par là, et les eaux de l’aval emprunteraient la rivière Salée actuelle, parce que cette rivière est sinueuse, et, pendant qu’elle prend son parcours tortueux, il y a beaucoup d’affluents qui viennent dedans. C’est ça le problème. Et comme ça n’a pas été curé, bon… Mais il y a toujours eu des inondations, rappelons-le. La différence c’est que, par le passé quand il y avait des inondations, l’eau partait immédiatement. Là elle stagne. Avec tous les problèmes annexes que cela amène : odeur, moustiques, problèmes de santé publique, etc.

Cette stagnation de l’eau est-elle due au fait que le curage n’est pas encore achevé ?

Non, elle stagnait avant. Le curage qui est entrepris, c’est d’abord un gros élagage. Je suis allé sur le terrain avec le président Letchimy, et il s’est rendu compte qu’on était dans une véritable forêt équatoriale, une forêt vierge quoi. Il a pris la mesure de l’immensité du travail. Ca fait vingt ans qu’on alerte les autorités – je rappelle que c’est une compétence de l’Etat –, et personne ne veut prendre à bras le corps le problème. Le président Letchimy, sur notre interpellation – puisque Rivière-salée a déjà pris des délibérations, des motions en conseil municipal etc. –, a décidé de prendre le problème à bras le corps. Les travaux faits actuellement constituent une première phase de travaux, dits travaux d’urgence. Ces travaux d’urgence consistent à creuser justement un petit chenal, à réouvrir la rivière Salée sur environ deux kilomètres et cinq mètres de largeur. L’élagage est déjà quasiment terminé ; le curage n’est pas encore fait, parce que l’entreprise est arrivée sur un bouchon de sédiments qui prendra du temps à enlever. Ce que j’ai noté, puisque j’étais sur le terrain, je suis né là, je connais, je suis allé regarder. Ce que j’ai cru comprendre donc, et c’est un avis partagé par beaucoup, la décrue s’est faite plus rapidement cette fois-ci. Avec autant de pluies, je pensais qu’on aurait plus de dégâts, plus d’inondations. Il y a peut-être deux-trois maisons qui ont été un peu inondées, mais, par rapport à mai 2009…

C’est le curage entrepris qui aurait entraîné cette décrue plus rapide ?

On peut penser cela. Mais je ne peux pas l’affirmer, je ne suis pas technicien. Nous avons noté en observant, je ne sais pas à quoi c’est dû, une espèce de phénomène nouveau qui fait que des eaux étaient refluées vers la RN. On n’avait pas vu ça la dernière fois. J’ai signalé cela à la Région, les techniciens m’ont dit qu’ils iront voir sur place. Et les techniciens qui curent m’ont dit que, pour ce qu’ils ont déjà fait, le niveau de l’eau, au niveau du pont Violon, est descendu de 70 centimètres. Donc on se rend bien compte que la première phase est utile. Elle est nécessaire pour pouvoir soulager, mais pas régler le problème. Et ça nous renvoie à l’impatience de la population, qui pense que le curage va régler le problème définitivement. Je ne le crois pas. Ça va apaiser, apporter un petit plus. La Région a lancé, concomitamment, des études hydrauliques, etc. Nous attendons les préconisations. Evidemment ce seront des travaux plus lourds, et à long terme. Ils ont pris pour base l’étude que nous avions réalisée, qu’ils vont amender, organiser. En tous cas j’ai demandé également deux choses. La première c’est qu’ils aillent vérifier les ouvrages sur la RN. Je pense qu’il y en a certains qui sont défectueux. D’abord sous-dimensionnés, mais également en piteux état. La deuxième chose c’est qu’il y a un curage, mais il faut remonter jusqu’à Petit-Bourg, au niveau du pont de Chérel, pour faire un bon travail définitif.

C’est prévu ça ?

J’ai demandé de l’intégrer dans l’étude. Mais également d’associer la population, car elle a un vécu, une expérience.

Presque une expertise.

Oui, elle a le coup d’œil et peut apporter des éléments que le technicien ne connaît pas, sauf à être présent lors des crues. Voilà où on en est. Il y a un début d’exécution, des choses qui se font. Dans les jours qui viennent, je pense que je vais inviter les riverains de « Cité Tranquille, de Lafayette notamment, je n’oublie pas ceux de Petit-Bourg mais notamment ceux-là, les plus directement concernés, à aller faire une visite pour qu’ils voient ce qui se passe.

Le Conseil régional s’est engagé financièrement pour le curage uniquement ?

Oui. Il y a 264.000 euros qui ont déjà été investis. Qui font l’objet des travaux en cours.

Un curage exclusivement supporté financièrement par la Région ?

Exclusivement pour l’instant. L’ancienne DDE avait entamé des travaux visibles de la RN ; les travaux de la Région s’inscrivent dans le prolongement de ce qu’ils ont déjà fait. Il y a une grosse sédimentation. Avec ce ‘bouchon’, l’eau ne passe pas. En plus la mangrove dépérissait, elle n’était pas oxygénée. Il faut lui permettre de respirer ; je pense que l’élagage va lui permettre de revivre. Et j’ai déjà pris une première mesure : les maisons – il y en a trois ou quatre –, situées en partie basse de « Cité Tranquille », je vais les casser. Je suis déjà en train de reloger une habitante, c’est en cours, on a restauré un ‘logement évolutif social’ qu’on va lui donner, après décision de la commission d’attribution, en remplacement de ce qu’elle avait, car cette dame ne pouvait faire aucun projet d’avenir, elle était perpétuellement dans l’eau. Il y a un autre logement, qui appartenait à une personne âgée qui est décédée ; apparemment il n’y a pas d’héritiers. Et puis un autre qui était inondé ; j’ai vu le propriétaire, qui est d’accord pour faire une transaction financière. Même si on fait tous les travaux qu’on veut, cette partie-là sera toujours inondée. Autant prendre le taureau par les cornes.

Propos recueillis par

Mike Irasque.

Note : Suite de cette interview la semaine prochaine, avec un contenu politique cette fois (Collectivité unique, nouvelle présidence du Conseil général etc.)

 

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