Nathaniel Herzberg

Chaque hiver, de novembre à avril, l’immense mammifère marin se lance dans de vastes improvisations sonores. Une équipe internationale en révèle la richesse.

Zoologie. Le chant des baleines… L’expression fait rêver les amoureux de la nature depuis des décennies. Plus précisément depuis qu’en 1971, deux biologistes américains, Roger Payne et Scott McVay, ont décrit l’imposant registre sonore des baleines à bosse durant la saison des amours. Une note de base aiguë, une modulation des fréquences ou des amplitudes, le tout formant un motif variable au cours de l’année : l’immense mammifère marin semblait cacher un virtuose du bel canto. Mais un artiste peut en cacher un autre. Dans un article publié mardi 3 avril par la revue Biology Letters, une équipe internationale met en lumière les exploits d’un autre géant des mers.

<img class=”initial loaded” src=”data:;base64,” sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” srcset=”https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/4288/2848/1328/0/45/0/d34fede_8037-v0wk9.3tl1x.jpg 1328w, https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/4288/2848/664/0/75/0/d34fede_8037-v0wk9.3tl1x.jpg 664w” alt=”Une baleine boréale dans le détroit de Fram.” width=”4288″ height=”2848″ data-srcset=”https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/4288/2848/1328/0/45/0/d34fede_8037-v0wk9.3tl1x.jpg 1328w, https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/4288/2848/664/0/75/0/d34fede_8037-v0wk9.3tl1x.jpg 664w” data-sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” data-was-processed=”true” />

« Si le chant des baleines à bosse est comme la musique classique, celui des baleines boréales, c’est du jazz », résume l’auteure principale de l’étude, Kate Stafford. Océanographe au département de physique appliquée de l’université du Washington, elle avait déjà révélé en 2012 qu’à l’est du Groenland, cette espèce chantait 24 heures sur 24 pendant cinq mois. Mais l’annonce avait surtout marqué par la performance. Une de plus, pourrait-on dire. Capable d’atteindre 20 mètres de long – qui en font le deuxième plus gros animal après sa cousine la baleine bleue – et l’âge canonique de 200 ans, l’imposant cétacé peut aussi briser une couche de glace d’un demi-mètre d’épaisseur, ce qui présente, il est vrai, quelque utilité lorsque l’on vit toute l’année dans les mers du Grand Nord.

Pour les seules trois années répertoriées, l’océanographe américaine a déjà établi un catalogue de pas moins de 184 différents chants. La face cachée de l’iceberg, si l’on veut se rappeler la longévité de l’animal. La raison d’une telle richesse musicale ? L’article imagine l’effet d’un rapprochement de populations longtemps tenues à l’écart par la glace. En revanche, la variabilité, le fait notamment qu’un motif ne tienne jamais plus de quelques mois, reste inexpliquée. « En termes d’écologie du comportement, ça reste un mystère », admet Kate Stafford.

<img class=”loaded” src=”data:;base64,” sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” srcset=”https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/3719/2471/1328/0/45/0/4f7ffec_8117-1cbvsnf.dry2.jpg 1328w, https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/3719/2471/664/0/75/0/4f7ffec_8117-1cbvsnf.dry2.jpg 664w” alt=”Une baleine boréale fait surface entre les morceaux de banquise” width=”3719″ height=”2471″ data-srcset=”https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/3719/2471/1328/0/45/0/4f7ffec_8117-1cbvsnf.dry2.jpg 1328w, https://img.lemde.fr/2018/04/05/0/0/3719/2471/664/0/75/0/4f7ffec_8117-1cbvsnf.dry2.jpg 664w” data-sizes=”(min-width: 768px) 664px, 100vw” data-was-processed=”true” />

Nul doute, toutefois, que comme certains oiseaux, tels les vachers ou les sturnelles, la richesse des motifs musicaux doit avoir apporté un avantage évolutif. Mais il est encore trop tôt pour dire lequel. Et la scientifique rappelle le contexte particulier de ce concert sous-marin. « Nous autres humains sommes des animaux visuels. Les mammifères marins, au contraire, se dirigent, se nourrissent et communiquent essentiellement grâce à des informations sonores. Pour la baleine boréale, c’est encore plus marqué car elle chante pendant l’hiver, donc dans la nuit polaire. » Un noir absolu qui laisse imaginer l’importance potentielle du chant pour préparer notamment les accouplements, et qui, au passage, explique notre longue méconnaissance de l’exceptionnelle chanteuse.

L’équipe doit encore exploiter deux années d’enregistrements. Elle prévoit également d’installer des balises sur certains animaux. Et d’aller écouter les baleines boréales dans d’autres régions de l’Arctique. Rapprocher émissions sonores et comportements, traquer d’éventuels échanges musicaux entre individus, analyser les variations géographiques d’interprétation… Les scientifiques ne sont pas près d’abandonner les nouvelles messagères du jazz.

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version