Hongkong, Taïwan, Ouïghours, Himalaya, Mer de Chine… : sous la férule du président Xi Jinping, la Chine semble décidée à défier le monde entier. À peine sorti de la lutte contre le coronavirus, Pékin étend ses pouvoirs coercitifs sur l’ancienne colonie britannique de Hongkong au mépris du traité de rétrocession à la Chine signé en 1997 entre les deux pays garantissant le principe d’« un pays, deux systèmes ». L’adoption, mardi 30 juin, à Pékin, de la loi sur la « sécurité nationale » sonne le glas des libertés et de l’autonomie de Hongkong. Elle impose notamment à la région administrative spéciale un « Bureau de sécurité nationale » qui dépend directement du pouvoir central chinois pour collecter des renseignements et poursuivre les atteintes à la sûreté de l’État. Les inculpés pourront être transférés sur le continent et comparaître devant des tribunaux de République populaire de Chine. Pour diriger ce « bureau » policier, Pékin a nommé le 3 juillet un « dur », Zheng Yanxiong, dont la carrière au Guangdong, la province bordant Hongkong, a été notamment marquée par la répression des villageois de Wukan en 2011 (les paysans s’étaient révoltés contre le vol de leurs terres).
Alors qu’un premier manifestant d’une vingtaine d’années a été condamné pour « incitation à la sécession » et « terrorisme » le 3 juillet, la nouvelle loi a semé la panique chez les Hongkongais. Ils sont nombreux à effacer toute trace de leur engagement pro-démocratie sur les réseaux sociaux ou à s’exiler. À l’initiative de Boris Johnson et à la grande fureur de Pékin, le Royaume-Uni a annoncé son intention d’accorder la nationalité britannique aux citoyens hongkongais désireux de sauver leur liberté et celle de leurs enfants. L’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis pourraient aussi leur proposer une forme d’asile.
L’Union européenne, les États-Unis ainsi que 27 pays membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon, ont condamné le coup de force de Pékin. « La démarche des 27 est significative, car il est très rare, dans le cadre du Conseil, que l’on dénonce publiquement une grande puissance nommément », souligne Sarah Brooks, de l’ONG International Service for Human Rights. À cette dénonciation, s’est ajouté l’appel rédigé dans le cadre de l’ONU par une cinquantaine de rapporteurs spéciaux et experts indépendants pour « protéger les libertés fondamentales en Chine », alors que s’accumulent les révélations sur le sort réservé aux musulmans Ouighours internés dans des camps dans la province du Xinjiang (où des femmes sont stérilisées de force).
À Washington, le Congrès a voté jeudi 2 juillet une loi sanctionnant des responsables chinois et les banques qui les financent. Le Canada a annoncé le 3 juillet qu’il suspendait son traité d’extradition avec Hongkong ainsi que ses exportations de matériel militaire « sensible ». La Chine et le Canada s’affrontent sur le terrain judiciaire depuis l’arrestation fin 2018 à Vancouver de Meng Wanzhou, haute dirigeante (et fille du fondateur) du géant des télécoms Huawei, à la demande des États-Unis. Par mesure de rétorsion, Pékin a arrêté deux Canadiens en les accusant d’espionnage, sans se donner la peine de cacher qu’ils serviront de monnaie d’échange. Ces relations exécrables s’envenimeront encore si Ottawa extrade Mme Meng vers les États-Unis. Le torchon brûle aussi entre la Chine et l’Australie depuis que celle-ci a demandé l’ouverture d’une enquête internationale sur l’apparition du nouveau coronavirus fin 2019 à Wuhan. Le régime chinois a bloqué des importations australiennes, tandis que Canberra annonce une politique de réarmement pour faire face à la montée en puissance de l’Empire du Milieu.
La Chine de Xi Jinping ne craint pas de rallumer de vieux conflits avec d’autres pays, et non des moindres. Pour la première fois depuis 45 ans, la contestation de la frontière entre l’Inde et la Chine dans l’Himalaya a coûté la vie à des dizaines de soldats chinois et indiens, le 15 juin. Le gouvernement indien a bloqué des dizaines d’applications chinoises très répandues en Inde, tandis que des consommateurs boycottent les produits chinois. Pékin mène cette semaine des exercices militaires en mer de Chine méridionale, une zone qu’elle conteste aux autres pays riverains, suscitant l’inquiétude des dix pays membres de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est). Même la Russie n’échappe pas à un regain des très anciennes revendications de la Chine sur Vladivostok…
À Taïwan, on suit avec une particulière anxiété les événements de Hongkong. L’île indépendante subit depuis des mois un regain d’intimidations de la part de Pékin, notamment des incursions militaires dans son espace aérien. Pour le gouvernement taïwanais, le coup de force du régime communiste à Hongkong démontre que le principe « un pays – deux systèmes », que Pékin propose aussi à Taïwan, n’a aucun avenir.