Mardi matin l’Insee et la DEAL ont présenté une étude conjointe autour de la consommation d’espace liée à l’habitat. La Martinique consomme deux fois plus que la moyenne nationale malgré sa perte régulière de population. Et ce n’est pas bon signe.
La population de la Martinique diminue d’années en années mais la consommation d’espace liée à l’habitat augmente de 14,1% entre 2010 et 2019. Ce constat paradoxal est tiré d’une étude réalisée par l’Insee et la Deal.
Moins de Martiniquais mais plus de foyers. Quelle est cette étrange formule ? Les habitants du territoire grignotent de l’espace lié à l’habitat. Pourtant la dynamique de la loi Climat et résilience ne va pas dans ce sens. Son objectif est d’atteindre le zéro artificialisation nette à l’horizon 2050. Selon la note de l’Insee, la consommation d’espace est « la création ou de l’extension effective d’espaces urbanisés ». La population martiniquaise baisse chaque année pourtant cette dynamique n’empêche pas la multiplication des foyers dû au phénomène de décohabitation. Le population locale diminue entre 2010 et 2019 en perdant 7,5% mais en 2019, les ménages sont composés de 2,2 personnes en moyenne contre 2,4 en 2010. L’Insee fait remarquer : « L’augmentation du nombre de logements vacants et de résidences secondaires explique également la progression du nombre de logements sur la période 2010-2019. » La progression de cet espace consommé pour de l’habitat principalement (89%) représente 5 terrains de football par semaine.
La Martinique, deux fois plus consommatrice
Au niveau national, la Martinique se distingue en faisant partie des départements ayant la plus forte consommation d’espace. La moyenne en France, hors Mayotte est de 7,6% sur la même période. Le territoire se caractérise par le fait qu’il s’agit d’un territoire où prime l’habitat individuel. Les résidences principales sont essentiellement des maisons, soit 63% du parc 2019. Concomitamment, le nombre d’appartement a aussi augmenté mais dans une moindre mesure, il ne représente que 37% du parc.

La Martinique se vide pourtant les nouvelles constructions de logements pullulent. La diminution de la taille moyenne des ménages reste le facteur le plus prégnant : des enfants qui quittent un foyer, un couple qui se sépare. On peut également évoquer l’augmentation du nombre de logements vacants et l’augmentation du nombre de résidences secondaires. Ces logements vacants sont souvent issus d’une indivision non réglée laissant là le bien immobilier inoccupé se dégrader. Ils représentent 22% du parc. Par ailleurs, la part de logements inoccupés dans 6 cas sur 10 ont été construits il y a plus de 30 ans.
Sur l’espace consommé pour l’habitat, les communes de l’île ne sont pas sur la même dynamique. La commune du Prêcheur perd 6% de ménages là où le Saint-Esprit va en gagner 22%. En raison de la raréfaction du foncier, à Fort-de-France, la consommation de l’espace est modérée avec une évolution faible du nombre de ménages. Dix communes perdent des ménages qui affichent malgré tout une consommation d’espace liée à l’habitat élevée parmi elles, le François, les Trois-Îlets, le Diamant.
Treize communes sortent du lot, c’est dans ces dernières que l’on retrouve la plus forte consommation d’espace. Deux sous groupes se distinguent. Tout d’abord, les communes qui présentent une forte augmentation des logements vacants à hauteur de 50% : le Vauclin, le Lorrain, le Marigot, Rivière Salée, Saint-Joseph, Ajoupa-Bouillon, Gros Morne et Ducos. Puis viennent les communes dont le nombre de résidences secondaires a fortement évolué : Rivière Pilote, le Marin, Sainte-Luce, Le Robert et Sainte-Anne. Sur la période 2010-2019, le chiffre de résidences secondaires atteint plus de 79% d’augmentation. Le trait commun de ces communes du sud pour la plupart est leurs attraits touristiques.
Cette tendance générale particulièrement marquée en Martinique d’une importante consommation d’espace pour l’habitat n’est pas sans conséquence. Elle participe à la perte de la biodiversité, porte atteinte à la qualité des sols, grignote sur les terres agricoles alors que l’on parle d’autosuffisance alimentaire. A ce phénomène, il faut ajouter l’éloignement des logements des services, des commerces, des écoles mais aussi de l’emploi. Une situation qui accroit la dépendance aux véhicules. Cela oblige aussi les collectivités pour le raccordement de l’eau et de l’électricité notamment.
Une des propositions de la DEAL afin de diminuer la consommation d’espace qui s’élevait à 1300 hectares entre 2010 et 2019, consiste à aménager les friches en centre-bourg qui peuvent participer au recyclage urbain. La DEAL crée aussi des outils pour mieux connaître cette consommation d’espace comme l’Observatoire du foncier.
Laurianne Nomel