Depuis la Martinique, un cri lucide lancé à la Conférence des Nations unies sur l’Océan
À Nice, lors de la Conférence des Nations unies sur l’Océan 2025, le Martiniquais Laurent Cypria a livré un plaidoyer aussi poétique que percutant sur la disparition progressive des plages, des écosystèmes côtiers et de la mémoire insulaire. Portant la voix de son île, il a évoqué avec émotion le recul de la plage de son enfance et a lancé un appel vibrant à la réconciliation avec la nature. Son intervention, ancrée dans la chair des territoires vulnérables, a touché bien au-delà des rivages caribéens.
“Je me tiens devant vous non seulement comme témoin, mais comme héritier d’un rivage qui s’efface.”
C’est avec ces mots que Laurent Cypria, originaire des Trois-Îlets en Martinique, a introduit son discours à Nice, devant les représentants du monde entier réunis pour la Conférence des Nations unies sur l’Océan. Ce qu’il est venu dire ? Que les plages de son enfance ne sont plus. Et que ce n’est pas une image.
Il a vu de ses yeux reculer la mer, emporter les souvenirs d’un “royaume de sable” où les enfants jouaient, où les familles se retrouvaient. Ce qui était vaste est devenu un couloir. Ce qui bruissait de rires est devenu murmure. Le changement climatique, les tempêtes, l’érosion, les pollutions multiples et l’amnésie des sociétés modernes ont grignoté ce que les générations croyaient éternel.

“Ce ne sont pas des chiffres abstraits, ce sont des arbres tombés, des cases inondées, des cimetières engloutis.”
Appuyé sur les travaux du géographe Pascal Saffache, le conférencier a rappelé que près de 70 % des plages martiniquaises sont aujourd’hui en recul. Et cette transformation physique du rivage, il la décrit aussi comme une métamorphose identitaire. Dans une île, les plages ne sont pas que des lieux de loisir : elles sont des membres du corps collectif.
La parole de Cypria ne s’arrête pas à la nostalgie. Il en appelle à une autre relation à la mer : moins conquérante, plus réconciliée. Il cite les reboisements côtiers, les barrières végétales, les campagnes de sensibilisation. Des actions modestes, certes, mais porteuses d’espoir. Car, dit-il, “si la plage a rétréci, notre conscience, elle, peut s’élargir”.
“Nous sommes passés de l’éternité supposée à l’urgence criante.”
Son discours a eu la force rare de mêler la poésie à la rigueur, le témoignage intime à l’exigence scientifique, l’élégie au sursaut. Il ne s’agissait pas seulement de la plage du Lamentin ou des Trois-Îlets, mais de toutes les côtes du monde, rongées par l’indifférence.
En clôture, une phrase a suspendu le temps dans la salle :
“Si en une vie d’homme nous avons vu reculer une plage, alors en une même vie, nous pouvons provoquer sa régénération.”
Un vœu. Une volonté. Un cap à tenir. Pour que les enfants de demain puissent à nouveau courir sur des rivages vastes et vivants, non pour fuir le réel, mais pour y bâtir un monde habitable.