Le Grand Port Maritime de la Martinique (GPMLM) a réuni une cinquantaine d’acteurs économiques, le 19 février 2025, pour dresser le bilan de l’année 2024 et définir les perspectives pour 2025. Dans un contexte de mutations économiques et environnementales, cette conférence a permis d’aborder les enjeux stratégiques du port et les défis à venir.
Parmi les intervenants, Bruno Mencé, président du directoire du GPMLM, Philippe Jock, président du conseil de surveillance, Laurianne Vaillant, statisticienne du port, et Guillaume Chiron, directeur de l’AFD, venu officialiser un partenariat financier clé. La présence d’un représentant de la Ville du Robert et de Cap Nord, ainsi que celle de la sénatrice Catherine Conconne, témoignaient de l’importance de cette rencontre en tant que baromètre de la santé économique et logistique de l’île.
Le bilan des trafics commerciaux 2024
Si le GPMLM demeure un maillon essentiel de l’économie martiniquaise, l’année 2024 a été marquée par des dynamiques contrastées.
- Le trafic conteneurisé a progressé de 5 %, confirmant le rôle du port comme plateforme logistique régionale de premier plan.
- En revanche, les vracs liquides ont enregistré une baisse de 17 %, principalement en raison de la diminution des importations de pétrole brut, en recul de 35 %. Cette baisse, anticipée dès 2023, s’explique par une augmentation des stocks l’année précédente en prévision de l’arrêt technique programmé de la SARA en 2024.
- Le transport de passagers affiche une hausse globale de 1 %, portée par la croisière “tête de ligne” (+12 %) et le trafic inter-îles (+8 %). Cependant, la croisière en transit a reculé de 8 %, impactée par les répercussions des mouvements sociaux récents.
Ces chiffres illustrent la nécessité pour le GPMLM de diversifier ses activités et d’adapter sa stratégie face aux évolutions du commerce maritime et du tourisme.
Des défis économiques et environnementaux à relever
Dans un contexte de profonde transformation, les intervenants ont insisté sur la nécessité d’adapter les infrastructures et les modèles de gestion pour garantir la compétitivité du port.
Philippe Jock a rappelé que :
“le GPMLM ne peut plus reposer sur une seule activité et doit diversifier ses sources de revenus. C’est tout l’enjeu du projet “Hub Antilles”, qui vise à faire du port un carrefour logistique incontournable dans la Caraïbe.”

L’impact des nouvelles réglementations environnementales sur l’économie portuaire a également été un sujet central de la conférence.
L’ETS: une nouvelle donnée à prendre en compte dans le transport maritime
L’une des préoccupations majeures abordées a été l’entrée en vigueur de l’ETS* (Emissions Tradind System – le Système d’Echange de Quotas d’Emissions), une réforme qui pourrait renchérir le coût du transport maritime et affecter directement toutes les activités du port.
L’ETS, impose aux compagnies maritimes l’achat de quotas d’émission de CO₂ pour compenser leur empreinte carbone à quai et en navigation. Si cette mesure s’inscrit dans une démarche écologique, elle représente un défi considérable pour les ports d’Outre-Mer, en raison de l’augmentation prévisible des coûts d’exploitation.
Philippe Jock a exprimé ses inquiétudes :
« L’ETS risque d’entraîner une hausse du coût du fret et de fragiliser la compétitivité de notre port. Si les armateurs choisissent d’autres destinations en raison de ces surcoûts, nous pourrions perdre des flux commerciaux stratégiques. »
Pour éviter une marginalisation des ports ultramarins, Bruno Mencé a confirmé que des discussions menées par les ports ultramarins et les services de l’État (DGITM, DGOM) étaient en cours avec les autorités européennes afin d’obtenir des aménagements spécifiques, comme le maintien d’une exonération sur les trajets France-RUP au-delà de 2030 et d’abaisser le taux d’application sur les trajets Union Européenne (hors France)-RUP.
Parallèlement, la transition écologique du port reste une priorité, avec le développement d’infrastructures durables et l’exploration de solutions pour réduire son empreinte carbone avec son projet SMARTGRID par exemple de 11 millions d’euros.

Un partenariat financier stratégique pour moderniser le port
Un des moments clés de cette conférence a été la signature d’un accord financier entre l’AFD représenté par son directeur, Guillaume Chiron, et le Président du Directoire du Port de Martinique, Bruno Mencé. Ce partenariat vise à garantir les investissements nécessaires pour moderniser les infrastructures portuaires et optimiser leur fonctionnement. Il s’agit d’une ligne de pré-financement disponible, que le port peut actionner pour couvrir les éventuels décalages dans le versement des financements octroyés.
« Investir dans le port, c’est investir dans l’avenir économique de la Martinique »,
a souligné Guillaume Chiron, insistant sur l’importance d’un port performant et adapté aux nouvelles exigences du commerce international.

*ETS : C’est un instrument de politique climatique qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en imposant une limite (cap) sur le volume total de ces émissions pour certains secteurs économiques.
2025 : Une année sous le signe de l’adaptation et de la croissance
Les perspectives pour 2025 s’articulent autour de plusieurs axes stratégiques :
- Développement du “Hub Antilles”pour renforcer la place du port dans les échanges commerciaux régionaux.
- Adaptation aux défis environnementaux, avec des initiatives pour réduire les émissions carbone et promouvoir les énergies renouvelables.
- Optimisation des flux de marchandisespour répondre aux nouvelles exigences logistiques.
- Mise en place du PCF(poste de contrôle aux frontières), facilitant l’approvisionnement en provenance de pays tiers, que ce soit pour la transformation en vue d’exportation ou pour la consommation locale.
Un port en pleine évolution
L’avenir du Grand Port Maritime de la Martinique repose sur sa capacité à anticiper et s’adapter aux mutations du commerce maritime et aux défis climatiques.
En clôture de la conférence, Bruno Mencé a insisté sur la nécessité de maintenir une dynamique proactive :
« Nous devons continuer à anticiper les transformations pour assurer la compétitivité du port et, au-delà, celle de toute l’économie martiniquaise. »

Avec ses investissements ambitieux et sa stratégie tournée vers l’innovation, le GPMLM entend rester un acteur majeur du développement économique régional, tout en relevant les défis du transport maritime de demain.
En résumé :
- En 2024, un port résilient, avec une progression du trafic conteneurisé en dépit d’une baisse des vracs liquides et de la croisière en transit.
- Une menace de l’ETS sur les coûts du fret et la compétitivité portuaire.
- Un partenariat stratégique avec l’AFDpour moderniser les infrastructures.
- Des perspectives 2025 ambitieuses, axées sur la diversification, la transition écologique et l’optimisation logistique
Le Grand Port Maritime de la Martinique saura-t-il transformer ces défis en opportunités ? Son avenir se jouera dans sa capacité à innover et à se positionner comme un hub logistique incontournable dans la Caraïbe.
Philippe Pied


