De très, très gros aimants et une discothèque pour muons. | Cindy Arnold via Fermilab

Thomas Burgel

Gravité, électromagnétisme, interaction nucléaire forte, interaction faible: ce sont les quatre lois fondamentales de la nature, régies par ce que la science des particules élémentaires nomme le Modèle standard.

À moins qu’il n’existe une cinquième force mystérieuse et des particules encore inconnues de la science? C’est l’excitante découverte que suggèrent les résultats d’une expérience nommée Muon g-2, révélée le 7 avril.

Grâce à une équipe de 200 scientifiques internationaux et au travail effectué au Fermi National Accelerator Laboratory aux États-Unis, l’un de ces infinitésimaux corpuscules fondamentaux de la matière, le muon, est ainsi peut-être en train de remettre en question ces règles que l’on pouvait penser immuables.

De la famille des leptons, le muon est parfois surnommé «le gros électron»et son rôle exact dans la marche du cosmos reste quelque peu flou. Comme toute chose connue, visible ou invisible, du monde quantique ou de celui que nous observons, il est doté de propriétés particulières, notamment de ce que la science quantique nomme le «moment magnétique».

À lire aussi

La course à l’internet quantique a franchi une étape décisive

De très savants calculs, menés dans le cadre du Modèle standard et incluant les interactions avec les autres éléments qui l’entourent, offrent au muon une mesure théorique de son moment magnétique. En 1998 pourtant, des expériences menées à Brookhaven grâce à l’Alternating Gradient Synchrotron, à l’appellation tout droit sortie d’un épisode de Rick & Morty, ont constaté une déviation entre ce calcul théorique et les mesures du monde réel.

De quoi troubler, pendant des années, le petit monde de la physique. Était-ce une aberration de mesure, une erreur de calcul? Ou ce décalage indiquerait-il qu’une force ou des particules encore inconnues influenceraient le comportement de l’innocent petit muon, ouvrant la voie à un champ inédit de la connaissance des rouages intimes de l’univers?

Plus de vingt ans plus tard, après un rocambolesque déménagement du colossal matériel de Brookhaven raconté dans un long article du New York Times et avec une précision beaucoup plus grande, c’est la véracité de cette mystérieuse fluctation, de cette oscillation imprévue, qu’a cherché à vérifier l’expérience Muon g-2 menée au au Fermilab.

Punk physique

Avec une probabilité statistique beaucoup plus forte (1 chance d’erreur sur 40.000, soit 4,1 sigma), mais pas encore suffisante pour en faire une découverte en bonne et due forme (1 sur 3,5 millions, soit 5 sigma), les conclusions de cette dernière rejoignent celles obtenues en 1998 de Brookhaven. Le muon, en petit punk de la physique fondamentale, n’oscille pas tout à fait comme le Modèle standard indique qu’il le devrait, influencé par des forces ou particules restant encore à découvrir.

«J’ai cherché pendant toute ma carrière des forces et particules au-delà de ce que nous connaissons, et nous y voilà», explique à la BBC Ben Allanach, professeur à l’université de Cambridge. «Cette petite oscillation secoue les fondations mêmes de ce que nous pensions savoir», a quant à elle déclaré Marcela Carena, chargée de la physique théorique au Fermilab.

D’autres en revanche sont plus circonspects sur la réalité de cette trouvaille ou de ces trouvailles potentielles. Le jour même où les résultats du Fermilab étaient rendus publics, une équipe de scientifiques de la Pennsylvania State University les mettaient en doute dans un article publié par Nature.

Utilisant une autre méthode de calcul (poétiquement nommée chromodynamique quantique sur réseau), Zoltan Fodor et son équipe, incluant des membres du CNRS, expliquaient qu’il n’existait pas de différence notable entre les résultats de l’expérience de Brookhaven et le Modèle standard.

Les trouvailles du Fermilab ouvrent-elles réellement la voie vers la découverte d’une force inconnue, digne des chevaliers Jedi, ou d’exotiques nouvelles particules (le leptoquark, le bozon Z)? Permettront-elles l’explication de mystères encore irrésolus (la vitesse d’expansion de l’univers, la très fameuse matière noire), ou ne sont-elles au contraire qu’un mirage statistique? L’avenir seul nous le dira.

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version