Malgré certains succès dans la lutte contre les réseaux criminels, la ville, théâtre d’une violence contagieuse liée au trafic de stupéfiants, met à rude épreuve le système judiciaire, qui peine à suivre le rythme de l’escalade criminelle.
L’extradition de Félix Bingui
L’extradition de Félix Bingui, prévue ce 22 janvier, constitue une étape majeure pour les forces de l’ordre. Ce chef présumé du redouté clan « Yoda », arrêté au Maroc en mars 2024, est accusé d’avoir orchestré une guerre sanglante entre gangs dans les quartiers nord de Marseille. Âgé de 34 ans, il fait face à de lourdes charges, notamment pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et homicides. Son retour en France devrait permettre d’éclaircir le rôle de son organisation dans de nombreux règlements de comptes.
Un système judiciaire submergé
Malgré cette victoire, le tribunal de Marseille fait face à une crise sans précédent. Olivier Leurent, son président, compare la situation à un « tsunami criminel ». En 2024, plus de 2 000 personnes ont été mises en examen pour trafic de drogue, et 833 suspects ont été placés en détention provisoire. Cette avalanche de dossiers paralyse un système qui manque cruellement de ressources humaines et matérielles.
Des résultats, malgré une crise persistante.
Quelques signaux encourageants: le nombre de « narcomicides » a chuté, passant de 49 en 2023 à 24 en 2024 ; 29 points de deal ont été démantelés et 40 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis.
Cependant, le manque de moyens persiste. Le tribunal a besoin de 12 magistrats supplémentaires, tandis que les délais de traitement des affaires s’allongent dangereusement. Ce ralentissement rend la justice inefficace et compromet le respect des délais légaux.
Une criminalité en mutation.
La justice doit également faire face à l’implication croissante de mineurs de moins de 16 ans dans des assassinats liés au trafic, à la diversification des activités criminelles (comme l’extorsion) et à des menaces pesant sur les magistrats, avocats et forces de l’ordre. Ces évolutions rendent leur travail de plus en plus dangereux.
De nouvelles réponses législatives.
Face à cette situation alarmante, des réformes sont annoncées. Une loi visant à durcir les sanctions contre le narcotrafic est en préparation. Mais sans un renforcement des moyens judiciaires, le risque de voir la criminalité organisée submerger les institutions demeure élevé. À Marseille, la lutte contre les réseaux de stupéfiants reste une course de fond où chaque victoire compte pour enrayer le règne de la violence.