Depuis 2021, la Martinique est au cœur d’une étude scientifique inédite visant à mieux comprendre l’impact de ses eaux usées sur l’environnement marin. Baptisé TRACMIC (« TRAçage des Contaminants MICrobiens d’origine humaine en provenance des stations d’assainissement en Guadeloupe et en Martinique »), ce projet s’attaque à un enjeu crucial pour l’île : la qualité de son assainissement collectif et la préservation de ses écosystèmes.
Un réseau d’assainissement sous pression.
En Martinique, près de 60% de la population est raccordée à un réseau d’assainissement collectif. Pourtant, de nombreuses stations d’épuration, parfois vétustes ou sous-dimensionnées, peinent à traiter efficacement les eaux usées avant leur rejet dans l’environnement. Selon les premières évaluations du projet TRACMIC, plusieurs points de rejet en mer restent difficilement localisables, et des fuites entre les stations et les exutoires marins ne sont pas à exclure.
Des milieux naturels vulnérables
Chaque année, ce sont plusieurs millions de mètres cubes d’eaux usées qui sont rejetés dans les rivières, les mangroves et le littoral martiniquais. Ces milieux, essentiels à la biodiversité locale, subissent une pression croissante.
« On s’est rendu compte que nous avons plus d’une dizaine de genres de bactéries présents en entrée, en sortie, le long de l’environnement et jusqu’en mer », explique Malika Rénée-Trouillefou, maître de conférences en biologie-écologie à l’Université des Antilles et coordinatrice du projet.
Parmi ces bactéries, certaines sont identifiées comme des pathogènes potentiels pour les mollusques, les poissons, les coraux, et présentent également un risque pour la santé humaine. Les analyses menées sur quatre stations majeures de l’île, notamment au Carbet et au Vauclin, ont permis de dresser une cartographie inédite de la contamination microbienne.
Un manque de données jusqu’ici préjudiciable
Jusqu’à l’initiative TRACMIC, peu d’études permettaient de retracer précisément le parcours des contaminants microbiens depuis les stations d’assainissement jusqu’au milieu marin. Cette absence de données freinait la modernisation des infrastructures et la mise en place de politiques de surveillance adaptées.
Vers un assainissement plus moderne et durable.
Les résultats du projet TRACMIC, après quatre ans d’études, sont sans appel : il est urgent de moderniser les stations d’épuration de l’île.
« Il est tout à fait possible d’aller vers des traitements d’eaux usées de qualité, conformes et adaptés à la protection des organismes marins, voire propres à la consommation », souligne Malika Rénée-Trouillefou, citant l’exemple de Saint-Barthélemy ou de certains pays autour de la mer Rouge, où l’eau usée est réutilisée après traitement.
Pour la Martinique, l’enjeu est double : protéger la santé publique et préserver la richesse de ses écosystèmes marins, déjà mis à mal par la pollution. Le projet TRACMIC, en apportant des données scientifiques inédites et en sensibilisant les décideurs, espère convaincre d’investir dans un assainissement digne des enjeux du XXIe siècle.
Chiffres clés :
– 60% de la population martiniquaise raccordée à l’assainissement collectif
– Plusieurs millions de m³ d’eaux usées rejetés chaque année
– Plus de 10 genres de bactéries pathogènes détectés dans les analyses du projet TRACMIC