Depuis que la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, a opéré le virage historique vers une république parlementaire – en se débarrassant de la cheffe d’État titulaire, la reine d’Angleterre, et en la remplaçant par un président élu localement – les Caraïbes ont connu un regain d’intérêt pour le républicanisme. Après tout, la Barbade, longtemps surnommée la « Petite Angleterre » en raison de son rôle central dans l’empire colonial britannique, avait franchi cette étape audacieuse. La question qui traversait la région était claire : si la Barbade y est parvenue, qu’est-ce qui nous en empêche ?
Cet intérêt n’a fait que s’intensifier après la mort de la reine Élisabeth II. Partout dans le monde, on s’est demandé si le moment était venu de destituer le monarque britannique de son poste de chef d’État, ou si cela signifiait la fin de la monarchie. L’année dernière, la Jamaïque a ravivé notre conscience anticoloniale collective en présentant un projet de loi visant à destituer le roi de son poste de chef d’État.
La question pour Sainte-Lucie est donc : qu’attendons-nous ? Notre nation n’a jamais attendu de ses voisins des changements radicaux. Nous n’avons pas attendu deux prix Nobel, ni une médaille d’or olympique. Et puisque le débat sur la réforme constitutionnelle persiste depuis le remplacement du Conseil privé, la prochaine étape logique pour finaliser notre indépendance politique est de destituer le monarque de son poste de chef d’État.
Les mots de Kamau Brathwaite résonnent : « Ce n’est pas, ce n’est pas, ce n’est pas suffisant d’être une pause, un trou, un vide, un silence, un point-virgule, une semi-colonie. » La vérité fondamentale est qu’un pays indépendant ne devrait pas prêter allégeance à un chef d’État étranger. Pour Sainte-Lucie, c’est d’autant plus flagrant que la monarchie est le reflet, le rappel et l’approbation directs de notre passé colonial.
Certains pourraient balayer la question d’un « et alors ? » cynique, comme pour suggérer que tout n’était pas mauvais dans le colonialisme, comme si, selon la métaphore de Gonsalves, on pouvait comptabiliser les « actifs et passifs » du colonialisme sur un bilan. Mais la réponse est simple : nous devrions avoir un chef d’État local, façonné à l’image et à la ressemblance des Saint-Luciens.
Dissiper les mythes coloniaux
Même avec ce raisonnement, nous devons affronter les mythes coloniaux qui, ironiquement, survivent aux sympathisants coloniaux eux-mêmes – à savoir pourquoi nous ne devrions pas nous donner la peine de destituer le roi. Les arguments font écho à ceux contre la CCJ :
- « Il y a des problèmes plus urgents – la criminalité, le coût de la vie – pourquoi perdre du temps là-dessus ? »
- « De toute façon, le Roi ne nous affecte pas. »
- Et l’extrême : « Si nous faisons cela, la Grande-Bretagne retirera son soutien, le tourisme en souffrira et notre dollar s’effondrera. »
Premier point : il n’y aura jamais de « moment idéal » pour la décolonisation. Les petites nations doivent toujours avancer, mâcher du chewing-gum et se surpasser. Les pays, comme les peuples, ne sont jamais sans défis. Si nous attendons le « bon moment », quand viendra-t-il ? Qui décide ? Et cela dépendra-t-il de conditions économiques qui pourraient ne jamais être idéales ?
Ceux qui colportent cet argument déplaceront toujours les poteaux de but sur les questions décoloniales parce qu’ils ne voient pas le colonialisme comme un problème tant qu’il ne nous met pas un pistolet sur la tempe.
Certes, les questions essentielles comptent. Mais une nation ne se résume pas à un seul enjeu. Nous devons nous attaquer aux difficultés économiques et aux institutions qui définissent notre souveraineté. Une société est plus qu’une question de survie ; c’est aussi une question d’identité, d’héritage et des liens invisibles qui nous unissent.
Quant à l’inutilité du roi, c’est précisément là le problème. Si le pays prête allégeance à quelqu’un qui, à son réveil, n’a pas nos intérêts en tête, cela signifie-t-il que nous devrions le conserver indéfiniment ?
Et concernant le tourisme et l’aide : la Barbade a-t-elle souffert depuis son accession au statut de république ? Non. Le tourisme et le soutien du Royaume-Uni restent forts. Les propos alarmistes ne tiennent pas la route.
Que faut-il?
Un référendum est nécessaire. Cette recommandation n’est pas tombée du ciel, mais est tirée du rapport de la Commission de réforme constitutionnelle de Sainte-Lucie de 2011. Ce rapport recommandait :
- Remplacer la monarchie par un président élu localement, choisi par la majorité de l’Assemblée après consultation entre le Premier ministre et le chef de l’opposition.
- Le président doit être saint-lucien de naissance, avoir résidé pendant au moins 10 ans avant sa nomination, être âgé de 35 à 75 ans et ne pas avoir occupé de poste dans un parti politique ni s’être présenté à une élection en tant que candidat au cours de la même période.
- Ne pas exercer plus de deux mandats de sept ans, avec des procédures de révocation similaires à celles de la Dominique.
L’article 41(2) de notre Constitution stipule que la modification des articles relatifs à la fonction de gouverneur général exige :
- Une majorité parlementaire des trois quarts (les deux chambres).
- Un référendum réussi avec un soutien majoritaire de la population.
Mais l’histoire montre que les référendums sur ces questions échouent souvent dans notre région. Prenons l’exemple de la Grenade, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, d’Antigua-et-Barbuda et des Bahamas. Pour éviter cela, nous avons besoin d’une éducation publique soutenue et compréhensible.
Sainte-Lucie en 2025 devra tenir compte de l’avertissement d’Errol Barrow : les Caraïbes ne doivent pas « flâner dans les locaux coloniaux après l’heure de fermeture ».
La question demeure : qu’attendons-nous et qui attendons-nous ?
Rahym R. Augustin-Joseph, un Saint-Lucien de 24 ans, prépare une licence en droit à l’UWI Cave Hill, après avoir obtenu une mention très bien en sciences politiques et en droit. Actuellement boursier Rhodes du Commonwealth Caribbean et ancien major de promotion de l’UWI, il se consacre à l’utilisation du droit et de la politique pour transformer Sainte-Lucie et les Caraïbes