Dans le domaine de l’eau potable, Florent Grabin de PUMA (Pour une Martinique Autrement), propose ici une grille de lecture de ce qui nous attend, dans ce secteur stratégique, pour les prochaines années
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L’eau, ce ‘’don du ciel’’ !!!
La maîtrise l’eau, ce ‘’ don du ciel’’ compte tenu de son caractère vital, de son importance dans l’économie et de son inégale distribution sur la Terre, est l’objet de forts enjeux géopolitiques,
La Martinique est sortie de loin, de très loin, concernant le traitement et la distribution de l’eau. Nombreux sont ceux qui, de nos jours, s’imaginent que l’eau a toujours coulé aux robinets dans tous les foyers. Pour le savoir, il suffit d’interroger les anciens. À charge pour ceux qui l’ont vécu, de raconter ce qui se passait près des fontaines de distribution publique ou derrière les camions-citernes assurant la distribution de l’eau dans les différents quartiers. Pour élargir la réflexion, essayez donc de penser aux difficultés que rencontrent, encore aujourd’hui, certaines populations pour avoir ce précieux liquide à domicile.
Actuellement l’état des réseaux est sans doute très inégal d’un endroit à un autre, mais il est certain que d’importants travaux restent à entreprendre pour les rénover. Actuellement, le linéaire renouvelé annuellement en Martinique ne permet pas de rattraper le retard, ce qui mécaniquement complique la tâche des distributeurs pour améliorer les rendements de réseau et limiter les pertes. Avec un taux de renouvellement moyen de 0,5% (0,3% sur le S.I.C.S.M. 0,75%, on est très loin des durées d’amortissement comptable (50 ans). Il faudrait donc quadrupler le montant des investissements pour être sur cette base.
Quant aux volumes stockés dans les réservoirs, on se rend bien compte qu’ils sont souvent insuffisants au regard des aléas climatiques (sécheresse, pluie tropicale et turbidité…) Au sujet de la qualité de l’eau, même si certains réservoirs sont systématiquement nettoyés et désinfectés annuellement, le ”biofilm” se trouvant à l’intérieur des tuyaux du réseau ne peut être traité. À ce propos, il serait bon de faire réaliser des études ponctuelles, au robinet des consommateurs, pour voir l’évolution des conséquences sanitaires sur les consommateurs du fait de la présence de ces polluants et partager les résultats.
Il y a urgence à se lancer sur les différents travaux à mettre en œuvre pour diversifier, protéger la ressource, moderniser le réseau d’eau de boisson, dans un souci permanent d’améliorer le rendement du réseau. Pour cela, ces travaux doivent intégrer la reprise urgente des branchements individuels des abonnés, point faible de la Martinique compte tenu du choix historique du PEHD (PolyEthylène Haute Densité) pour la réaliser.
L’assainissement ne doit pas être en reste, mais l’écueil du relief accidenté doit rappeler à nos politiques l’état de déliquescence des installations d’assainissement non collectif utilisées dans 65% de nos foyers et dont personne, y compris l’État, ne peut prendre à bras le corps par des mesures fortes, voire coercitives. L’État, reste par ailleurs à la traine pour financer la modernisation du réseau d’assainissement collectif. Cette pénurie de financement ne semble pas inquiéter nos responsables locaux qui, au lieu de financer des installations simples et durables s’amusent à envisager des solutions dispendieuses au grand dam de leur budget. Quand nos élus voudront se rappeler que derrière 1 euro investi, il y a 9 euros d’exploitation, la Martinique aura fait un pas de géant.
Ce vrai sujet et ”l’Audit sur l’eau en Martinique” que l’on peut se procurer sur Internet y répond en partie. Quelle que soit la nature des opérateurs publics ou privés, le coût de la production, de la distribution et de l’assainissement de l’eau en Martinique et ensuite son traitement ne seront jamais au niveau de la Nation pour trois raisons simples :
- a) Le coût énergétique dans son transport du fait du relief de notre département, avec une quantité inhabituelle de stations de pompages et de postes de relèvement.
- b) Une multiplicité d’équipement de production dans une ressource éparse et dégradée (le scandale de la Chlordécone impactera durablement nos deux principales rivières la Capot et la Lézarde).
- c) Les taxes d’octroi de mer qui pèsent sur cette production locale.
Faire croire que l’on peut réduire le prix de l’eau est irréaliste, d’autant que nous avons une mise à niveau qui demande beaucoup d’argent. Certaines ‘’ religions’’ veulent à faire croire qu’il faut passer en régie publique ou se mettre en syndicat unique de l’eau ; malheureusement, notre réalité ne nous autorise pas cette perte de temps, il y a urgence à se mettre au travail. L’autre réalité, c’est le réchauffement climatique qui nous guette et commence à se faire doucement ressentir, d’où l’urgence de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour anticiper les effets de cette nouvelle situation climatique.
Il est capital que nos décideurs viennent informer la population sur la réalité économique et sociale d’un tel chantier. Cette adaptation ne peut que générer des emplois, ceci à tous les niveaux de la chaîne.
Cette opération de mise à niveau de nos installations pluviales, va nécessiter un important apport de fonds que nos collectivités ne pourront supporter seules, Ce ‘’don du ciel ‘’ nous donne, certes la vie, mais peut aussi la retirer, par exemple lors de fortes crues. Ces derniers temps, nous avons constaté que de nombreux permis de remblais ont été délivrés pour la mise hors d’eau de commerces ou autres constructions telles certaines voies de circulation.
Faut-il croire que nous sommes exempts des inondations ? Eh bien ! Non. Nous devrons payer demain une lourde facture du fait de notre insouciance collective. Faire fi des conséquences du ruissellement urbain, n’est pas un acte responsable, d’autant qu’avec l’expérience des autres sur l’importante urbanisation incontrôlée on sait qu’il y a urgence à mettre en place un programme de protection des vies et des biens.
Avec l’imperméabilisation croissante des villes et des zones d’activité, les pluies longues ou fortes pluies d’orages perturbent les capacités des stations d’épuration, dépassent celles des réseaux unitaires d’évacuation des eaux, et contribuent moins à l’alimentation des nappes phréatiques. Il est impératif d’éviter ou de limiter le ruissellement non contrôlé, qui est un puissant facteur de pollution de l’eau et de transferts rapides de polluants vers l’aval et la mer.
L’eau, ce ‘’ don du ciel’’ devra, Pour Une Martinique Autrement, être considérée dans toute sa dimension, sanitaire, sociale et économique, pour couler dans nos robinets et nos rivières, avec une excellence écologique.
Pour l’association P.U.M.A.
Le Président
Florent GRABIN