Yan Monplaisir, actuel maire de Saint-Joseph, se porte candidat aux élections législatives pour la 2ème circonscription de Martinique, située dans le Nord de l’île. Une occasion pour lui de mettre en lumière ses perspectives et de démontrer sa volonté de promouvoir la diversité. Son objectif est de proposer une approche pratique pour résoudre les défis auxquels font face la Martinique et les autres territoires d’outre-mer.
Quels ont été les principales motivations pour vous présenter à ces élections et quels sont les objectifs que vous viserez si vous êtes élu ?
Tout d’abord, il faut savoir que je prends cette décision bien évidemment par conviction et aussi car je défends des valeurs. Aujourd’hui, nous sommes face à une situation tout à fait exceptionnelle mais aussi historique. Celle-ci nécessite alors un sursaut. Ici en Martinique, la situation parlementaire est tout à fait inaudible. Les élus actuels ne représentent pas la diversité des opinions en Martinique. Si je me présente, c’est dans le but de pouvoir incarner cette différence au niveau des idées politiques que l’on peut retrouver sur notre île.
Je souhaite améliorer le quotidien des Martiniquais. Ils ont besoin de travailler, de se déplacer, d’être logés. Souvent, certains services tels que les services publics ne fonctionnent pas de manière optimale, bien qu’ils soient essentiels pour les habitants. Concernant les problématiques de consommation, c’est avec tristesse que j’observe les Martiniquais devoir acheter des produits à des prix qui sont beaucoup trop élevés pour eux. La liste des problèmes auxquels ils sont confrontés chaque jour est longue, et on ne peut pas réellement dire que l’efficacité soit au rendez-vous.
“Ma démarche est pratique et pragmatique. Je l’ai vivement démontré au sein du conseil municipal de Saint-Joseph. En quatre ans, nous avons pu opérer de très grands changements dans cette commune, dont nous sommes fiers. Jusqu’à présent, nos actions n’avaient que pour seul but de servir les Martiniquais, comme nous l’avons d’ailleurs prouvé récemment concernant les problématiques liées à l’eau.”
Vous avez déclaré dans une interview au site internet “Pat Médias” que “le fait que la Martinique soit représentée par trois indépendantistes (Marcelin Nadeau, Giovanny William, Jean Philippe Nilor) et un autonomiste (Johnny Hajjar) ne traduit ni la diversité des opinions, ni celle des martiniquais”. Quel bilan faites-vous de ces 4 élus et quelles sont les leçons qu’un candidat tel que vous peut en tirer ?
Je ne remets pas en cause les bonnes intentions ni les compétences de ces quatre personnes. Cependant, je constate simplement qu’ils n’ont pas défendu avec suffisamment de détermination les intérêts des Martiniquais face aux problèmes concrets. À mon avis, ils se sont plutôt perdus dans une attitude de méfiance envers le gouvernement. Ce n’est pas ainsi que l’on devient efficace. Peu importe l’interlocuteur choisi par les Français, il est essentiel de pouvoir dialoguer avec lui. Agir de cette manière est l’une des principales raisons du manque d’écoute.
La Martinique fait actuellement face à de nombreuses problématiques. Si vous êtes élu, quelles mesures comptez-vous prendre pour résoudre ces problèmes et par la même occasion favoriser le développement de l’île ?
En tant que parlementaire, il est de mon devoir de faire en sorte que chaque problématique trouve une réponse raisonnable. Je ne souhaite pas tourner autour du pot, si je deviens député, je ne perdrai de temps pour m’attaquer directement aux problèmes des martiniquais.
Beaucoup d’élus ultramarins se battent contre la vie chère en Outre-mer. Quelles sont les mesures que vous pourriez être amené à proposer ?
Les problèmes des Martiniquais et des Ultramarins sont nombreux, parmi lesquels la vie chère occupe une place importante. Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs actions peuvent être entreprises. Il est crucial de renforcer les conditions de concurrence et de contrôle, surtout lorsque la concurrence est limitée en raison de l’exiguïté du territoire et de la concentration des pouvoirs économiques. Lorsque la concurrence n’est pas suffisamment dynamique, il est nécessaire de procéder à des contrôles pour éviter les situations de domination du marché.
Par exemple, c’est le cas des carburants, dont les prix sont contrôlés par les services de l’État. D’autres secteurs, comme la distribution et le marketing de certains biens et services, doivent également être soumis à un contrôle strict pour éviter les distorsions de prix qui augmentent le coût de la vie. L’octroi de mer, une taxe sur les produits importés, est un autre élément à considérer. Bien que cette taxe soit essentielle pour soutenir l’économie locale, elle ne doit pas devenir un facteur de renchérissement des produits de première nécessité. Il est important de maintenir cette taxe sous le contrôle des autorités locales, mais il faut veiller à ce qu’elle ne pèse pas trop lourdement sur les consommateurs, surtout les plus modestes.
En particulier, les produits de première nécessité frappés par des taux d’octroi de mer élevés à l’importation doivent être revus. L’aide aux industries locales doit être maintenue, mais sans que cela ne se traduise par une augmentation excessive des taux de cette taxe, car cela renchérit le coût de la vie et pénalise les plus petits consommateurs. Le principe de l’octroi de mer est bon, mais son mécanisme d’application doit être amélioré. C’est un aspect essentiel du travail parlementaire à mes yeux.
Quelles mesures prévoyez-vous pour soutenir les petites et moyennes entreprises dans les territoires d’outre-mer et favoriser la création d’emplois locaux ?
La principale difficulté rencontrée par les entrepreneurs dans nos territoires est l’accès au financement. Il est donc crucial de favoriser cet accès. Pour ce faire, l’État doit se doter des outils nécessaires. Cela peut se faire soit par le biais des banques, en mettant en place des mesures incitatives pour le crédit aux entrepreneurs débutants, soit en renforçant ou en créant une banque de développement.
Des institutions comme la BPI, l’AFD, et la Caisse des Dépôts existent déjà, mais les conditions d’accès au crédit qu’elles offrent ne sont pas adaptées à la réalité de nos territoires. Une réflexion de fond est donc nécessaire pour que les petits entrepreneurs ayant un projet puissent réellement accéder au crédit.
Les problèmes d’insécurité sont en hausse en Outre-mer. La sécurité est une préoccupation pour les habitants des territoires ultramarins. Quelles sont vos propositions pour améliorer la sécurité et renforcer le système judiciaire dans ces régions ?
En tant que maire, je suis confronté à cette réalité et à la complexité des solutions à envisager. Actuellement, j’adopte une approche très pratique, comme je l’ai expliqué. Il est essentiel de favoriser les enquêtes en intensifiant la mise en place de la vidéo protection. L’État et les collectivités sont déjà intervenus dans ce domaine, mais il faut accélérer l’installation des équipements pour rendre les enquêtes plus efficaces lors des agressions et des opérations de trafic.
De plus, les réponses judiciaires doivent être rapides. Trop souvent, les délits commis en Martinique ne mènent pas à des sanctions effectives, ce qui engendre un sentiment d’impunité et encourage les délinquants, surtout les jeunes primo-délinquants, à récidiver. Il est crucial d’agir rapidement pour empêcher l’escalade de la violence. Parallèlement à la coercition, il faut intensifier les actions de prévention auprès des familles et au sein du système éducatif. Il est important de détecter dès le plus jeune âge les enfants en difficulté scolaire pour les aider à ne pas se marginaliser et à ne pas recourir à la violence comme moyen d’expression.
Dans ma commune, j’ai mis en place des dispositifs pour soutenir ces enfants, notamment en désignant un responsable du service des sports qui va à leur rencontre pour développer leurs talents sportifs ou artistiques et renforcer leur confiance en eux. En somme, il faut combiner la coercition avec des actions préventives. Travailler en amont coûtera moins cher que d’augmenter le nombre de places en prison. Il est aussi nécessaire de réintroduire des systèmes d’éducation adaptés, comme les centres d’éducation surveillée, pour les enfants issus de familles en difficulté. Cela leur offrirait une chance de traverser l’adolescence et de devenir des adultes responsables, évitant ainsi les drames que nous connaissons trop bien.
Comptez-vous promouvoir et préserver la culture et l’identité des territoires d’outre-mer tout en favorisant leur intégration nationale ?
Je suis profondément martiniquais et je montre chaque jour mon attachement à mon identité et à ma culture. À une époque, j’ai ressenti un sentiment de déracinement lorsque je suis parti pour Paris, où j’ai vécu dix ans pour mes études. Mais en revenant dans mon pays, mon enracinement et mon attachement à la Martinique sont devenus encore plus forts.
Je sais qui je suis : un Martiniquais au sein d’une République diverse. Je ne suis pas Alsacien, Breton ou Corse ; je suis Martiniquais. Et oui, je suis Martiniquais au sein de la
République française, sans chercher à affirmer mon identité en niant mon appartenance et mon lien national avec le reste de la France.
Ma culture n’est pas une culture de rejet, mais une culture d’enrichissement et de diversité au sein de la République.
Propos recueillis par Thibaut Charles