Laury-Anne Cholez (Reporterre)

Le collectif des 500, qui rassemble des citoyens préoccupés par la 5G, a assigné les quatre opérateurs de téléphonie mobile en justice. Ils demandent la nomination d’un expert pour vérifier que toutes les précautions ont bien été prises pour le déploiement de ce nouveau réseau. Le procès s’est tenu le 16 décembre, les juges rendront leur décision le 16 mars.

« Ils partirent 500 mais n’arrivèrent jamais à 3.000 au tribunal. » Détournant une tirade du Cid de Corneille [1], Alexandre Limbour, avocat de l’opérateur Orange, a tenté de discréditer l’action du collectif des 500, qui a assigné les quatre opérateurs français de téléphonie mobile en référé-expertise devant le tribunal de Paris.

Leur objectif : demander la désignation d’un expert pour vérifier si les opérateurs ont bien mis en œuvre des procédés techniques afin de minorer les risques d’atteinte à la santé humaine, à l’environnement et à la vie privée dans le cadre du déploiement de la 5G. « Plus de 70.000 personnes ont signé notre pétition, nous avons décidé de limiter à 500 demandeurs pour ne pas encombrer le tribunal », plaide Jean-Marc Descoubes, avocat du collectif des 500.

Comprendre les impacts sanitaires, environnementaux de la 5G

Après que les avocats des grands groupes de télécoms ont notamment souligné l’absence d’adresse de certains demandeurs — être domicilié près d’une zone où sera déployé la 5G permettrait selon eux de justifier leur intérêt à agir — ce fût au tour de Jean-Marc Descoubes. Ce dernier a comparé les débats autour de la 5G avec le procès du Roundup de Monsanto, et évoqué les limites de la loi en rappelant les multiples débats de ces dernières décennies sur la nocivité du glyphosate de Monsanto, qui avait pourtant respecté toutes les règles sanitaires en vigueur :

Nous savons que les quatre opérateurs sont des sociétés sérieuses, qui vont respecter la puissance permise par les autorités. Pour autant, nous souhaitons nous assurer que, dans le cadre du principe de précaution, ils ont mis en œuvre des procédés techniques pour empêcher ou minorer les atteintes à l’environnement, la santé humaine et pour protéger l’atteinte aux données personnelles. »

L’avocat du collectif demande la désignation d’un expert indépendant pour vérifier ces trois items. Cette requête interroge Xavier Clédat, l’avocat de l’opérateur Free. « La mission d’expertise qui est demandée est impraticable. Comment savoir quels seront les effets des ondes 5G sur les cellules humaines, alors que les études mettent des années pour avoir un résultat sérieux ? Cette expertise va s’enliser et ne pourra déboucher sur rien de sérieux. »

Son confrère, Alexandre Limbour, l’avocat d’Orange, est arrivé avec une énorme pile de documents : des rapports publiés par l’Agence nationale des fréquences, l’Anses, l’Arcep, le Cgedd, l’Igas« Le gouvernement français a confié à de multiples agences le soin d’examiner les conséquences du lancement de la cinquième génération. Et les multiples rapports sont venus dire qu’il n’avait pas de risque sanitaire ou environnemental. » Il a assuré que les quatre opérateurs respecteront les obligations légales et ne lanceraient jamais ce nouveau réseau « sans s’assurer qu’il n’y a pas de risque sanitaire, environnemental ou de liberté publique. »

Questionner le progrès apporté par la 5G

Pour autant, les avocats des opérateurs reconnaissent comme légitimes les interrogations du collectif. « C’est intéressant ces 500 personnes qui s’inquiètent des conséquences de la 5G et posent des questions sur la santé publique, le respect de l’environnement et du principe de précaution. Mais ces questions ne sont pas posées au bon interlocuteur. Ce n’est pas au juge des référés d’apporter des réponses aux problématiques de société qui relèvent de l’intérêt général », assure Xavier Clédat.

Pour Alexandre Limbour, l’avocat d’Orange, ce procès servirait avant tout de tribune politique à Côme Girschig, présent au procès. Ce porte-parole du collectif des 500 est connu pour avoir représenté la France au premier sommet de la jeunesse pour le climat organisé par l’ONU en 2019. « Ramenons le dossier à ce qu’il est, a donc dit M. Limbour. Une ambition personnelle et sincère derrière laquelle on place un discours caricatural de façon à lui donner de l’ampleur pour engager un travail qui va faire doublon avec ce que le gouvernement engage depuis trois ans. »

L’avocat se base sur une interview de Côme Girschig publiée le 13 décembre dans L’Obs où le jeune homme explique que la lutte contre la 5G est un combat politique. « M. Côme Girschig questionne notre rapport au progrès, c’est pour cela qu’il intéresse les gens. Je comprends qu’on puisse entretenir une nécessité d’avoir des débats démocratiques, de prendre le temps de s’interroger sur cette nouvelle génération qui va faire plus que de raison s’accroître les usages de la consommation, comme il l’explique dans son interview. On a tous nos combats personnels et celui-ci, je peux l’entendre. Mais ce n’est pas le lieu et il est regrettable de mobiliser le tribunal judiciaire pour demander quelque chose qui n’est pas fondé. »

Si le tribunal administratif n’est pas lieu de débat, reste à savoir où les membres du collectif des 500 et toutes celles et ceux qui s’interrogent sur le déploiement de ce nouveau réseau pourront s’exprimer et poser leurs questions. Car elles sont nombreuses, tant sur le plan environnemental que sanitaire, énergétique ou encore des libertés. Et pour l’instant, ni les opérateurs, ni les autorités n’ont été en mesure d’apaiser les craintes des citoyens.

Les juges rendront leur décision le 16 mars prochain.

 

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