Paradoxe : alors qu’une partie – certes minoritaire – de la population martiniquaise s’emploie efficacement à faire disparaître de notre île tous les monuments qui lui déplaisent, la liste officielle des « monuments historiques » ne cesse de s’allonger. Figurer sur cette liste des monuments « classés ou inscrits » signifie en droit français que les monuments en question seront désormais protégés. Pourquoi, dans ces conditions, le préfet de la Martinique et le maire de Fort-de-France, investis en vertu du Code de l’urbanisme de la responsabilité de cette protection, n’ont-ils alors rien fait pour empêcher la destruction, il y a deux ans, de la statue de l’impératrice Joséphine (inscrite en 1992) à la date annoncée par les militants woke ? Il aurait été pourtant aisé, à défaut de vouloir opposer la force publique à la barbarie, de mettre cette statue emblématique à l’abri des vandales, comme firent plusieurs maires de notre île pour protéger certains monuments de leurs communes…
Monuments historiques de Martinique actualise un premier ouvrage publié en 2014 intitulé 101 monuments historiques de la Martinique. Ils sont désormais 123 (22 classés, 101 inscrits). 124 suivant le liste fournie à la fin dont on a omis (par pudeur ?) de supprimer la statue de Joséphine.
L’ouvrage fort bien présenté et richement illustré comme tous ceux en co-édition HC-Edition – Fondation Clément met en valeur sur deux pages (dont une de photo) 52 monuments jugés particulièrement remarquables. La liste complète, in fine, est agrémentée de photos de taille plus réduite des monuments restants.
On lira avec intérêt, en introduction, la « Petite histoire (oubliée) du patrimoine » par Florent Plasse. Il explique comment le souci de protection, en Martinique, a d’abord visé les sites naturels, à l’initiative d’un certain Théodore Baude, chef de service de l’Enregistrement et des domaines, qui commença par créer, en 1909, une « Société forestière martiniquaise des amis des arbres », laquelle deviendra, en 1917, la « Société martiniquaise des amis des arbres, des sites et des souvenirs historiques » et enfin, en 1923, le « Syndicat d’initiative de la Martinique ». C’est de ce dernier qu’émanera la demande, satisfaite en 1934, d’étendre à la Martinique la loi de 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites. Les premières inscription, en 1935, concerneront pourtant deux monuments bâtis (le fort Saint-Louis et la Fontaine Gueydon) en même temps que la Savane de Fort-de-France. C’est seulement en 1939 que la loi de 1913 sur les monuments historiques sera rendue applicable aux colonies de la Martinique, Guadeloupe et Réunion.
La loi de départementalisation n’entraînera pas l’alignement immédiat sur la Métropole alors que l’application des lois de 1913 et 1930 laissait une large initiative au pouvoir locaux. Cet alignement sera finalement réalisé en 1965 à l’instigation de Michel Debré, député de la Réunion.
Si l’inflation de la liste des monuments historiques semble démontrer la volonté de protection des autorités, on a vu en 2020 que celle-ci ne pèse pas lourd face à une minorité décidée au saccage. Plus généralement, comme le souligne Fl. Plasse à la fin de son texte, « le patrimoine bâti souffre encore d’un manque d’appropriation par la population ». C’est en effet le moins que l’on puisse dire.
Michel Herland