Les territoires ultramarins français, de la Martinique à la Polynésie, offrent le visage d’une France éclatée, où la diversité des situations économiques, sociales et démographiques met à l’épreuve les modes de gouvernance. Malgré une volonté affichée d’adaptation statutaire et de convergence avec l’Hexagone, la réalité demeure celle de disparités persistantes, que ni la centralisation ni l’autonomie accordée à certains territoires n’ont permis de résorber.
Certains pensent que c’est par un changement de statut que cet état de fait, comme par magie, pourra disparaître.
L’indépendance, l’autonomie ou des solutions sui generis sont proposées comme solutions pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent ces territoires lointains de la France.
Des écarts économiques qui se creusent
Sur le plan économique, le retard des Outre-mer ne se résorbe pas. Le PIB par habitant reste nettement inférieur à celui de la métropole, avec des écarts particulièrement marqués à Mayotte ou en Martinique. Le coût de la vie, jusqu’à 16 % plus élevé dans les DROM et atteignant des sommets en Nouvelle-Calédonie, pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises locales. Cette situation est aggravée par une forte dépendance aux transferts publics, qui, tout en soutenant l’économie, entretiennent une forme d’assistanat institutionnalisé et freinent l’émergence d’un tissu économique autonome.
Le marché du travail reste marqué par un chômage structurellement élevé, touchant en premier lieu les jeunes et les femmes.
La fuite des diplômés vers la métropole prive les territoires de compétences essentielles et accentue le manque de qualifications locales. Si la diversification économique est affichée comme une priorité – notamment autour de la transition écologique ou de l’autonomie énergétique –, les résultats demeurent limités, la dépendance à quelques secteurs clefs rendant les économies ultramarines vulnérables aux crises.
Des services publics sous tension
Les écarts sociaux sont tout aussi préoccupants. L’accès aux services publics – santé, éducation, logement, justice – reste en deçà des standards hexagonaux, malgré des dispositifs législatifs comme la loi sur l’égalité réelle Outre-mer. Les moyens engagés ne suffisent pas à combler les retards, et les inégalités persistent. L’éducation progresse, mais l’illettrisme demeure élevé dans la plupart des territoires, et les inégalités sociales et linguistiques freinent la réussite scolaire. En santé, la prévalence des maladies chroniques et les crises environnementales, comme la pollution au chlordécone aux Antilles, les brumes de sable témoignent de la difficulté à répondre aux besoins des populations.
Cohésion sociale et affirmation identitaire
Face à ces défis, l’autonomie politique, là où elle est mise en œuvre, favorise la valorisation des identités culturelles et tant soit peu, la cohésion sociale. En Nouvelle-Calédonie, l’Accord de Nouméa a permis des avancées en matière de reconnaissance culturelle et de rééquilibrage social, même si des disparités internes subsistent. Mais partout, la question de l’ajustement des politiques publiques à la réalité locale reste centrale.
Des dynamiques démographiques opposées
La démographie ajoute une couche de complexité. Tandis que les Antilles et La Réunion connaissent un vieillissement accéléré et un déclin démographique, la Guyane et Mayotte font face à une explosion de leur population, portée par une forte natalité et une immigration soutenue. Ces dynamiques opposées exercent des pressions radicalement différentes sur les services publics : prise en charge de la dépendance et financement des retraites d’un côté, saturation des écoles, des hôpitaux et du logement de l’autre. Les migrations, qu’elles soient de départ ou d’arrivée, bouleversent l’équilibre des marchés du travail et compliquent la planification des politiques publiques.
Un impératif d’adaptation
Au final, la gouvernance des Outre-mer se heurte à la nécessité d’adapter les politiques aux réalités locales, sous peine de voir s’aggraver les déséquilibres. Les écarts économiques, la vie chère, le chômage, les inégalités d’accès aux droits et les défis démographiques appellent des réponses différenciées, souples et innovantes.
L’autonomie, si elle permet de mieux tenir compte des spécificités, ne garantit pas à elle seule la prospérité ou la cohésion. C’est dans la capacité à conjuguer solidarité nationale, initiatives et cohésion locales et vision de long terme commune que réside la clé d’un développement pour les Outre-mer.
Gérard Dorwling-Carter.