gaston monnerville

Photo de Gaston Monnerville dans les années cinquante. ©AFP

Il y a cinquante ans, Gaston Monnerville a dit non à Charles de Gaulle. L’ancien président guyanais du Sénat a défié le général lors du référendum sur la réforme du Sénat du 27 avril 1969. Il a appelé à voter “non”. Retour sur le parcours de cet homme de conviction.



“Non” à de Gaulle

L’homme de conviction n’hésite pas à s’opposer à Charles de Gaulle. En octobre 1968, il renonce à la présidence de la Haute Assemblée pour mieux défendre sa conception du pouvoir législatif. Le 18 avril 1969, à la télévision, Gaston Monnerville appelle à voter “non” au référendum sur la réforme du Sénat voulue par le général.

Le texte de loi qui vous ai proposé dont tout le monde sait qu’il est à la fois inconstitutionnel, complexe, difficile et illégal ainsi que l’a dit le conseil d’Etat et dangereux, risque beaucoup de conduire notre pays à l’aventure. Je vous dis donc il faut répondre non au référendum du 27 avril

 

Deux visions s’affrontent. Un Sénat affaibli, réduit au rôle consultatif selon le général de Gaulle. Un Sénat au pouvoir législatif, contre-poids de l’Assemblée nationale, selon Gaston Monnerville. Le non l’emporte finalement par 52,41% des voix le 27 avril 1969. À six mois près, Gaston Monnerville aurait pu devenir chef de l’Etat.

Quand de Gaulle démissionne le 28 avril 1969, il y a une vacance. Alain Poher devient président de la République par intérim. Si Gaston Monnerville n’avait pas démissionné ( de la présidence du Sénat, NDLR), il eut été Président de la République par intérim, explique André Bendjebbar, historien.

Déjà en 1962, Gaston Monnerville se brouille avec le Général de Gaulle lors du référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Un “non” qui fit du bruit mais qui ne résume pas son parcours exceptionnel

Un orateur hors pair

Né de parents martiniquais en 1897 à Cayenne, Gaston Monnerville quitte la Guyane en 1912.
Étudiant brillant à Toulouse, il devient avocat. Devant la cour d’Assises de Nantes en 1931, il obtient l’acquittement de quatorze Guyanais inculpés pour meurtres et pillages après la mort suspecte, trois ans plus tôt, de Jean Galmot, un candidat aux législatives en Guyane. Ce procès des “insurgés de Cayenne” le révèle.

Je retiens cette plaidoirie exceptionnelle où il en a profité pour dénoncer le système de la colonisation, les abus et la fraude électorale qui sévissaient en Guyane et qui avaient conduit à l’empoisonnement de Galmot.
– Antoine Karam – sénateur de Guyane

Une longue carrière politique

Ce succès lui ouvre les portes d’une longue carrière politique. Député radical de Guyane en 1932, il devient maire de Cayenne trois ans plus tard. Il accède au gouvernement comme sous-secrétaire d’Etat aux colonies en 1937 et obtient l’abolition du bagne l’année suivante.

Pendant la seconde guerre mondiale, il rejoint la Résistance. En 1946, il devient l’un des artisans de la départementalisation de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion. Une proposition de loi défendue avec Léopold Bissol, Aimé Césaire et Raymond Vergès.

Après guerre, le Résistant est élu sénateur du Lot, puis président du conseil général de ce département et maire de Saint-Céré.

Pour Saint-Céré, ça a été la première station d’épuration des eaux (…), il a mis en place la mairie qui était là, il s’est occupé des rencontres internationales que l’on avait d’un point de vue musical qui ont débouché sur le festival de Saint-Céré. C’est une vision moderne de la ruralité qu’il avait à l’époque.
– Pierre DESTIC, maire de Saint-Céré (Lot)

Rien ne prédestinait ce petit-fils d’esclave à cinquante ans de vie politique. Il a siégé près de 22 ans sur le “plateau” du palais du Luxembourg, l’équivalent du perchoir à l’Assemblée nationale. Sa carrière s’achève au conseil constitutionnel en 1983. L’ancien président guyanais du Sénat est mort à 94 ans le 7 novembre 1991 à Paris.

Plaques commémoratives de Victor Schoelcher et Gaston Monnerville

Plaque à l’effigie de Gaston Monnerville à droite – à gauche, plaque rendant hommage à Victor Schoelcher sur un pupitre de la salle des séances au Sénat ©KP

Une plaque à son effigie a été apposée le jour du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage au Sénat en 1998. Tout un symbole pour ce ardent défenseur des droits de l’homme. Il fait partie des fondateurs de la LICRA, la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version