L’équipe du CERCAM, Centre de Recherches Caraïbes-Amériques nous informe de la parution de deux nouveaux ouvrages d’Oruno D. LARA, en collaboration avec Inez FISHER-BLANCHET: – La magie du politique. Mes années de proscrit – Entretiens avec Inez FISHER-BLANCHET (Paris, L’Harmattan, 2011); – Propriétaires d’esclaves en 1848: Martinique, Guyane, Saint-Barthélemy, Sénégal (Paris, L’Harmattan, 2011). Ce dernier ouvrage est le volume de la série Propriétaires d’esclaves en 1848, le premier, consacré à la Guadeloupe, étant paru en 2010. Oruno D. LARA et Inez FISHER-BLANCHET, Guadeloupéens, historiens, sont cofondateurs du Centre de Recherches Caraïbes-Amériques (CERCAM).
Propriétaires d’esclaves en 1848 Martinique, Guyane, Saint-Barthélemy, Sénégal
Le 25 février 1848, les onze membres du Gouvernement provisoire prennent la décision, à l’Hôtel de Ville de Paris, d’abolir l’esclavage. Le décret, finalement signé le 27 avril, libère tous les esclaves détenus dans les colonies françaises. Les maîtres, eux, qui sont-ils ? Une liste de procès qui leur sont intentés pour sévices illégaux sur leurs esclaves nous révèle, dans cet ouvrage, quelques-uns de ces propriétaires békés de la Martinique.
Une loi de 1849 a alloué aux « colons dépossédés » une indemnité pour compenser l’émancipation de leurs esclaves. Une loi connue, direz-vous. Sauf qu’on passe trop souvent sous silence que ces colons, propriétaires d’hommes, de femmes et d’enfants, ont continué à vivre confortablement dans les colonies. Ils maintiennent et renforcent leur domination économique en bénéficiant des avantages octroyés par la création des banques coloniales. Certains d’entre eux quittent les colonies pour vivre de leurs rentes, beaucoup investissent dans les usines centrales et la production sucrière, plus tard dans la banane et dans les grandes surfaces commerciales.
Après la Guadeloupe, Oruno D. LARA et Inez FISHER-BLANCHET ont entrepris d’inventorier les propriétaires d’esclaves de Martinique, Guyane, Sénégal et de la colonie suédoise de Saint-Barthélemy. Dans cette île, où l’abolition de l’esclavage a lieu le 9 octobre 1847, les auteurs ont dressé une liste de nouveaux libres qui s’ajoute à celle des maîtres. Une nomenclature de Nègres qui infirme le mythe d’une île de Saint-Barthélemy « blanche ».
La magie du politique Mes années de proscrit
La Guerre d’Algérie (1954-1962) a suscité des vocations de réfractaires. Insoumis, refusant de répondre à leur appel sous les drapeaux, déserteurs quittant illégalement leur camp militaire en France ou en Algérie. Parmi les premiers, quelques dizaines tout au plus, figurait un jeune appelé du contingent, Oruno D. LARA, originaire de Guadeloupe, parachutiste du Train. En garnison à Auch, refusant de combattre contre ceux qu’il considérait comme des frères, il choisit de déserter à la veille de son départ pour l’Algérie.
Le témoignage de ce Guadeloupéen évoque la situation des étudiants colonisés de cette période (AGEG, AGEM, et UEG) et leurs tentatives d’union. Il assiste au Congrès de l’Union des Antillo-Guyanais pour l’Autonomie, réunissant en 1961 les dernières colonies de la France : Guadeloupe, Guyane et Martinique.
C’est avec la complicité d’Inez FISHER-BLANCHET qu’il évoque les raisons qui l’ont poussé à refuser de partir en Algérie. Décision politique mûrement réfléchie, suivie de six années d’errance pendant lesquelles, sans obtenir de droit d’asile ni de statut de réfugié politique, il séjourna en Suisse, en Allemagne, en Belgique, en Hollande et au Royaume-Uni, soumis à la répression policière et aux menaces constantes d’expulsion.
Son récit se fonde également sur une documentation inédite qui rappelle des guerres coloniales antérieures : Indochine, Madagascar en 1947, Kamerun de Ruben UM NYOBÈ, avant qu’il ne rouvre le dossier d’un cinquantenaire concernant l’Algérie arrachant son indépendance en 1962.
Une courte note d’Henri Pied
Concernant ce dernier livre évoquant les années clées de 1959 à 1963 notamment, on doit rappeler que deux Martiniquais ont été concernés au premier plan qui ont déserté en refusant d’aller combattre les Algériens : Guy Cabort-Masson (aujourd’hui disparu, mais qui a produit une abondante œuvre avec livres d’analyses et articles dans Antilla notamment) et Daniel Boukman, qui vit en Martinique, poète et écrivain, et qui a mis une bonne partie de son énergie au service de la langue créole. N’oublions pas non plus les Guadeloupéens Sonny Rupaire (poète), aujourd’hui disparu, ainsi que Roland Thésauros…
Par ailleurs, Oruno D. Lara dans la post-face du livre consacré aux propriétaires d’esclaves souligne, une fois de plus, comment la “décision” d’abolir l’esclavage a été prise, dès le 25 février 1848 par les onze membres du Gouvernement provisoire, alors que la propagande (on ne peut qualifier cela autrement) a fait du seul Victor Schoelcher, le seul héros de cet acte historique pour la France… Au détriment d’ailleurs de la lutte encore plus ardue et sévèrement réprimée de Cyrille Bissete et de ses compagnons de lutte, condamnés, bannis, marqué au fer rouge et qui avaient commencé le combat décisif dès 1823/1824, les seuls d’ailleurs qui, sur place, entreprit de donner forme à la jonction entre les esclaves et les hommes de couleur libre, jonction, sans laquelle rien n’aurait pu se passer au pays. Rappelons que Guy Cabort-Masson a eu des écrits sans ambiguités sur cette période et que le livre de Stella Pame consacré à Bissette, est un ouvrage indispensable pour remettre l’histoire et la vérités malmenées à leur juste place, hors des manipulations persistantes…