LE CLIN D’ŒIL DE SERGE RAFFY.
L’Obs

Pour lui, la réussite du déconfinement est un impératif absolu, une affaire de survie politique. Le Président joue gros dans les prochains jours. Il le sait. Un réveil massif du Covid-19, une nouvelle hécatombe dans le pays, le renverrait aux portes de l’enfer. Alors, il décrète la mobilisation générale : la sienne, aussi.

Et si l’affaire des Gilets Jaunes et son cortège de violences urbaines n’était qu’une bluette face à l’avalanche de périls qui risque de s’abattre sur Emmanuel Macron et son gouvernement ? Le Président entame cette nouvelle séquence du déconfinement la peur au ventre, tant le ciel est menaçant pour lui. Il y a, d’abord, la soudaine apparition d’un groupe de frondeurs LREM à l’Assemblée Nationale, qui pourrait bien rappeler la fin chaotique du quinquennat de François Hollande, président alors fragilisé, aux yeux de l’opinion, par une poignée de mauvais coucheurs de gauche.

Bis repetita, aujourd’hui, chez les Marcheurs ? Cet émiettement du parti majoritaire n’est pas aussi anecdotique que ses chefs veulent le laisser croire. Il révèle une décomposition du paysage politique, dans les mois à venir, sans que le Président puisse en contrôler le moindre de ses soubresauts. Difficile d’être plus affaibli. Trop accaparé par son pari d’un retour à la normale dans les rues du pays, alors que le virus ne semble pas avoir fini de provoquer des ravages, Emmanuel Macron n’a qu’une hantise : le retour des « clusters », ces foyers de contamination qui apparaîtraient aux quatre coins du pays, comme on l’a vu ces derniers jours en Dordogne. Si une deuxième vague de la propagation du virus surgissait, il serait en première ligne des accusés.

Sa très grande faute ? L’affaire des masques et des tests, bien sûr. Il serait sous le coup de la pire des suspicions : celle de l’amateurisme. Et, par ricochet, de ne pas avoir su protéger les Français en négligeant l’arsenal de base de la défense épidémiologique du pays. Et bien sûr, le spectre du procès en négligence, reviendrait avec fracas. Responsable, mais pas coupable ? Vieux débat, qui, forcément reprendra des couleurs.

Déjà, des recours administratifs de dizaines de familles de victimes sont lancés. Des cabinets d’avocats spécialisés dans les préjudices corporels planchent sur des plaintes contre X visant l’administration de la santé et les politiques. Des commissions d’enquête parlementaires menacent aussi de voir le jour. Le Sénat devrait se lancer, courant juin, dans cette forme de procès public, aussi théâtral que venimeux. On sait le mal qu’ont fait à la Macronie les longues séances d’interrogatoire des sénateurs, dans l’affaire Benalla, diffusées en direct sur les chaînes d’information. Pour le pouvoir, un remake de ce genre de supplice serait sans doute la bataille de trop, tant les ministres paraissent épuisés par ces trois mois de guerre sanitaire, plus longs que l’éternité.

Eviter le « ressac » du coronavirus

Terrible constat : Emmanuel Macron est un président sonné, de plus en plus isolé politiquement, cachant de plus en plus mal ses divergences avec son Premier ministre. Pour l’heure, il n’a qu’une véritable urgence : empêcher le pays de plonger une deuxième fois dans la tragédie. Alors, il va ferrailler, jouer du sabre, multiplier les sorties sur le terrain, dans les écoles, les hôpitaux, les usines.

Avec un seul souci : prouver aux yeux des Français qu’il ne ménage pas sa peine et son temps pour les protéger. Qui pourrait accuser de négligence un tel battant, toujours sur la brèche, courant villes et villages pour s’assurer que les mesures barrières qu’il a édictées sont bien respectées ? Arrogant lui ? Un Saint-Bernard, plutôt. Quels que soient les divergences politiques qu’on peut avoir à son encontre, nul ne peut lui enlever son panache et son punch. Il va en avoir besoin encore au moins jusqu’à la fin du mois de mai.

Pour éviter coûte que coûte le « ressac » du Covid-19. Quand la crise sera derrière nous et qu’il faudra rendre des comptes, les boucs émissaires seront placardés sur les murs, les réseaux sociaux multiplieront les procès en sorcellerie, aussi injustes et irrationnels soient-ils. Protégé par son immunité présidentielle, Emmanuel Macron, y échappera juridiquement. Mais symboliquement

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