Pour assurer son développement, l’objectif des autorités locales est d’attirer des entreprises étrangères et des capitaux par le biais d’une très forte attractivité fiscale.
Les RUP, régions ultra-périphériques, constituent des entités particulières au sein de l’Union européenne. Le traité de l’UE reconnaît à ses régions des handicaps de tous ordres ; climatiques, isolement, éloignement, insularité, économique, étroitesse des marchés… qui leur permettent de bénéficier d’exonération de toutes natures à caractère législatif et fiscal. De plus, l’Europe a consenti à leur accorder des zones franches afin de dynamiser leurs développements et briser leur isolement en s’ouvrant au monde.
ILE DE MADÈRE
Le cas de Madère mérite une attention particulière en raison des nombreux avantages dont bénéficie cette Île.
Région autonome (statut comparable à notre art. 74 de la Constitution) du Portugal , Madère est une île au large des côtes africaines, de 800 km² très éloignée donc de l’Europe, avec une population de 290 000 habitants ; elle peut-être comparée à la Martinique.
Pour assurer son développement, l’objectif des autorités locales est d’attirer des entreprises étrangères et des capitaux par le biais d’une très forte attractivité fiscale. Les dispositions et mesures sont les suivantes :
Un centre international d’affaires a été créé en 1980, le CINM, afin d’attirer investissements étrangers, stimuler l’économie et la création d’emplois. Le CINM consiste en une variété d’incitations pour moderniser, diversifier et internationaliser afinde répondre à ces objectifs politiques. L’un des principaux avantages du régime de la CINM est la large liste d’avantages fiscaux accordés aux sociétés et à leurs actionnaires.
Les circonstances particulières de sa situation et de son développement permettent à la région d’offrir une variété de régimes fiscaux favorables, à savoir des (1) zones de libre-échange, des (2) taux d’imposition réduits et des (3) incitations fiscales spécifiques. En aucun cas, Madère est considéré comme une zone off-shore statut prohibé par le traité de l’UE.
La caractéristique essentielle des allègements consentis dans la zone de libre-échange ( dénomination officielle ) concerne la fiscalité des entreprises bénéficiant préalablement de l’agrément du gouvernement portugais.
Tout pour les sociétés remplissant les conditions d’éligibilité ! : la fiscalité IS de 5%, abattement de 80% des impôts locaux et des contributions sur la valeur ajoutée ( équivalents à nos TF, TH , CFE, CVAE, ) réductions, voire suppression des droits de douane dans la zone industrielle … y compris la TVA.
Les actionnaires ou associés bénéficient d’un crédit d’impôt d’environ 5% du montant de leurs investissements, qu’ils soient résidents ou non.
L’ensemble de ces dérogations profitent aux sociétés ayant des licences accordées par le CINM, mais ces dernières sont soumises à la stricte obligation de créer des emplois pérennes selon une grille de taux liés au CA de l’entreprise. Les emplois précaires et les intérims ne sont pas pris en compte. Contrairement aux ZF à la « française » la licence est accordée de façon discrétionnaire au cas par cas en fonction du profil des actionnaires. Les capitaux étrangers sont super privilégiés !
En principe, au 31 décembre 2024 il est mis fin à la zone de libre-échange, mais une prolongation de celle – ci est probable.
Le champ d’application de la zone franche est très large : industrie, nouvelles technologies, télécommunications , services divers , tourisme ( 20% du PIB régional qui s’élève à 5 milliards d’€)….
Sont exclues : les activités financières, assurances, jeux… Curieusement les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture ( exploitations des forêts) ne font pas partie de la zone franche , en raison certainement du manque de développement hi-tech pour leurs fonctionnements ?
Il est important de noter que cette zone franche ou de libre-échange ne propose pas d’allègements des charges sociales, patronales ou salariales aux entreprises éligibles ! Comme bon nombre de ZF (plus de 5000 ZF dans le monde !).
C’est le régime général qui s’applique intégralement comme à l’ensemble du Portugal sans exonération :
On notera que la part patronale est 50% inférieurs à celle de la France ce qui constitue un avantage compétitif décisif avec la concurrence. On pense bien entendu aux produits agricoles importés …
Les Zones franches ZFU, ZRR, ZRU , pratiquement supprimées, cumulaient les réductions de charges patronales et salariales y compris les impôts.
A contrario, la politique portugaise de l’offre mise en place par le gouvernement s’appuie sur la création de zones franches encourageant les entreprises et les actionnaires à développer leurs activités. C’est fondamentalement le principe libéral : la production , la création de richesses sont prioritaires avant toute distribution. Les ZFANG françaises ( Zone Franche d’Activités Nouvelle Génération) qui concentrent leurs avantages sur la fiscalité des entreprises excluent également toute disposition portant sur leurs charges sociales . C’est cette économie libérale qui a fait ses preuves dans les zones en sous-développement. On peut reprocher toutefois à ces ZFANG qui s’adressent à des filières d’activités, qu’elles n’offrent pas aux activités des centres-villes ( commerces et services) les mêmes avantages fiscaux qu’aux grands secteurs économiques. Cette restriction, on parle d’injustice, si elle était levée, offrirait à nos 34 communes des nouvelles perspectives de développement pour l’achalandage.
IMMATRICULATION MARITIME
Madère a plusieurs cordes à son arc en matière de dégrèvements après avoir ouvert un registre maritime international de Madère (MAR) créé en 1989 dans le cadre du « paquet » d’avantages fiscaux du Madeira International Business Center (« MIBC »).
Madère refuse d’être considéré comme un pavillon de complaisance en raison des autorisations consenties par l’UE pour ses prestations maritimes. Plus de 1000 embarcations ( la pêche est exclue) de toutes tailles sont désormais enregistrées auprès du MAR classé quatrième registre maritime international dans l’UE… avec une solide réputation de compétence.
Les navires immatriculés au MAR portent le pavillon portugais et sont soumis aux traités et conventions internationaux conclus par le Portugal. Le registre est d’un niveau élevé, a la crédibilité de l’UE, il figure sur la liste blanche du protocole d’accord de Paris. De plus, il n’a jamais été considéré par Paris comme un pavillon de complaisance.
Il est important de noter que le gouvernement portugais est déterminé à stimuler l’économie maritime, en prenant des mesures concrètes pour placer MAR parmi les principaux drapeaux européens.
Il est donc clair que MAR offre un excellent package de qualité aux propriétaires du monde entier, car toute personne ou entité peut enregistrer un navire auprès de MAR. Il n’y a pas d’exigences de nationalité pour les armateurs de navires immatriculés au MAR et ils ne sont pas tenus d’avoir leur siège social à Madère. En outre, si l’entité est enregistrée auprès du Centre d’affaires international de Madère (MIBC) et entreprend des transports maritimes, elle peut bénéficier d’incitations fiscales spécifiques fournies par le MIBC. Le cumul de ces dispositions, immatriculation et fiscalité assurent à Madère une image d’un pays dynamique compensant les handicaps liés à sa taille et à son insularité.
Par exemple un yacht ou un porte-conteneurs d’une Cie maritime enregistré jouit d’un faible taux d’imposition ; en cas de revente du bateau absence d’imposition sur la plus-value ; accès à tous les cabotages et routes maritimes des eaux de l’UE; les salaires des équipages sont exonérés d’impôt sur le revenu et de charges sociales ; seuls 30% des effectifs de sécurité doivent être « européens ». Cela inclut les nationalités telles que le polonais, le russe et l’ukrainien, ainsi que les citoyens des pays lusophones.
CONCLUSION
Madère apporte la preuve qu’une petite île qui cumule un grand nombre d’ handicaps peut s’inscrire dans la modernité et échapper à la paupérisation à la condition que les systèmes juridiques et fiscaux mis en place dans les grandes économies lui soient épargnés.
La culture de la dérogation est la marque de la lucidité et du courage politique pour les gouvernements. C’est ce qu’ont reconnu les autorités portugaises en faisant bénéficier à Madère d’un statut spécifique.
Claude Gelbras
Un commentaire
A lire M. Gelbras dont l’activité professionnelle est tout de même liée à la défiscalisation et donc aux zones franches, les Martiniquais devront payer des impôts locaux afin que les communes financent des investissements qui seront utilisées par les entreprises se trouvant dans la zone franche et qui, elles, ne paieront pas d’impôts locaux!!! Merci pour elles!
Il parait que c’est la marque de la lucidité et du courage politique des gouvernants.
Finalement, M. Petitot a sans doute raison. Nous devons tout payer comme en France!