Chaque année, le mois de mai s’ouvre sous les auspices de la mémoire et des luttes. Derrière les jours fériés et les longs week-ends se cache une charge historique et politique que nous ne pouvons ignorer. Luttes sociales, résistance anticoloniale, combat pour la dignité et la justice… En Martinique, en Guyane, en Guadeloupe, comme ailleurs dans le monde, mai est un mois de sang et de conquêtes.
Dans ce repère lucide et profondément ancré dans l’histoire des peuples, Maurice Laouchez nous invite à ne pas transformer nos commémorations en gestes vides de sens. Il y réaffirme que la mémoire n’a de valeur que si elle nourrit la vigilance et l’action, ici comme ailleurs.
CELEBRATIONS DU MOIS DE MAI : LE DEVOIR DE VIGILANCE ET D’ACTION
Le mois de mai est riche en célébrations.
Beaucoup d’entre nous y voient surtout le mois porteur de plusieurs longs week-ends.
Mais rappelons-nous ce que disait le poète: l »eurs déclamations sont comme des épées; elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, mais il y pend toujours quelques gouttes de sang ».
Le 1er mai pour célébre les luttes syndicales du 19ème siècle aux Etats-Unis et dans le reste du monde, le 8 mai, la victoire de 1945 contre le nazisme allemand et le fascisme italien, le 22 mai c’est en Martinique l’abolition de l’esclavage en Martinique.
Rappelons, concernant la célébration du 8 mai 1945, que la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe s’étaient libérées, elles, sans effusion de sang, du régime de l’Amiral Robert depuis Mars 1943 pour la Guyane et Juin 1943 pour la Martinique et la Guadeloupe.
Autrement dit, deux ans plus tôt que l’Hexagone, et cela, sans intervention de forces extérieures, comme le souligne le général de Gaulle dans ses Mémoires.
En Martinique, c’est une conspiration organisée par la société civile, à laquelle se sont joints les militaires du camp de Balata et des garnisons de Saint-Pierre, de Desaix et de Galliéni qui a forcé l’Amiral Robert au départ.
Parmi les civils, deux personnes ont joué un rôle particulier: Emmanuel Rimbaud et Victor Sévère.
Parmi les militaires, le Commandant Tourtet et les lieutenants Renvoisé et Théodose ont été à la tête du ralliement au général de Gaulle.
En ce temps-là, les Antilles et la Guyane, leurs Dissidents et leurs Résistants ont emprunté plus tôt que beaucoup d’autres la voie de l’honneur.
Cette année 2025 marque également le centième anniversaire de ce qu’on a pu appeler la « Guerre du Diamant ».
Le 24 mai 1925, après que les élus Zizine et Des Etages aient été assassinés le matin à Ducos par le gendarme Rouquette, au Diamant, en début de soirée, 10 personnes sont tombées sous les balles des gendarmes.
Neuf d’entre elles s’opposaient à la fraude électorale organisée par le gouverneur Richard au profit du candidat De Coppens, ce dernier trouvant également la mort pendant l’affrontement.
Les célébrations ont le mérite de rappeler les luttes et les sacrifices de nos ainés pour conquérir et conserver, à leur profit et au nôtre, la liberté et la justice.
Elles nous rappellent également notre devoir, non pas seulement de mémoire, mais surtout de vigilance et d’actions concrètes pour sauvegarder, chez nous et hors de chez nous, ces biens précieux.
Chez nous et hors de chez nous: cette distinction est de plus en plus vaine, tellement nous vivons dans un monde où ce qui semble loin produit ses répercussions à nos portes.
Le génocide historique en cours à Gaza illustre une réalité forte: les interconnexions liées à la mondialisation rendent universelle l’exigence de lutte permanente contre toutes les formes de colonisation, pour la liberté et pour la justice.
Car chaque fois qu’un enfant ou un adulte civil est tué, au Moyen-Orient ou ailleurs, ce sont les valeurs pour lesquelles nos ainés sont morts qui sont ouvertement insultées.
Maurice Laouchez