Dans ce nouveau ‘Repère”, Maurice Laouchez nous invite à revisiter le sens profond de la commémoration du 22 mai 1848. Si cette date symbolise la fin de l’esclavage en Martinique, il nous rappelle que d’autres moments clés de notre histoire restent trop souvent ignorés. Et surtout, que la vraie fidélité à nos ancêtres passe aussi par la conquête d’une liberté économique réelle, ici et maintenant.
MIEUX CÉLÉBRER LE 22 MAI ?
La célébration du 22 mai 1848, date à laquelle l’esclavage a été aboli en Martinique sous la pression des esclaves eux-mêmes, est nécessaire et légitime.
Il est d’autres dates dans notre histoire qui méritent de l’être plus qu’elles ne le sont.
Le 24 mai 1925, au Diamant, par exemple, neuf personnes furent tuées parce qu’elles s’opposaient à la fraude électorale organisée par le gouverneur.
Le 29 juin 1943, le Comité Martiniquais de libération nationale, composé de membres de la société civile, Noirs et Békés mélangés, sous la conduite efficace d’Emmanuel Rimbaud et de Victor Sévère, obtenait le départ de l’Amiral Robert.
Sans effusion de sang.
Mais la célébration forte du 22 mai appelle trois observations.
La première observation est qu’au nom d’une fraternité plus largement comprise, nous devons nous rappeler que l’esclavage ne fut pas seulement le sort des Noirs, ni seulement celui des Martiniquais.
Des millions de Blancs ont également souffert de cette barbarie, depuis l’Antiquité jusqu’au 19ème siècle. La ville de Verdun fut au Moyen-Age un important marché d’esclaves.
La deuxième observation est qu’en plein 21ème siècle, des centaines de milliers de personnes sont esclaves.
Dans l’île héroïque et martyre d’Haiti, les « RESTAVEK » sont des esclaves dont le sort nous laisse quasiment indifférents.
En Afrique du Nord comme en Afrique Noire, comme en Inde ou au Liban, b sévit encore.
La troisième observation, et non la moindre, est que l’esclavage réel peut prendre de multiples formes.
Le chômage endémique en est une.
La dépendance économique totale en est une autre.
Nos ancêtres seraient hautement satisfaits de nous voir leur rendre des hommages aussi appuyés pour leur effort séculaire de libération civique d’hier.
Sans doute nous encourageraient-ils aussi à consacrer davantage de notre belle énergie à mieux organiser notre liberté économique d’aujourd’hui et, ainsi, à mieux célébrer le 22 Mai.
MANMAY, AN NOU GADÉ DOUVAN