Face à la pauvreté infantile en Outre-Mer, les enfants font face à des difficultés alarmantes nécessitant des solutions immédiates. Karine Lebon, députée réunionnaise engagée pour le bien être des enfants, expose les défis et les perspectives pour améliorer la situation des jeunes dans la région.
Dans les territoires d’Outre-Mer, les enfants font face à des défis majeurs tels que la pauvreté et la violence, avec un taux de mortalité infantile bien plus élevé que dans l’Hexagone. En novembre dernier, l’UNICEF a publié un rapport intitulé “Grandir dans les Outre-mer” afin de mettre en lumière ce sujet. Malgré les alertes et les efforts des associations, aucune mesure significative n’a été prise depuis sa publication. Les élus locaux, comme Karine Lebon, député de la 2ème circonscription de la Réunion (PCF), jouent un rôle essentiel dans la promotion du bien-être des enfants d’Outre-Mer et dans la défense de leurs intérêts au niveau national. Pour améliorer la situation, il est selon elle crucial de renforcer l’éducation et de lutter contre les problématiques telles que le harcèlement scolaire et de résoudre la crise du logement, notamment dans son département qui n’y échappe pas.
Antilla : A cause de la pauvreté, le taux de mortalité infantile en Outre-Mer est bien plus supérieur à celui de l’hexagone (selon le rapport de l’UNICEF publié en novembre). En Réunion, il s’élève à 6,7%. En tant qu’élu local, pouvez-vous nous donner quelques détails sur ce que vivent les jeunes enfants réunionnais ?
Karine Lebon : Cela fait plus de 30 ans que la mortalité infantile ne baisse plus à La Réunion. Elle reste, tout de même, un peu moins élevée que dans les autres DOM.
Sur notre île, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce taux élevé. Les grossesses et accouchements de mères mineurs restent fréquents (2,7 % des naissances en 2016) Par rapport à l’Hexagone, davantage de mères sont concernées par l’obésité et le surpoids, ou par des maladies chroniques. On note aussi que les femmes enceintes réunionnaises sont suivies plus tardivement par les professionnels de santé périnatale. Je suis co-rapporteure du rapport d’information constituant un état des lieux des violences exercées sur les mineurs en Outre-mer, publié en mars dernier. Nous avons auditionné 20 structures publiques ou associatives intervenant sur les différents territoires d’Outre-mer. À La Réunion comme dans tous les territoires ultramarins, « on relève des taux importants de violences physiques, psychiques ou sexuelles. Un des constats inquiétants est le niveau élevé des violences intrafamiliales dont les mineurs demeurent les victimes directes et collatérales. »
Visiblement, il s’agit d’une situation qui nécessite la collaboration entre les élus nationaux et les élus locaux. Le rapport est sorti en novembre, nous sommes aujourd’hui en mars. Y’a t-il eu des mesures qui ont été prises entre temps ?
Le contexte socio-économique et la persistance de certaines croyances en matière d’éducation sont clairement identifiés comme les causes principales. Nous remarquons aussi que même en matière de protection des enfants, le bon sens au sein de nos institutions et des dispositifs n’est pas toujours de mise. Le manque de coordination, de communication et de moyens met en danger nos enfants. Cela n’a pas changé depuis un an malgré nos alertes et surtout malgré le travail des associations et des agents des services publics qui font le maximum avec peu de moyens.
De votre côté, quelles sont vos perspectives pour permettre aux enfants de la Réunion de mieux vivre ?
Le sujet de l’éducation est central. J’interpelle le gouvernement et lui propose régulièrement des solutions sur la situation des AESH, la reconnaissance du métier d’enseignant mais aussi sur la lutte contre le harcèlement scolaire. Le plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire, présenté le 27 septembre dernier n’est pas réaliste. Aucun moyen supplémentaire n’a été alloué alors que ce jour-là une farandole de ministres s’est félicité de ce nouveau plan.
L’école doit bénéficier de plus de moyens à destination de l’apprentissage des élèves mais aussi de l’inclusion.
On dénombre à la Réunion plus de 50 000 logements insalubres. Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontés les enfants sans domicile ou mal logés en Réunion, et quelles mesures supplémentaires préconisez-vous pour améliorer leur situation et garantir leur bien-être dans votre région ?
La Réunion, comme l’ensemble de la France, fait face à une crise du logement sans précédent. Il y a actuellement plus de 45.000 demandes de logements sociaux en attente sur notre île. Bien entendu, cela concerne un grand nombre d’enfants. Un quart des moins de 18 ans habite dans un logement sur occupé. C’est 2 fois plus que dans l’Hexagone. On le sait, la promiscuité participe à tous les types de violences, principalement sexuelles.
Comptez-vous contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures visant à soutenir les enfants dans d’autres départements d’Outre-Mer, au-delà de la Réunion ?
Bien entendu. Je suis députée de La Réunion. Je travaille sans relâche pour les Réunionnaises et les Réunionnais, petits et grands. Mais j’ai un profond attachement pour les Outre-mer dans leur ensemble. Nos histoires sont différentes mais nos spécificités nous rassemblent. Nous sommes traités de la même manière à Paris, nous ne sommes pas écoutés et considérés. Nous devons être unis pour faire entendre nos voix et faire avancer nos territoires. Nos populations le méritent et elles y ont droit.
Propos recueillis par Thibaut Charles