Criminologie, victimologie, il rentre dans la tête des criminels comme des victimes. Non, Hamid Elatifi n’est pas le profiler que l’on imagine. A son bureau comme la plupart des psycho criminologues, il étudie notamment les éléments déclencheurs qui poussent à l’acte criminel. Découverte d’un métier aussi fantasmé que méconnu. Direction, Rivière-Pilote à la rencontre d’Hamid Elatifi.
Le métier de criminologue suscite tous les fantasmes d’autant plus lorsqu’il est accolé à psychologie. Mis en scène maintes et maintes fois sur le grand et le petit écran, le psycho criminologue a fixé de son empreinte l’imaginaire. Se glissant dans les fétides méandres de l’esprit d’un criminel, s’identifiant à lui, il emboîte son pas jusqu’à une confrontation finale en apothéose.
Loin des plateaux d’Hollywood, le coup de projecteur médiatique sur la profession n’en est qu’une partie restreinte. A Rivière-Pilote, Hamid Elatifi exerce ce métier peu commun mais il n’a pas choisi la voie du profiling. Il explique que la criminologie s’intéresse au fonctionnement de l’humain qui « est passé à l’acte », à entendre commis un délit ou un crime. « Nous tenons compte de son lieu de vie et de son passé. Il faut prendre tout l’humain dans ce qu’il englobe afin d’être au plus près de ce qu’il se passe en lui », précise Hamid Elatifi. Selon l’Institut national du service public, la psychocriminologie est l’étude des faits criminels. Elle vise à comprendre, prévenir et traiter toutes les situations de violences et de crimes.
Tout comme sa singulière profession, le parcours professionnel du psycho criminologue est atypique. La criminologie est une reconversion ou plutôt l’aboutissement d’un cheminement éclectique. Ses débuts professionnels, se déroulent derrière une sono en tant qu’ingénieur du son dans l’Hexagone puis la Martinique.
“Ils ont un problème avec la société. Ils sont en anomie”
Puis il quitte le milieu artistique pour un tout autre domaine. A la suite d’une rencontre avec un éducateur, boxeur à ses heures perdues, Hamid Elatifi se lance à son tour non pas dans le sport de combat mais dans la médiation jeunesse dans une association. Il y devient ensuite chef de projet. « Quand j’ai pris la tête de l’association, je me suis rendu compte que j’avais des manques de compréhension de ce public. » Il prend alors la décision de se former en tant que psycho criminologue.
Avec son équipe, il prend le temps de mettre en place des projets moins centralisés mais davantage adaptés à la jeune population locale pour la Martinique. Paradoxalement, le but de l’association n’est pas l’intégration de ces jeunes qui avaient eu maille à partir avec la justice « mais leur faire prendre conscience de leurs capacités. Les jeunes dans les cités ont énormément de talents. C’est ce que nous essayions de faire ressortir.» Il poursuit : « Ils ont un problème avec la société. Ils sont en anomie. »
Mais qu’est-ce qui pousse un jeune à basculer du côté de la délinquance ? Hamid Elatifi n’a pas une mais des réponses. « C’est un ensemble sociétal qui est à l’origine du passage à l’acte. Par exemple, la vie chère, la faim peut pousser au vol. Ce ne sera pas le seul élément déclencheur mais cela peut y participer. »
Outre la jeunesse, parmi les combats de Hamid Elatifi, les violences faites aux femmes, la radicalité, les violences faites aux enfants notamment l’inceste. Un sujet tabou dans la société. Même pour le professionnel qu’il est, il est encore délicat pour lui d’embrasser ce sujet. « C’est dur pour notre cerveau de comprendre ça. Il y a beaucoup de déni, de rejet et de honte. »
Une victime n’est jamais à blâmer. Hamid Elatifi travaille auprès des femmes victimes de violences. « Je leur fais comprendre le pourquoi de cette soumission, de cette peur, de cette incapacité à prendre des décisions afin que les femmes fassent un travail sur elles-mêmes et qu’elles puissent briser ces chaînes. » En effet, le psycho criminologue s’attarde davantage sur la victimologie. « Je vais vers ce qui me touche le plus. » Seulement, Hamid Elatifi déplore la méconnaissance de son domaine professionnel. « C’est un nouveau métier. Il faut montrer la pertinence du psycho criminologue dans la société. »
Laurianne Nomel