Primaires : Les électeurs ont pris le pouvoir
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Lorsque, en 1962, Charles de Gaulle a soumis au referendum l’élection du président de la république au suffrage universel, la décision n’avait pas été très bien reçue par la classe politique. L’accusation de « forfaiture » faite à l’occasion à de Gaulle par le président du sénat, Gaston Monnerville, avait créé entre les deux hommes une inimitié durable qui a pu compter dans la décision ratée du premier de supprimer la Haute chambre.
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La prise du pouvoir par les français ainsi que la pleine conscience qu’ils en ont a donc été le corollaire de la présidentialisation du régime. Le président n’est pas responsable devant les élus mais devant l’électeur. Ce dernier l’a fait savoir avec éclat dès 1969. Le non au référendum avait été alors considéré comme un désaveu à De Gaulle qui avait essuyé un an plus tôt le désaveu de la rue (mai 1968). Cette manière de démocratie directe était comprise par des esprits éclairés comme Raymond Aron comme le mode de gouvernance moderne qui s’imposer aux « sociétés industrielles » dont celle de la France.
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Tout au long de la 5ème République des juristes et des politiques ont, ici et là et plutôt mollement, déploré le tour présidentiel pris par le régime, de sorte que certains adeptes d’une 6ème République ont pu espérer le retour de l’élection présidentielle au suffrage indirect. Au contraire, le nouveau mode de désignation de son candidat par le PS renforce encore la présidentialisation du régime en même temps, curieusement, que les pouvoirs de l’électeur.
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Il n’est pas contestable que François Hollande se retrouve aujourd’hui au-dessus du parti socialiste. Il est presque dans la situation que décrit bien la philosophie de l’élection présidentielle : la rencontre d’un homme et d’un pays. Après l’onction reçue par un électorat qui a débordé les limites de son parti, il échappe à l’autorité de la secrétaire générale. Il peut même s’écarter sensiblement du projet socialiste qui est quelque peu désavoué avec la défaite de sa porteuse, Mme Aubry. Des membres importants du parti avaient déjà déploré, en 2007, l’esprit d’indépendance affichée par Mme Royal. Mais la candidate désignée contre les éléphants du parti n’en avait cure.
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S’il est vrai que le régime est peu susceptible de permettre l’élection à la présidence d’un politicien inexpérimenté, voir un inconnu comme c’est parfois le cas aux USA, les importants pouvoirs accordés à l’électeur sont sans commune mesure avec la connaissance qu’il a des problèmes. Par ailleurs, celui-ci manifeste de façon irresponsable une liberté de décision dont les conséquences ne lui seront pas reprochées.
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Ainsi, dans l’intervalle de quatre années, Mme Royal s’est vue plébiscitée face à d’éminents concurrents, puis rejetée sans ménagements alors que, battue honorablement par Nicolas Sarkozy et n’ayant pas eu à exercer le pouvoir, son incompétence supposée n’a pas pu être démontrée. L’électeur a bien pu se tromper à un moment ou à un autre, ou bien au moment du plébiscite ou bien lors du désaveu.
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En revanche, celui qu’elle avait battu, Dominique Strauss-Kahn, s’est révélé quatre ans plus tard le candidat préféré du peuple de gauche. Porté par les sondages, sa candidature aurait été quasiment imposée alors que tout dans le parcours de l’ancien président du FMI paraissait l’éloigner de la gauche, sauf peut-être son élection à la mairie de Sarcelles. On ne peut mieux dire que les motivations du peuple sont parfois insaisissables, alors que les besoins du pays sont connus.
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Une fois élu, le président de la république n’est autorisé à n’exercer ses pouvoirs qu’avec parcimonie. Il assumera pleinement ses erreurs, mais aussi ses audaces. Il lui sera même reproché la réalisation de projets contenus dans le programme électoral qui l’a fait élire. Il ne pourra surtout pas justifier ce qui va mal dans le pays par des considérations d’ordre international, le point faible du débat politique.
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A cet égard, le mot fort de la campagne pré-présidentielle socialiste est : « démondialisation ». En effet, les électeurs français n’ont que faire de cette vérité d’évidence qui veut que l’amélioration de la situation des pauvres dans le monde passe inévitablement par la diminution du niveau de vie de l’Occident. Tous les politiques en ont conscience mais ils ont les mains liées. Les contradictions entre l’expression populaire et les exigences de la politique, surtout au plan économique, les obligent à pratiquer la langue de bois, sauf que celle-ci est aujourd’hui décryptée par le citoyen le moins averti.
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C’est vrai, l’électeur français a pris le pouvoir : les primaires socialistes le confirment, qui ont réuni ce dimanche trois millions de votants. Un pouvoir qui n’est pas toujours éclairé mais qui est presque absolu.
Yves-Léopold Monthieux, le 17 octobre 2011
(Amis lecteurs, répondez à YLM… Faisons aussi notre débat…)
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