Une notion d’essence politique
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Tel a donc été énoncé le principe de souveraineté dès les prémices de la Révolution française. À suivre ce précepte, la Souveraineté s’exerce dans le cadre exclusif de la nation. Ce faisant, la souveraineté est d’essence patriotique, sans partage ni délégation.
En vérité, la question de souveraineté, au-delà du renvoi sémantique à l’autorité du roi et aux regalia, est davantage une notion relevant des sciences politiques et plus précisément pose les conditions d’exercice de l’exercice de la volonté politique et son organisation institutionnelle.
La souveraineté est en effet d’abord un instrument politique, comme affirmation de la primauté des institutions sur les autres sphères : qu’elles soient économiques, industrielles, numériques, financières, etc. Autrement dit : Être souverain, c’est être maître chez soi.
Depuis le XVIe Siècle et les écrits de Jean Bodin, la souveraineté est devenue une notion juridique qui marque l’avènement de l’État moderne, qu’il définit comme suit :
« La souveraineté est le pouvoir de commander et de contraindre, sans être ni commandé ni contraint »[1]
Sa définition est reprise trois siècles plus tard par le juriste français Louis le Fur qui voit dans la souveraineté la qualité d’un État :
« de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif qu’il est appelé à réaliser ».[2]
De la souveraineté selon Rousseau…
Jean-Jacques Rousseau, apôtre de la et de la cohésion nationale, sous la forme du Contrat social, voit l’expression de la souveraineté à travers l’exercice du pouvoir par le roi :
« La volonté du souverain est le souverain lui-même. Le souverain veut l’intérêt général, et, par définition, ne peut vouloir que l’intérêt général »[3].
Selon l’auteur de Julie ou la Nouvelle Héloïse, la souveraineté présente quatre caractères :
- Elle est inaliénable. La souveraineté ne se délègue pas. Rousseau condamne le gouvernement représentatif et la monarchie à l’anglaise : « Les députés du peuple ne sont ni ne peuvent être ses représentants ; ils ne sont que ses commissaires ».
- Elle est indivisible. Rousseau est hostile à la séparation des pouvoirs, aux corps intermédiaires, aux factions dans l’État. Un corps représente nécessairement des intérêts particuliers ; il ne faut pas compter sur lui pour faire prévaloir l’intérêt général.
- Elle est infaillible (à condition que les intérêts particuliers se trouvent neutralisés). La volonté générale est « toujours droit et tend toujours à l’utilité publique ». « Le souverain par cela seul qu’il est, est toujours ce qu’il doit être ». Formule moins assurée qu’il ne semble, car le problème c’est que le souverain soit.
- Elle est absolue : « Le pacte social donne au corps politique un pouvoir absolu sur les siens ». Limité toutefois par « Les bornes du pouvoir souverain : si le pouvoir devient arbitraire, c’est que la volonté générale n’est plus souveraineté »[4].
Ce faisant, Rousseau est l’expression de la souveraineté populaire, à travers l’idée d’intérêt général.
… À la souveraineté nationale
Selon l’abbé Sieyès qui va prendre la tête des délégués du Tiers-Etat : « la Nation existe avant tout, elle est l’origine de tout ; sa volonté est toujours légale ; elle est la loi même. Avant elle et au-dessus d’elle, il n’y a que le droit naturel »[5].
Dès lors, la souveraineté s’incarne dans la Nation, à laquelle appartient le roi. Cette approche de la souveraineté met en exergue le principe de souveraineté nationale qui se retrouvera très vite sur les pièces de monnaie qui seront frappées dans la foulée : « le Roi et la Nation » ; l’un et l’autre font alors corps.
Pour Sieyès, la volonté générale est le « résultat des volontés individuelles, comme la nation est l’assemblage des individus ». « Qu’est-ce qu’une nation – poursuit-il – Un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature ». Ce faisant, il fait de la souveraineté une question institutionnelle. Cela n’est guère surprenant à la lueur des évènements de 1789.
Sa pensée sera inscrite sous l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen des 16-24 août 1789 comme énoncé ci-dessus.
C’est cette règle organisationnelle, conduite par la représentation nationale, et ses représentants, qui seront consacrés pendant deux siècles.
Par Olivier de MAISON ROUGE
Avocat, Docteur en droit
Dernier ouvrage paru : « Gagner la guerre économique. Plaidoyer pour une souveraineté économique et une indépendance stratégique » VA Editions, 2022