Dans Marianne est aussi noire, une vingtaine de chercheurs examinent les luttes des femmes noires, longtemps ignorées ou méprisées en raison de leur couleur de peau. L’ouvrage critique la manière dont la République française a introduit et maintenu une inégalité entre les femmes blanches, principalement métropolitaines, et les femmes de couleur depuis l’époque coloniale. Il dénonce également la “silenciation” des luttes des femmes noires, tant par les politiques que par les féministes de la deuxième vague, accusées d’avoir ignoré les revendications des femmes noires.
Le livre met en lumière des figures comme Joséphine Baker, dont la panthéonisation en 2021 est analysée comme une célébration du stéréotype de la femme noire exotique et érotisée, héritée du colonialisme. Cette instrumentalisation du corps féminin noir est une construction qui a pour but de dissimuler les défaites coloniales et d’affirmer une identité nationale fondée sur la blanchité et la masculinité, excluant ainsi les femmes, notamment celles des colonies.
En outre, l’ouvrage évoque la difficile reconnaissance de la pleine citoyenneté des femmes, notamment en Guadeloupe et à La Réunion, où des militantes féministes, souvent issues des classes populaires et non blanches, ont dû lutter contre des résistances violentes, marquées par un antiféminisme virulent et un rejet de l’égalité raciale. L’ouvrage retrace aussi l’évolution du féminisme dans les Antilles et en Afrique postcoloniale, avec des mouvements féministes combattant les violences patriarcales et racistes, et les contradictions de la décolonisation qui ont échoué à garantir des droits égaux.
L’ensemble de l’ouvrage explore la tension entre le féminisme citoyen et les résistances nationalistes face aux inégalités persistantes, mettant en lumière des combats féminins souvent oubliés, pour l’égalité des droits des femmes noires à travers le monde.
Silvane Larcher, Félix Germain (sous la direction de), Marianne est aussi noire. Luttes occultées pour l’égalité. Traduction Arianne Dorval, Bernard Müller, Seuil «La Couleur des idées», 409 pp., 26,50 €.